Joseph Sheridan LE FANU Titre original : Uncle Silas : A Tale of Bartram-Haugh / Maud Ruthyn and Uncle Silas: A Story of Bartram Haugh, 1864 Première parution : Dublin University Magazine, de juillet à décembre 1864. En volume : Angleterre, Londres : Richard Bentley, décembre 1864ISFDB Traduction de (non mentionné)
A la mort de son père, un riche gentilhomme campagnard anglais, au milieu du XIX° siècle — « siècle des ténèbres » s'il en fut, malgré l'essor scientifique et technique qui occupe le devant de la scène — une jeune fille de dix-sept ans quitte le château ancestral pour rejoindre son oncle et tuteur, l'oncle Silas.
Un mystère a toujours entouré la personnalité énigmatique de Silas mais, avant de partir, la jeune héritière aura appris qu'il fut jadis soupçonné d'un assassinat crapuleux : celui d'un vulgaire habitué des champs de courses, retrouvé égorgé sous son toit, dans une pièce hermétiquement fermée de l'intérieur... il avait toujours protesté de son innocence et aucune preuve n'avait finalement été retenue contre lui. Pourtant, depuis, il vivait en reclus dans son domaine délabré, au cœur d'un paysage d'une sauvage beauté.
D'abord en proie aux plus sinistres pressentiments, la jeune Mathilde, sensible et délicate comme toutes les jeunes filles « bien nées » de son époque, reprendra lentement confiance, car son oncle, vieux et malade, semble lui témoigner de la bonté. Sa cousine Milly, une amusante sauvageonne, lui tient compagnie dans ses promenades champêtres. Mais des événements inquiétants ne vont pas tarder à se succéder et le lecteur devinera peu à peu qu'une effroyable machination est en train de se mettre en place. Mais il devinera seulement et le suspense durera jusqu'aux dernières pages, car Mathilde, elle, n'aura rien deviné...
Roman gothique par le décor, le style et l'ambiance fantastique, L'oncle Silas est surtout un « thriller » avant la lettre. La grande romancière Elisabeth Bowen l'avait d'ailleurs qualifié, dans sa préface à l'édition anglaise de 1947, de « roman de terreur ». Roland Stragliati, pour sa part, parle de « chef-d'œuvre ».
Joseph Sheridan Le Fanu (1814/1873), né à Dublin, est considéré actuellement comme l'un des maîtres du fantastique (on lui doit, entre autres, le célébrissime Carmilla) et c'est donc avec un vif intérêt que l'on se penchera sur cette réédition de Mon Oncle Silas, traduit en France dans les années 1863/1864 sous le titre Le Mystère d'une Tutelle. C'est le fac-similé de cette publication, devenue pratiquement introuvable, que nous propose Le Visage Vert et Mater Tenebrarum.
L'histoire est simple mais captivante dès ses premières lignes par l'atmosphère sombre et inquiétante qui s'en dégage : Mathilde, jeune fille de bonne famille, se voit à la mort de son père placée sous la tutelle de son oncle Silas, personnage Farouche et sur lequel pèse des soupçons d'assassinat. La vie de Mathilde devient rapidement insupportable et le manoir de son parent se révèle être un piège où les plus noirs desseins sont à l'œuvre.
On retrouve dans Le Mystère d'une Tutelle tout l'attirail gothique en vigueur à l'époque et qui donne au récit une coloration fantastique et fort angoissante : abbayes en ruine, vieilles maisons hantées, manoirs isolés et mélancoliques, machinations complexes,... Mais ce récit porte aussi, et surtout serait-on tenté de dire, la marque personnelle du talent de Sheridan Le Fanu. On y retrouve, en effet, cette puissance d'évocation et de fascination propres à l'auteur et qui rendent ses romans si passionnants. Le Mystère d'une Tutelle n'a guère vieilli et demeure un récit captivant, dominé par la personnalité forte et machiavélique du redoutable oncle Silas.