Publié à la fin du siècle dernier, Trilby devait charmer bien des cœurs anglo-saxons, des deux côtés de l’Atlantique — et susciter une vogue que n’aurait jamais imaginée son auteur, George du Maurier, illustrateur de la célèbre revue satirique Punch, devenu romancier sur le tard.
C’est d’ailleurs Henry James qui faillit hériter du sujet ; du Maurier ne se résigna finalement à écrire le roman lui-même que devant le succès de Peter Ibbetson.
Voici donc contée la délicieuse histoire de Trilby, « blanchisseuse de fin, modèle pour l’ensemble »… et phénix de l’art vocal.
Voici encore le récit de la carrière de Petit Billy, peintre anglais génial, et amant de Trilby — de qui la morale de son milieu le séparera.
Voici, avec le personnage de Svengali, abordé le thème de l’ascendant exercé par un esprit humain sur un autre esprit humain — thème qui fournit au roman son argument fantastique.
Voici revivre le Quartier latin d’il y a cent ans — cadre d’un tableau de mœurs souvent cocasse et émouvant.
Et nous voilà brusquement dépaysés. Est-ce chez du Maurier simplicité de l’écriture ? Ou habitude de l’observation sur le vif ? Toujours est-il que nous croyons, jusque dans ses développements les plus fantastiques, à l’intrigue qu’il a imaginée. Et qu’il nous est soudain loisible de rêver vrai — comme Peter Ibbetson rêvait vrai. Rien d’étonnant après cela que l’œuvre de du Maurier figure en bonne place au panthéon de nombre de surréalistes, de Michel Leiris, d’André Breton, de Benjamin Peret. et que tous ceux qui l’ont lu s’accordent à juger Trilby comme « une œuvre unique en son genre ».