Maggie Black est écrivain, auteur d’études sur des poètes. Elle apprend qu’un de ses plus anciens correspondants, David Cooper, vient de mourir en lui laissant tous ses biens en héritage. Maggie décide d’aller s’installer dans l’ancienne maison de Cooper, pour enfin s’atteler à la rédaction d’une biographie du grand écrivain. Mais elle n’avait pas prévu que Cooper habitait en plein désert, dans les montagnes de l’Arizona (près de Tucson). Là, la vie n’a pas le même rythme qu’ailleurs. Les choses sont plus pures, les formes plus essentielles, les mystères plus profonds...
Pourquoi Cooper est-il mort noyé dans un lit de rivière asséché ? Pourquoi des coyotes rôdent-ils autour de sa maison ? Qui est l’étrange fille-lapin qui s’abrite sous les grands cactus ? La magie de ces collines désertiques est puissante, Maggie Black devra prendre garde à ne pas y perdre la raison — ou la vie.
Incontournable éditrice de la fantasy, l'Américaine Terri Windling signa avec ce roman l'un des chef-d'œuvres du genre. Combinant les créatures étranges des illustrations de Brian Froud (le roman a été inspiré par la toile reproduite en couverture de ce grand peintre anglais, spécialiste des fées) avec les abords du désert d’Arizona, Windling nous parle d’une région originale pour la fantasy. Création artistique, amour des mots et de la musique, beauté de la vie et dangers des mythes : une œuvre majeure.
Suite à la mystérieuse mort deDavis Cooper, Maggie Black part dans le désert près de Tucson, pour y hériter de sa maison. Cooper, écrivain adulé puis détesté par les critiques, a en effet entretenu une longue correspondance avec la poétesse mais sans que jamais ils ne se rencontrent. Maggie, en vu de rédiger la biographie du défunt, se rend donc en Arizona pour découvrir la vie de ce lointain compagnon et son lieu d'inspiration. Maggie Black va alors se retrouver plus qu'elle ne le pensait dans les textes de son ami... Et si certaines métaphores de Cooper n'en étaient pas ? Et si ses poèmes devaient se comprendre littéralement ?
Bien que se destinant à une carrière d'illustratrice de fantasy, Terri Windling s'est surtout fait connaître pour son travail d'éditrice et d'anthologiste. Elle a ainsi fait publier et révélé le groupe des Scribblies 1 dont notamment Steven Brust et sa série Vlad Taltos, mais aussi Megan Lindholm (avant qu'elle ne devienne Robin Hobb), Charles de Lint, ou encore Ellen Kushner 2. Elle est malheureusement une écrivaine trop rare, qui n'a écrit que deux nouvelles et trois livres pour la jeunesse en plus du présent ouvrage. Or, on aimerait lire plus souvent des œuvres de cette qualité.
L'épouse de bois se déroule dans un environnement très original, car trop peu souvent (jamais ?)exploré en fantasy : l'Arizona. Ici point de forêt ancestrale, sombre et oppressante, cadre de nombre de romans du genre, mais un désert tout ce qu'il y a de plus ensoleillé. S'il peut paraître étrange de parler de mythes et légendes dans tel milieu plutôt que de se servir de la masse d'images qui nous immerge à l'évocation des plus vieux bois anglais, le récit y gagne toute son originalité et sa force. En effet, l'univers créé est sans fausse note et, malgré cette terre singulière, le lecteur n’éprouve aucune difficulté à plonger dans le récit dès le départ. Au contraire, la nouveauté et l'étrangeté intriguent et captivent.
On n’est pas loin ici de la fantasy qui flirte avec le réalisme magique, de ces histoires où les personnages ne se rendent pas compte qu'ils vivent au milieu d'un bestiaire légendaire. Comme Robert Holdstock avant lui, Terri Windling mélange merveilleux et création de mythes. Elle aussi conçoit un monde où l'imagination des hommes a une conséquence directe sur leur univers : l’incarnation des êtres imaginés. Enfin pas exactement, mais à vous de le découvrir...
D'ailleurs cette question de la création imprègne fortement le récit puisque la plupart des personnages sont des artistes : Maggie Black bien sûr qui est poétesse, mais on croisera aussi sculpteurs, peintres, musiciens, écrivains, etc.
Ainsi, l'art paraît être une question importante pour Terri Windling, peut-être même un leitmotiv puisque l'auteure américaine a été inspirée dans son écriture par les illustrations de Brian Froud. C'est même la toile reproduite en couverture qui est à l'origine du roman. On ressent très fortement l'influence de ce dessin dans le livre, notamment à travers la fille-lapin. Mais le bestiaire original ne s'arrête pas là puisque beaucoup d'êtres fantastiques habitent la région. C'est d'ailleurs étonnant et très agréable de voir que des entités que l'on imagine dans un univers « européen » (l'image des bois anglais revient souvent dans le récit) prennent aussi bien leur place dans un désert de l'autre côté de l'Atlantique. Au point qu'au final on se demande si les légendes indiennes, plus adéquates au milieu, ne leur conviendraient pas mieux.
