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Vénus plus X

Theodore STURGEON

Titre original : Venus plus X, 1960
Première parution : Pyramid, 1960   ISFDB
Traduction de Jean-Pierre CARASSO
Illustration de KELECK

Jean-Claude LATTÈS (Paris, France), coll. Titres/SF précédent dans la collection n° 26 suivant dans la collection
Dépôt légal : 2ème trimestre 1980, Achevé d'imprimer : mai 1980
Réédition
Roman, 256 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,0 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
On a volé Charlie Johns. Qui ? Le peuple de Ledom, un monde libre, sans contrainte, sans guerre, sans peur. Un monde sans reproche dont tous les habitants sont bisexués, à la fois mâle et femelle. Bref, le paradis pour Charlie, Homo Sapiens du 20e siècle ! Jusqu'au jour il découvre où il est. Pourquoi il y est. Comment il y est arrivé et ce que sont exactement "ceux-celles" qu'il désigne du nom de Vénus plus X.
 
Théodore Sturgeon est né en 1918 à New York. C'est l'un des plus grands écrivains révélés pendant cette fameuse époque surnommée l'Age d'Or de la Science-fiction. Plus novelliste que romancier, Théodore Sturgeon a écrit trois grands romans qui comptent parmi les chefs-d'œuvre de la science-fiction, Cristal qui songe, Les Plus qu'humains et Vénus plus X, qui à l'époque fit scandale.
Critiques

    Contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, des romans de Theodore Sturgeon, Vénus plus X est celui qui ne mérite pas la qualification de chef-d’œuvre.

   Tandis que les confrères de notre auteur y allaient de leurs grandes envolées lyriques sur l’irrésistible marche en avant du progrès, Sturgeon s’intéressait, dès ses débuts en écriture, à ses personnages avant tout. Des gens un peu à côté de la plaque, quelque part en marge et surtout en souffrance, plutôt enclin à regarder filer sans eux l’express du progrès qu’à y monter — l’avant-scène étant toujours occupée par des gens trop sensibles qui vacillent au bord d’un monde qui n’est pas fait pour eux, davantage portés à l’entraide et à l’assistance mutuelle qu’à la féroce compétition du monde moderne. La place prépondérante qu’il accorde à ses personnages tend à rapprocher l’œuvre de Sturgeon du fantastique, de la littérature générale et du vent de renouveau qui soufflait sur la SF des early sixties. Mais si la littérature bourgeoise, conservatrice par essence, n’a que faire du progrès, elle éprouve encore bien moins d’intérêt pour des personnages tels que Sturgeon les affectionne. Nombre de ses textes ressortissent au fantastique, qui n’est pas vraiment (pour ne pas dire vraiment pas) la littérature du progrès. S’il faut lui chercher une postérité, on la trouvera du côté d’auteurs tels que Graham Joyce ou Jonathan Carroll plutôt que de celui d’Egan, Baxter, Watts ou Stephenson. Les préoccupations de Sturgeon l’avaient placé à l’avant-garde bien avant l’heure.

    Quand paraît Vénus plus X en 1960, soit quinze ans après Hiroshima, la SF est en pleine (r)évolution, tant thématique que stylistique, et Sturgeon va ici s’y essayer, forçant une nature qui était la sienne. Pour ce roman pauvre en péripéties, Theodore Sturgeon a recours à un procédé des plus archaïques consistant à projeter dans un univers « à venir » un point de vue contemporain. En contrepoint, il inclut des vignettes de scène quotidienne issues de la vie d’un couple d’Américains moyens, illustrant le machisme d’homo sapiens comme un miroir tendu au personnage principal, Charlie Johns ; la relation entre ces deux arcs ne s’établissant que dans l’intellection du lecteur selon les innovations stylistiques de l’époque.

