Le comte Didier de Chousy est un inconnu qui a écrit un chef-d’œuvre, Ignis (1883), ouvrage à peine moins inconnu que lui puisqu’il n’est cité que par Alfred Jarry en 1903, avec quelques mots flatteurs et une citation et par R.-M. Gattefossé qui dédia à sa mémoire son roman conjectural Paradis, Société anonyme.
Ignis est une merveilleuse satire de la science, dans la foulée cependant de Jules Verne, mais avec plus de finesse que Robida, et, surtout, beaucoup plus de connaissances techniques et scientifiques ; le récit comporte deux thèmes principaux : l’utilisation du feu central et la robotique, et le second de ces thèmes, au moins, est traité d’une manière qui devance la littérature conjecturale de plus de cinquante ans.
Donc, une "Compagnie générale d’éclairage et de chauffage par le feu central de la terre » est fondée. Et dès les premières pages est étalé un devis précis pour forer « un puits géothermal de 15 mètres de diamètre sur 12.000 mètres de profondeur, avec ville de 25.000 habitants". La dépense totale sera de 1.275.736.000 francs, le bénéfice annuel de 740 millions de francs, soit 58% du capital engagé !
Dans Ignis, presque tous les thèmes de la science-fiction sont abordés, et toujours avec un humour splendide. On n’en finirait pas de citer, jusqu’au gouvernement qui est particulièrement original, à savoir "pantopantarchique", ce qui signifie le règne de tous sur tout. En effet, chaque citoyen y étant millionnaire et sans désirs insatisfaits, on peut lui confier le sceptre, il n’en abusera pas. N’est-ce pas là l’anarchie suprême ?