L'imprégnation dans le récit est aussi accentuée par l'histoire. On ne peut pas ici parler véritablement d'intrigue puisque le roman comporte très peu d'action. D'ailleurs la résolution du meurtre de David Cooper n'a que peu d'importance, cette question n'étant clairement pas l'élément central du texte, alors que la découverte par Maggie de l'environnement conjuguée à sa rencontre avec les habitants de la région donnent une force assez envoûtante à l'ensemble. Tout semble paradoxal : c'est lent mais beau ; lumineux mais mystérieux ; calme mais dangereux.
Ainsi, Terri Windling imagine des créatures mythiques curieusement réalistes, bien vivantes et bien intégrées à leur milieu, pour créer un univers féérique original et inattendu où le lecteur dépaysé ne s'ennuie pas un seul instant alors que l'action est très peu présente. Une œuvre à l'opposé d'une fantasy d'aventures et pourtant tout aussi divertissante. Bref, une vraie réussite.
Notes :
1. Groupe d'écrivains habitants Minneapolis composé au départ de Patricia C. Werde, Steven Brust, Emma Bull, Pamela Dean, Will Shetterly et Nathan Bucklin. 2. Pour avoir plus de renseignement sur le travail de Terri Windling, le lecteur pourra se reporter à l'article d'André-françois Ruaud, « Les Scribblies & l'école de Minnéapolis » paru dans le Panorama illustré de la Fantasy et du Merveilleux aux Moutons électriques.
Quasi-inconnue en France, Terri Windling est l'une des figures majeures de la fantasy aux Etats-Unis. Sa bibliographie, outre L'Epouse de bois, ne compte qu'une poignée de nouvelles et d'œuvres pour la jeunesse, mais l'auteure a occupé depuis les années 80 une place prépondérante dans le milieu de l'édition. Directrice de collection, anthologiste, essayiste, elle a contribué de façon considérable à l'évolution du genre, au renouvellement de ses thèmes comme de ses auteurs, parmi lesquels Caroline Stevermer, Steven Brust ou Charles de Lint qu'elle a révélés.
L'Epouse de bois est un voyage envoûtant à la découverte d'un monde autre qui va progressivement s'infiltrer dans le réel. L'histoire est celle de Maggie Black, poétesse et universitaire. Une jeune femme constamment en mouvement, sans attaches fixes hormis un ex-mari bienveillant mais tellement présent dans sa vie qu'il en devient envahissant. Durant des années, Maggie a entretenu une correspondance avec Davis Cooper, poète génial récompensé autrefois du prix Pulitzer, qui a sombré dans l'alcool après la disparition de sa compagne. Lorsque celui-ci meurt dans des circonstances étranges, noyé en plein milieu du désert, elle apprend avec surprise qu'il lui a légué l'ensemble de ses possessions. Espérant découvrir la vérité sur cet homme qu'elle n'a jamais rencontré et dont la vie recèle de nombreuses zones d'ombre, Maggie fait ses valises et part illico pour l'Arizona.
Dans les pas de l'héroïne, on découvre progressivement le monde dans lequel a vécu Davis Cooper. Un monde aux antipodes de celui de Los Angeles, en apparence hostile et austère, mais qui va progressivement révéler une richesse inattendue. A travers les écrits du poète, les peintures de sa compagne et ses rencontres avec les rares habitants de la région, Maggie va petit à petit comprendre ce qui les a retenus dans un tel endroit et changer sa vision de ce qui l'entoure.
L'apparition du surnaturel se fait de manière progressive et naturelle. Elle a tout d'abord lieu dans les marges du récit, avant d'en gagner lentement le cœur. Et lorsqu'enfin Maggie reçoit chez elle la visite d'une créature mi-enfant, mi-animal, elle est déjà tellement imprégnée de l'atmosphère onirique qui baigne désormais son univers qu'elle ne peut que l'accueillir les bras grands ouverts.
Terry Windling a imaginé un bestiaire assez fascinant, inspiré à la fois du folklore du sud des Etats-Unis et des peintures de Brian Froud, artiste anglais dont le tableau « Redlead mask woman » est reproduit en couverture du roman. A la fois totalement étrangères au monde des humains et profondément liées aux terres où elles évoluent, ces créatures nous apparaissent, sous la plume de la romancière, incompréhensibles et pourtant proches, touchantes.
Et puis L'Epouse de bois doit aussi beaucoup de son intérêt au portrait que fait Terry Windling de son personnage principal. Maggie Black est de ces héroïnes qu'on quitte à regret, tant la romancière a su lui donner vie et nous la rendre proche. Une justesse et un sens du détail que l'on retrouve également dans la description des autres protagonistes, tous parfaitement campés et ne se limitant pas au rôle que l'histoire leur donne à jouer.
Par l'originalité de son cadre, par la beauté étrange de sa magie, par l'élégance de son écriture, L'Epouse de bois constitue l'un des plus beaux romans de fantasy paru en France ces dernières années. A lire impérativement.