T. J. BASS Titre original : Half Past Human, 1971 Première parution : États-Unis, New York : Ballantine Books, juillet 1971 Traduction de Françoise MAILLET
LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. SF (1ère série, 1977-1981) n° 7042 Dépôt légal : 2ème trimestre 1979 Réédition Roman, 416 pages, catégorie / prix : 4 ISBN : 2-253-02208-X Format : 11,0 x 16,5 cm Genre : Science-Fiction
Maquette : Pierre Faucheux / Dedalus / Photo Gérard Ruffin
En l'an 2350, voici la Terre. Sous l'Ere d'Olga. Un monde paisible, couleur avocat, puisque le sol a été entièrement photosynthétisé.
Dans les champs immenses, les Récolteuses et les Agrimaches jardinent pour l'humanité.
Et l'humanité, riche de trois trillions d'âmes, est divisée en deux clans, deux sociétés.
Les Néchiffes hyper-évolués ont aménagé le sous-sol. Dans leurs hyper-cités fourmilières, ils vivent une existence programmée, artificielle d'hommes-insectes.
Les Broncos, libres, affamés, traqués, errent en surface.
Ces deux humains n'ont qu'un point commun : la chasse. Le Néchiffe est le Chasseur, le Bronco est le gibier. C'est la technologie contre la nature, la science âgée contre l'instinct retrouvé.
Critiques
UNE OUVERTURE MAGNIFIQUE
Encore un CLA (1975), avec une très chouette couverture, et une ouverture magnifique, qui m'avait déjà bien accroché quand Galaxie avait publié la version magazine. Description en action d'une société/termitière, celle des « néchiffe » symboliquement castrés. Ils n'ont que 4 orteils et vivent programmés, ce qui n'empêche pas la violence qui naît de la rencontre, au-delà d'un certain seuil, de la solitude et de la massification. Société que fuient les 5 orteils, descendants des hommes. A la surface, des machines produisent la nourriture et se défendent contre les humains-sauvages, que chassent les nechiffes, aussi tartarins que nos chasseurs hivernaux. Sauvages dont les cultures néoprimitives, le mode de vie, les religions sont des plus fascinants. Malgré tout c'est un peut longuet, on sent la bourre qu'il a fallu ajouter à cette novelette pour en faire un pavé.
Dans cette très grande fresque (dont la première partie était déjà connue par les larges extraits parus dans Galaxie n° 107, 110, et 111), l'idée d'une population terrestre atteignant 3500 milliards est effectivement suggérée par le grouillement de personnages à peine différenciés, auxquels on a d'autant plus de mal à s'attacher que, si les Néchiffres de la Fourmilière sont veules et mous, les Egotiens qui lui échappent et qu'elle pourchasse (Broncos, Entre-les-Murs, Océanides) sont frustes et sans pitié ; tous sont des pantins de leurs glandes (tendresse lutéale et dureté folliculaire des « pouliches ») et de leurs gènes (« quatre-orteils » amorphes, « cinq-orteils » rebelles), voire (dans le deuxième tome) semi-mécanisés ; ce sont d'ailleurs des machines (Curedent, Gitar) qui ont le plus de personnalité, et les dieux en qui reposent tous les espoirs (Olga dans le premier tome, Rorqual le dieu-baleine dans le deuxième) sont des machines. Tous les détails, même les plus incroyables, s'appuient sur de remarquables connaissances scientifiques, cependant que l'ensemble a l'élan épique des grandes légendes, dont il est d'ailleurs nourri : Jonas et sa baleine, Moïse guidant son peuple vers la Terre promise, le Joueur de flûte de Hamelin (la traductrice écrit « Hameln », mais à ce compte il faudrait parler de Jonah et de Mosché !). Pourtant tout éclat lyrique ou épique est banni : tout, jusqu'au plus atroce, est décrit sur le même ton détaché et froid, à peine relevé par endroits d'une petite pointe d'humour noir. C'est qu'il n'y a pas de place pour la morale dans cette vision d'une humanité en expansion, dont la Fourmilière et ses adversaires ne sont que deux stades obéissant à un déterminisme tout aussi inhumain. Si bien que l'admiration du lecteur ne va pas sans quelque malaise.