Paru en 1981 aux États-Unis, ce
Stephen King's Danse Macabre est la seule incursion du célèbre romancier dans le délicat domaine de l'essai. Il aura fallu quatorze ans pour qu'un éditeur français (les éditions du Rocher) s'y intéresse. Pourtant l'étude de Stephen King est enrichissante à plus d'un titre et les principaux mérites de ce travail restent sans aucun doute l'exploration de la terreur dans la science-fiction et le fantastique sans tentative de différenciation des genres, la volonté d'étendre le champ d'observation au cinéma, à la radio et à la télévision et le refus délibéré d'une approche académique et ampoulée dont souffrent bien des tentatives similaires.
King, ancien professeur d'anglais, fan et écrivain, ne pouvait que se pencher sur les genres qu'il affectionne. À travers ses souvenirs d'enfant et ses choix d'adulte, il retrace l'histoire du cinéma de SF et de fantastique du mythique
Les soucoupes volantes attaquent au plus proche
Eraserhead, plonge dans l'univers inconnu des feuilletons radiophoniques des années cinquante, dissèque avec brio l'œuvre de quelques-uns des auteurs de terreur les plus talentueux (
Peter Straub,
Ira Levin,
Jack Finney,
Ray Bradbury...), nous fait redécouvrir l'enchantement des légendaires séries télévisées telles
La Quatrième Dimension,
Au-delà du réel,
Dossiers brûlants, et bien d'autres encore.
Certes, le lecteur français pourrait être déboussolé par le gouffre qui existe entre la culture américaine et celle du vieux continent et ressentir une certaine indifférence vis-à-vis de films inédits, de feuilletons inconnus dans nos contrées et de références obscures à des œuvres oubliées ; mais le talent de conteur de Stephen King, mêlant sérieux du propos et légèreté de ton, analyses critiques et anecdotes personnelles, remarques pertinentes et piques caustiques, fait de cet essai une promenade agréable et passionnante dans les coulisses de la terreur.
À l'instar d'
Épouvante et surnaturel en littérature de
H. P. Lovecraft, que
Francis Lacassin qualifiait de « bilan de ses propres admirations », l'essai de Stephen King est un guide personnel d'une certaine vision de la terreur que se doivent de posséder les amateurs de science-fiction et de fantastique puisqu'il est une contribution importante à l'histoire sociologique et culturelle des deux genres.
En guise de conclusion, le critique ne peut manquer de saluer l'excellente traduction de Jean-Daniel Brèque, fidèle à l'esprit et au ton de King, et le non moins remarquable travail de Jean-Pierre Croquet dont les notes critiques, loin d'être lassantes pour le lecteur, apparaissent comme un complément d'information indispensable, fin et érudit.