Première parution : Moret-Loing-et-Orvanne & Aulnay-sous-bois, France : Le Bélial' & Quarante-Deux, 28 septembre 2023 Traduction de Henry-Luc PLANCHAT Illustration de MANCHU
BÉLIAL'
(Moret-Loing-et-Orvanne, France), coll. Quarante-Deux Date de parution : 28 septembre 2023 Dépôt légal : septembre 2023, Achevé d'imprimer : septembre 2023 Première édition Recueil de nouvelles, 432 pages, catégorie / prix : 24.90 € ISBN : 978-2-38163-098-4 Format : 14,0 x 20,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Coédition avec Quarante-Deux, qui a son propre ISBN pour cet ouvrage : 978-2-9510042-9-0. Existe aussi en numérique au format ePub (ISBN : 978-2-38163-099-1) au prix de 6,99 €. Dépôt légal à parution. Couverture à rabats.
« Rappelez-moi comment vous êtes morte ?
– À quel moment ?
– La dernière fois. »
Irem avait l’impression que sa nouvelle main, qui tapotait la table comme un sémaphore courroucé, appartenait à quelqu’un d’autre. Elle n’avait pas encore pris ses marques dans le vacant que l’Institut lui avait attribué. Il lui paraissait flasque, comme une salopette trop grande. Elle passa la langue derrière des dents qui n’étaient pas les siennes et poussa un soupir…
Né au Québec, mais ayant grandi en Californie, Ray Nayler a vécu et travaillé à l’étranger pendant deux décennies – en Russie, au Turkménistan, au Tadjikistan, au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Afghanistan, en Azerbaïdjan, au Viêt Nam et au Kosovo, autant de pays dont il maîtrise la langue. Diplômé de la School of Oriental and African Studies de Londres, il est actuellement chercheur invité à l’Institute for International Science and Technology Policy de l’université George Washington. Annoncé en France aux éditions du Bélial’, The Mountain in the Sea, son premier roman, a été célébré par une critique incandescente — de Jeff VanderMeer à David Mitchell — et vient de remporter le prix Locus.
Sans équivalent en langue anglaise, le présent recueil, composé avec l’exigence coutumière de la collection « Quarante-Deux », est l’acte de naissance, aux yeux des lecteurs francophones, d’un auteur de science-fiction contemporain essentiel.
1 - Ellen HERZFELD & Dominique MARTEL, « Quarante-Deux », Ray Nayler et les autres, pages 13 à 15, préface 2 - Mélopée pour Hazan (A Threnody for Hazan, 2018), pages 17 à 46, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 3 - Mutabilité (Mutability, 2015), pages 49 à 70, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 4 - Père (Father, 2020), pages 73 à 98, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 5 - Les Boucles de désintégration (The Disintegration Loops, 2019), pages 101 à 130, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 6 - Une fusée pour Dimitrios (A Rocket for Dimitrios, 2021), pages 133 à 193, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 7 - Les Yeux de la forêt (Eyes of the Forest, 2020), pages 195 à 216, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 8 - Sarcophage (Sarcophagus, 2021), pages 219 à 244, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 9 - L'Hiver en partage (Winter Timeshare, 2017), pages 247 à 271, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 10 - Retour au Château Rouge (Return to the Red Castle, 2020), pages 273 à 299, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 11 - Le Réparateur de moineaux (Mender of Sparrows, 2022), pages 301 à 330, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 12 - La Mort de la caserne de pompiers n° 10 (The Death of Fire Station 10, 2019), pages 333 à 352, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 13 - Les Enfants d’Evrim (Evrim's Children, 2021), pages 355 à 373, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 14 - La Pluie des jours (Rain of Days, 2022), pages 375 à 393, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 15 - Les Hirondelles de papier (The Swallows of the Storm, 2020), pages 395 à 420, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 16 - Alain SPRAUEL, Bibliographie des œuvres de Ray Nayler (1976-), pages 423 à 429, bibliographie
Critiques
Si les nouvelles qui composent ce recueil peuvent se lire indépendamment les unes des autres, elles forment un tout cohérent puisqu’elles relèvent plus ou moins du même univers. Celui-ci est bâti à partir d’un point de divergence avec notre Histoire, à savoir l’arrivée d’une soucoupe extra-terrestre aux USA au début de la seconde guerre mondiale, apportant aux Américains une avance scientifique et technologique qui leur permet de sortir du conflit comme uniques vainqueurs. Outre la situation géopolitique, le monde de Protectorat est différent du nôtre par plusieurs inventions rendues possibles par les artefacts ET. Le connectome permet de déplacer la conscience de son utilisateur, y compris dans le passé, d’accéder à des « boucles » de souvenirs dans le cerveau de personnes mortes, voire d’envoyer son esprit jusqu’à une lointaine exoplanète. La robotique a également progressé : dès les années 50, des robots envahissent le quotidien. Plus tard, ils acquerront une conscience, qu'ils soient des androïdes ou bien aient la stature de bâtiments intelligents.
