De ce temps, les coffres sont vivants et carnivores qui plus est. Ils ressemblent à des monstres, hideux, énormes, bêtes. Et ce sont véritablement des monstres ! Heureusement qu'il n'y a ni syndicat pour les défendre, ni association charitable et humanitaire pour les plaindre !
Dans ces conditions, les hold-up deviennent improbables. Non, impossibles. Excepté pour les gars un peu tordus. Mathias est ce gars tordu, flic qui ne supporte plus de voir les Unités de Justice Autonome, machines à pinces et à estomac crématoire, faire son boulot. Il se lance dans l'impossible et atterrit dans la gueule d'un monstrueux coffre palpitant, rugissant et dégoûtant. Sa tentative aura des conséquences inouïes. Adieu la ville et, peut-être, tchao le monde.
La première moitié du roman foisonne d'inventions. La proportion d'imagination délirante à la page-carrée est proprement stupéfiante. Mais il arrive que Brussolo donne trop de détails et se laisse aller à une overdose d'explications qui nuisent un tantinet au dynamisme du récit. On lui pardonne volontiers ce tic. Chez lui, la narration et l'action demeurent au second plan. La description d'un univers hallucinant, pas toujours crédible sous toutes ses coutures, c'est là justement où il faut jouer le jeu et fermer les yeux, prime sur tout le reste.
Il y a dans son horreur une part d'humour, probablement involontaire. Car les histoires de Brussolo se révèlent à la fois si vivantes et si authentiques qu'on sourit en claquant des dents.
Nom : Brussolo. Prénom : Serge. Signe particulier : Ecrivain noir et sang. Attention, cet auteur est dangereux. Ce gars-là est presque aussi tordu que ses personnages. Mais c'est ce qui fait son charme. Alors, soyez clément avec lui, ne le flinguez pas tout de suite, laissez-lui le loisir d'écrire encore quelques délires dont il a l'art secret.
Quand il sera vieux, mou et vide, il sera temps de lui envoyer à domicile une Unité de Justice Autonome ; à moins qu'il ne se soit fait dévorer vivant par le coffre fort enfermant ses idées...
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/7/1987 dans Fiction 388
Mise en ligne le : 20/4/2003