Émettant un sifflement terrifiant, l'énorme araignée découvrit deux mandibules acérées.
Dès leur arrivée dans Snowfield, petite station de montagne sans histoires, Jenny et sa jeune sœur Lisa ont ressenti une impression de calme étrange, surnaturel.
Le premier cadavre qu'elles découvrent dans la maison, c'est celui de Hilda, la femme de ménage. Les yeux exorbités d'horreur, figée dans un cri, la chair noire et boursouflée. La demeure voisine est déserte, le souper encore chaud sur la table, la chaîne stéréo jouant une symphonie de Beethoven...
Terrorisées, les deux jeunes femmes se précipitent à la boulangerie pour y chercher du secours : sur le comptoir, deux mains tiennent les extrémités d'un rouleau à pâtisserie. Deux mains humaines tranchées.
Un frisson glacé parcourt la nuque de Jenny et de Lisa. Tapi dans l'obscurité, quelqu'un ou quelque chose les épie.
Critiques
Les Éditions J'ai Lu viennent de lancer une nouvelle collection, intitulée Épouvante, et nous offre pour débuter quatre titres dont Spectres de Dean R. Koontz, sans doute le meilleur volume de cette première livraison.
Contrairement à certains romans, où l'action se met lentement en place par petites touches successives, ceux de Stephen King par exemple, Spectres entre immédiatement dans le sujet en accumulant, dès le premier chapitre, des scènes fortes (découverte et descriptions minutieuses de cadavre, présence d'un ennemi invisible redoutable...). Mais l'inquiétude naît également du mystère qui entoure ces morts — de quelle manière ont-ils été tués ? — et de l'ampleur du drame — tous les habitants de la petite station de Snowfield ont été assassinés en quelques minutes.
Malgré un délayage évident de la part de l'auteur — l'intrigue aurait gagné à être resserrée et non dispersée comme c'est le cas pour plusieurs passages peu utiles aux développements ultérieurs — et un manichéisme outrancier, Spectres demeure un bon roman qui vaut surtout par la nature de l'adversaire terrifiant qu'affrontent les différents protagonistes de l'histoire. Un être hors du commun qui n'est pas sans rappeler les créatures du Mythe de Cthulhu, cher à Lovecraft (dans le roman, il est d'ailleurs surnommé « l'ennemi ancien ») et La chose d'un autre monde de J.W. Campbell dont il partage la faculté d'adopter de multiples formes. L'affrontement final est, à cet égard, très réussi.
Un soir, la tranquille petite ville de Snowfield est plongée dans l'horreur : ses habitants ont disparu ou sont morts, assassinés avec une perverse imagination dans la mise en scène macabre. Les animaux sont également absents. Des voix enfantines chantonnent des menaces au téléphone. Des papillons géants dissolvent le crâne des policiers dépêchés sur les lieux par une femme médecin qui revenait chez elle avec sa petite sœur.
Le shérif est rapidement dépassé par la situation, de même que les militaires venus à la rescousse. Les événements les plus inimaginables se succèdent, ponctués par des décès atroces. Ce qui rôde à Snowfield est protéiforme, gigantesque, d'une puissance inimaginable, d'une cruauté sans borne et se présente avec des noms sataniques.
La première version de Spectres inaugurait, il y a treize ans, la collection Épouvante chez J'ai lu. Cette nouvelle édition revue et corrigée par l'auteur compte une centaine de pages supplémentaires et n'échappe pas, de fait, à certaines longueurs. Koontz a amélioré le suspense de quelques passages, approfondi la psychologie de certains personnages et actualisé les détails scientifiques relatifs à la génétique. La naissance de Dolly n'est probablement pas étrangère à cette révision.
Spectres reste en tout cas un Koontz d'un excellent niveau, équivalent au Ça de Stephen King pour ce qui est des manifestations incompréhensibles liées à un phénomène protéiforrne qui dépasse les humains.