Cimentées par la cohérence de l’univers, les 14 nouvelles de Protectorat, toutes d’excellente qualité et offrent une grande variété, tant par leur forme que par les sujets abordés. Il est difficile de toutes les commenter mais plusieurs méritent d’être évoquées.
Il y a tout d’abord les deux textes portant sur la difficile exploration d’exoplanètes : les Yeux de la forêt et Sarcophage, deux ambiances oppressantes, deux histoires de survie en milieu hostile, deux évocations d’écosystèmes lointains et étranges. Un troisième texte leur fait écho ; Retour au Château Rouge décrit le difficile retour sur Terre de l’une de ces exploratrices, dans un univers où l’esprit humain chevauche des faisceaux laser pour voyager à la vitesse de la lumière.
Une large part du recueil repose sur les technologies permettant de déplacer ou transférer une conscience. Certains textes sont un peu sibyllins (Mutabilité), d’autres rappellent les nouvelles de Greg Egan (Le Réparateur de moineaux). Le diptyque Les boucles de désintégration / Une fusée pour Dimitrios est particulièrement intéressant. Mettant en scène la même héroïne, spécialiste de l’exploration de la conscience des morts, il permet à l’auteur de décrire le contexte géopolitique de son univers à travers deux histoires où se mêlent avec brio science-fiction et espionnage. L’hiver en partage est d’une autre nature, à la fois histoire d’amour et réflexion un peu amère sur le tourisme et les inégalités. Comme d’autres nouvelles, elle a pour cadre la ville d’Istanbul, devenu le protectorat qui donne son titre au livre.
Impossible de terminer sans évoquer les très beaux récits sur les IA et les androïdes. Ce ne sont peut être pas les plus originaux, tant le thème de l’accession à la conscience d’intelligences artificielles et de ses conséquences juridiques, philosophiques et morales est un classique de la SF, mais ce sont ceux dans lesquels la sensibilité et l’humanité de Ray Nayler sont les plus évidentes. Dans deux genres différents, Père et Les Enfants d’Evrim mettent en scène des relations père-enfant dans des circonstances difficiles où les robots incarnent une figure paternelle émouvante. Enfin, comment ne pas mentionner La Mort de la caserne de pompiers n° 10 ? Depuis 2001 l’odyssée de l’espace et Hal 9000 qui chante une dernière fois Daisy, il n’y a rien eu de plus poignant que cette caserne de pompiers dotée d’une conscience domotique et vouée à la destruction qui raconte des blagues salaces aux ouvriers venus la démolir.
Protectorat rassemble 14 nouvelles à la fois cohérentes par l’univers qui les sous-tend et d’une grande diversité de forme et de thèmes. Tous ces textes prouvent de belle façon que Ray Nayler est un grand nouvelliste et un grand auteur de science-fiction.