    D’un point de vue narratif, il n’y avait là matière à ne produire qu’une nouvelle, rien de plus. Le récit n’est qu’une longue digression où l’on frôle l’essai féministe perclus de contradictions. Les personnages n’en sont pas vraiment, juste des têtes parlantes glosant encore et encore… Charlie Johns semble, dans un premier temps, avoir été choisi avant qu’on nous révèle que ce n’est que par accident qu’il est parvenu à Ledom, à l’instar de Hugh Conway à Shangri-La dans le roman de James Hilton ayant fondé le mythe de cette utopie tibétaine. Ledom, donc, qui n’est point outre-temps, mais dissimulé dans le monde des hommes (qui aurait été détruit). Johns sera donc une expérience afin de déterminer ce qu’Homo sapiens penserait de Ledom. Vénus plus X souffre ainsi de nombreuses contradictions. Homo Sap(iens) y est présenté comme un fléau — ce qui bien sûr peut faire débat —, en proie à un irrépressible besoin de domination conduisant aux société que l’on connaît, et dont la Femme serait la victime désignée, comme si elle n’était pas, elle aussi, ce même homo sapiens assoiffé de domination — mais que l’on nous dit aussi en proie à un besoin incoercible d’adorer… Puis on nous déclare que les sociétés dominées par la figure du père produisent des institutions rigides et malveillantes, intolérantes, conservatrices et répressives, opposées aux sociétés dominées par la mère qui serait progressives, libérales, permissives… La féminité serait le bien et la masculinité le mal, toujours triomphant. Mais le roman repose sur l’idée qu’il y aurait des exceptions — que rien ne justifie —, telle celle sur laquelle repose Ledom, paradis artificiel où tous les habitants sont hermaphrodites, cultivant un lien avec la terre et à la recherche d’expériences mystiques en dépit d’une haute technicité. Un Éden hippie typique de l’époque, pour le moins naïf, voire niais, et que Sturgeon justifie en minorant les différences culturelles entre les sexes ; ses arguments ne font que nous rap-peler que la culture est à l’huma-nité ce que la peinture est à la voiture. Il omet que les humains, à l’instar des autres êtres vi-vants, sont soumis aux process biologiques — le déterminant premier des comportements. Aux femelles, la reproduction quantitative de l’espèce, aux mâles la reproduction qualitative : l’amélioration chevaline de la race humaine par la sélection du plus apte. Cette sélection n’aurait plus lieu d’être et, en conséquence, l’homme non plus — ainsi qu’y aspirent les féministes ou comme le déplorent des auteurs de droite tels que Niven et Pournelle…

    En somme, Vénus plus X est bien davantage un mauvais roman qu’un mauvais livre. Riche en problématiques, l’ouvrage reste loin de manquer d’intérêt et mérite que l’on s’y attarde.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/10/2018 dans Bifrost 92
Mise en ligne le : 20/6/2023

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition CHAMP LIBRE, Chute libre (1976)

 
     Dans Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir a eu une phrase qui eut les honneurs de la postérité : On ne naît pas femme, on le devient. Le roman de Sturgeon est l'illustration de cette thèse en même temps que son dépassement. Illustration : fragments éclatés de scènes de la vie d'un couple américain contemporain moyen, avec le rapport aux enfants, modelés par le sexisme ambiant. Dépassement : visite à un futur (ou ce qui paraît être un futur...) utopique, où l'humanité a muté en une race androgyne, balayant ainsi le conflit des sexes. Tout ce qu'on aime chez Sturgeon, sa tolérance, sa chaleur humaine, son amour, justement, est présent dans ce livre qui est un hymne au bonheur et un chant à l'enfance, en même temps qu'un essai de construction d'une société qui touche au plus près à la perfection. Livre de désir donc, et qui prouve en outre qu'un roman sans péripéties ni bagarres ni violences, un roman naïf et didactique, peut être malgré tout, ou grâce à tout, aussi passionnant et plein de suspense que le roman d'aventures le plus haletant. Un seul reproche (et qui ne tient pas à l'auteur) : les 16 ans de retard de la traduction, ce qui désamorce certains concepts, beaucoup plus révolutionnaires exposés en 1960.
 

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/5/1976
dans Fiction 269
Mise en ligne le : 1/1/2014

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