Délaissant exceptionnellement les délices de l'écriture à quatre mains de textes modernes et novateurs, voire « expérimentaux » (souvenons-nous de La Musique des Surfaces, in Science-Fiction n°6, de Mirage, in Némo n°2...), Jacques Barbéri et Emmanuel Jouanne publient au Fleuve Noir leur premier roman de collaboration, dans la collection Gore, ce qui surprendra probablement bon nombre de leurs fidèles. Et quand on sait que les auteurs ont toujours affiché un profond dégoût pour ce sous-genre sanguinolent et que, de plus, le nouveau responsable de la collection n'est autre qu'André Ruellan / Kurt Steiner, signataire de Grand-Guignol 36-88, on peut s'attendre à tout ! Sauf à quelque chose de sérieux !
Herb Duncan collectionne les puzzles et se porte acquéreur de la dépouille momifiée de Huang Kong Ten, victime près de trois siècles auparavant du supplice des cent morceaux. Il reconstitue le corps et réussit, grâce à une substance de son invention, à lui redonner vie. Mais sa créature l'assomme et lui fait subir à son tour le supplice à l'aide d'un grand couteau à viande : le début d'une piste sanglante menant tout droit à un restaurant chinois du treizième arrondissement de Paris. Ha ! Dernière précision : Duncan a interverti les pieds de Huang Kon Ten en le remontant !
Côté style, voici deux courts extraits, histoire de vous mettre en appétit : « ...Le produit qu'il vaporisait puait comme mille chèvres accouplées à un troupeau de légionnaires, ce qui n'était pas pour arranger les effets de sa biture... » ou encore « ...Merde, fit le chapeau de droite. Tas failli me tacher les fringues. T'es con. Ça asperge salement, la carotide... »
Bon, vous l'avez compris, Rêve de chair, roman déconneur (et je pèse mes mots !) par excellence, est avant tout à prendre comme un pastiche, une rencontre entre Mary Shelley et John Sladek. Amateurs de Gore pur et dur, s'abstenir !
Richard COMBALLOT
Première parution : 1/1/1989 dans Fiction 404
Mise en ligne le : 7/11/2002