TIMELAPSE
(Rennes, France) Date de parution : septembre 2024 Dépôt légal : septembre 2024 Réédition Recueil de nouvelles, 248 pages, catégorie / prix : 20,90 € ISBN : 978-2-9590819-2-7 Format : 15,0 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Bienvenue sur Fumeterre, planète ravagée par les pluies acides et les rayonnements nucléaires, où pullule une faune corrompue jusqu'à la moelle. Les rêves s'y font lambeaux et l'être humain finit dépouillé de ses organes et de ses illusions.
Prenez garde aux dangers, aux meurtriers tapis dans la crasse, aux entreprises multiplanétaires et aux groupuscules religieux ou militaires. Embarquez et tâchez de sauver ce qui vous reste d'espoir et d'humanité.
Fumeterre 6.2 est un roman brillant et nerveux qui oscille entre post-apocalyptique et cyberpunk dans lequel Jean Millemann aborde les mécanismes de la violence et leurs effets sur les individus et sur la société. Ce fix-up réconcilie littérature classique et littérature de l'imaginaire dans un style fragmenté et incisif.
Novelliste, Jean Millemann explore avec un grand répertoire de tons, de registres et de genres les possibilités de cette forme narrative. Découvrez vite l'univers de cet homme qui chérit la nature, les gens et la musique avant toute chose.
1 - (non mentionné), Avertissement, pages 5 à 5, introduction 2 - Viande recyclée, pages 7 à 15, nouvelle 3 - Les Anges déchus, pages 16 à 28, nouvelle 4 - Agnus Purus, pages 29 à 35, nouvelle 5 - Scops, pages 36 à 49, nouvelle 6 - Grey Cave Song, pages 50 à 61, nouvelle 7 - Green hope, 3 heures du matin, pages 62 à 69, nouvelle 8 - Les Donneurs, pages 70 à 79, nouvelle 9 - Hurleterre, pages 80 à 87, nouvelle 10 - Joe, pages 89 à 95, nouvelle 11 - Tegite specula, pages 96 à 107, nouvelle 12 - Caine le cloporte, pages 108 à 116, nouvelle 13 - Suzy McGee, pages 117 à 148, nouvelle 14 - Artemiss et Bob, pages 149 à 160, nouvelle 15 - Élégie, pages 161 à 167, nouvelle 16 - Night Corpse Twist, pages 168 à 187, nouvelle 17 - La Cucaracga, pages 188 à 197, nouvelle 18 - Dan peint, pages 199 à 207, nouvelle 19 - Dukkha McGee, pages 208 à 225, nouvelle 20 - Freaks concerto, pages 227 à 238, nouvelle 21 - Le Mot de l'auteur, pages 241 à 241, nouvelle 22 - Hélène BOULARD, Le Mot de l'éditrice, pages 245 à 247, nouvelle
Critiques
On saura gré aux éditions Timelapse d'avoir pris la peine de rédiger un avertissement là où d'autres, maintenant, multiplieraient des trigger warnings autant pour obéir au diktat de lecteurs prompts à faire la morale que pour se situer dans un paysage éditorial toujours plus fragmenté en cases stéréotypées. Une manie partagée par les majors du streaming vidéo qui affichent un signalement dès que le bout d'une cigarette apparait ou qu'un gros mot est lâché. Introduire le texte, y adjoindre en postface le point de vue de l'auteur puis celui de l'éditrice est tellement plus riche que coller une étiquette, et contribue à montrer le soin mis dans l'objet, aussi bien que l'attention aux textes et aux lectrices et lecteurs.
Pour autant, le livre le nécessitait-il ? Le jugement du lecteur un peu expérimenté qui écrit ces lignes est-il aujourd'hui faussé, ou bien la violence annoncée est-elle réellement si perturbante ? S'il nous immerge sous une charge mentale accablante, nous met au contact de la crasse et de l'insécurité permanente, voire verse parfois dans le body-horror, le texte semble tout de même loin, par exemple, des premiers chapitres particulièrement éprouvants Des racines du malde Maurice G. Dantec, qui s'introduit dans l'esprit d'un psychopathe tueur (et violeur) en série. Mais ce récit d'une planète qui a subi un effondrement doublé d'une catastrophe environnementale, où les survivants sont des loups les uns pour les autres et passent l'essentiel du temps à se terrer dans des caves pour se droguer a certes un petit quelque chose d'angoissant.
D'autant que Jean Millemann sait nous plonger dans son univers et nous faire boire jusqu'à la lie l'amertume, le désespoir ou la franche horreur. Fumeterre, donc, est une planète des confins soumise à un empire dont on ne voit ici ou là que le bras armé. Ruinée mais toujours livrée à quelques conglomérats qui ont la haute main sur la technologie ou la santé, et qui mêlent les deux, depuis le trafic d'organes jusqu'à la commercialisation de prothèses et d'implants mi-organiques mi-silicés. L'auteur peint tout cela par touches ; un personnage évoqué ici sera pleinement décrit là. Il complète le décor au besoin, au gré de récits qui se répondent : celui d'une ville déliquescente dont les quartiers aux noms évocateurs sont donnés au fur et à mesure (Central Sanitaire, Neutral Point, Red Hot, Deep South, ...). Adossé à elle, l'astroport semble n'être qu'une porte d'entrée vers l'enfer, et jamais une échappatoire. Mais le plus étouffant réside dans la remarquable homogénéité des nouvelles et dans la manière dont les phrases se répètent, s'additionnent, comme si les narrateurs successifs mâchaient et remâchaient leurs mots pour nous faire profondément ressentir le sens qu'ils charrient dans une litanie désolante.
Une deuxième question se pose : fallait-il rééditer ce texte, autrefois paru en 1994 chez un éditeur aujourd'hui défunt ? Oui, simplement parce que la voix de Jean Millemann est singulière. Et parce qu'avec un ton tour à tour désespéré, désabusé, mais aussi narquois ou même malicieux, et malgré la violence qui se cache toujours dans cette réalité à laquelle tous les personnages se cognent, il nous donne à connaître des hommes et des femmes qui vont de l'avant, méritent d'être aimées, dans lesquelles vit tout de même l'optimisme de l'écrivain pour ses semblables.