Site clair (Changer
 
 Fiche livre   Connexion adhérent
L'Ambassade de l'espace

Ian WATSON

Titre original : Alien Embassy, 1977
Première parution : Gollancz, septembre 1977   ISFDB
Traduction de Henry-Luc PLANCHAT
Illustration de Wojtek SIUDMAK

POCKET (Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy précédent dans la collection n° 5354 suivant dans la collection
Dépôt légal : juin 1990, Achevé d'imprimer : juin 1990
Réédition
Roman, 254 pages, catégorie / prix : 6
ISBN : 2-266-03257-7
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction

Autres éditions

Sous le titre Ambassade de l'espace   CALMANN-LÉVY, 1979

Quatrième de couverture
Les Terriens rêvaient de coloniser l'univers. Mais ils ont sombré dans le chaos. Puis la technologie occidentale a rencontré les disciplines spirituelles de l'Orient. Une société paisible est née. Grâce à l'extase sexuelle du Tantra, l'humanité s'est finalement projetée dans les étoiles. Elle a découvert le Voyage Spatial Psychique, établi le contact avec d'autres mondes amicaux.
Lila Makindi, une jeune Africaine du XXIIe siècle, a des dons de psychonaute. Elle attend beaucoup des croisières dan l'espace. La réalité qu'elle découvre est moins exaltante : les ambassades mentales des races étrangères masqueraient-elles une menace mortelle, celle de la Bête Astrale ?
 
L'Anglais Ian Watson, né en 1943, publie de la S.F. depuis 1969. Passionné d'ethnologie, de linguistique et de théorie de la communication, il est à la fois pessimiste et optimiste : pour lui, le monde court à la ruine, mais pourrait être sauvé par une éducation différente, qui nous permettrait de percevoir l'Autre-Réalité. L'Enchâssement (1973) a été couronné par le John W. Campbell Memorial et le prix Apollo.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition CALMANN-LÉVY, Dimensions SF (1979)

 
     LE SOUFFLE DE LA BETE

     Nous sommes au XXIIe siècle. Le BARDO (Bureau pour l'Astromancie, la Recherche et le Développement Organisé) permet au monde de vivre en équilibre grâce à l'écologie sociale, fondée sur l'amour mutuel et la stabilité. Il lui permet aussi d'atteindre les étoiles, non pas physiquement par des fusées, mais par des moyens psychiques, tirés du Tantra, ou yoga de l'extase sexuelle ; car pour l'Astromancie, « l'extase est le carburant des fusées mentales ». Mais l'immobilisme et l'harmonie du monde du Bardo ne sont qu'un leurre, un premier voile jeté par ce dernier sur ses projets réels : derrière le masque se cache un autre masque, l'enchâssement des réalités illusoires permettant de filtrer les individus trop curieux et de les manipuler.
     Par sa construction-gigogne du type « poupées russes » (liée à la quête de la psychonaute Lila Makindi), Ambassade de l'Espace s'oppose aux trois romans précédents parus dans la même collection 1, tous construits selon le principe des narrations parallèles. Abandonnant aussi la froideur et le ton quelque peu didactique qui lui étaient propres, l'écriture de l'auteur est inhabituellement chatoyante 2, bercée par le rythme lent de l'intrigue. (Peut-être un peu trop lent, mais Watson n'est pas un auteur de thriller !). Cependant, ce changement formel n'affecte en rien les préoccupations habituelles de l'auteur. Ambassade de l'espace apparaît d'ailleurs comme le prolongement, sur le plan de la réflexion, de l'Inca de Mars 3 son complément antithétique, son reflet inversé. Tous deux posent en effet le problème du surhomme, conséquence « naturelle » de l'évolution de l'espèce humaine.
     L'homme est un animal « néoténique », c'est-à-dire qu'il met très longtemps à mûrir, n'étant actuellement qu'au stade de la chenille. Il n'est qu'une étape, et non le bourgeon terminal d'un monde qui le soutiendrait et l'expliquerait, d'un monde qu'il résumerait. Et puisque l'animalité a cessé d'évoluer dès l'instant où elle a engendré la strate humaine, c'est-à-dire le palier supérieur qui la relaie et se substitue à elle dans le développement universel, on est en droit de se demander comment sera le papillon qui émergera de la chrysalide. Pour Jean Rostand, il pourrait s'agir « de véritables surhommes qui comprendraient ce que nous ne comprenons pas, qui auraient des facultés supérieures aux nôtres, qui, en un mot, seraient, par rapport à nous, ce que nous fûmes par rapport à l'homme de la Préhistoire. Comment ne pas être tout ensemble séduits par la perspective d'engendrer une créature qui nous dépasse, et révoltés dans notre instinct de conservation spécifique à l'idée de ce successeur devant qui nous n'aurions qu'à nous incliner ? » 4.
     Séduit, Watson l'est par l'Inca de Mars, ce demi-dieu dont la méta-vision permet d'avoir une perception accrue du monde et de l'esprit du monde. Mais dans Ambassade de l'Espace il préfère s'intéresser à la chenille humaine qui, après le stade de la chrysalide provoqué par le Bardo, doit devenir papillon. L'évangile biologique du Bardo ne vise-t-il pas, dans un tranquille génocide, à faire assassiner la chenille par le papillon ? Les adorateurs de l'Homme Futur ne sont-ils pas déjà à l'œuvre dans nos laboratoires, à tenter de remodeler l'homme ? 5.
     Dans un monde sans Dieu où résonne encore l'Echo des Pas du Créateur s'éloignant définitivement de nous 6, l'homme est condamné à devenir Dieu. La mystique des frontières et des limites le poussant dans une quête existentialiste et désespérée de la Connaissance, il place tous ses espoirs dans l'Evolution. Mais celle-ci, message codé, invisible et indéchiffrable porté par l'humanité, risque fort de conduire cette dernière à sa perte.
     Car la Bête Astrale que le BARDO feint de combattre dans l'espace, est en fait tapie en chacun de nous, usant de tous les déguisements possibles et exhalant son souffle fétide sur notre nuque.

Notes :

1. L'enchâssement Le modèle Jonas et l'Inca de Mars.
2. Signalons au passage l'excellent travail réalisé par Henry-Luc Planchât, non seulement en ce qui concerne la traduction proprement dite, mais aussi au niveau des nombreuses notes en bas de page qui éclairent le lecteur sur les termes indous utilisés par Watson (Râkshasa, yantra, etc.).
3. Ces deux romans portent la même date de copyright : 1977.
4. in Ce que je croit Grasset.
5. Cf. L'homme remodelé de Vance Packard (Ed. Calmann-Levy), critiqué dans Fiction 299.
6. Cf. Le modèle Jonas

Denis GUIOT
Première parution : 1/4/1979
dans Fiction 300
Mise en ligne le : 19/1/2010

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87293 livres, 112213 photos de couvertures, 83729 quatrièmes.
10815 critiques, 47164 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3915 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD