En 1901, à soixante-treize ans, Jules Verne est encore animé d'une étonnante soif d'écrire. En quelques mois, il donne naissance à trois nouveaux romans : Le Beau Danube jaune, Le Phare du bout du monde et cette Chasse au météore, d'abord intitulée « Le Bolide », l'une de ses œuvres les plus fantaisistes... et les plus sombres.

     Sur le mode humoristique, Verne, qui mûrit ce projet depuis 1874, y dépeint la navrante rivalité de deux astronomes amateurs pour s'approprier une sphère d'or apparue dans l'espace. Une chasse cosmique et comique, l'occasion pour lui de stigmatiser une nouvelle fois l'auri sacra fames — cette maudite soif de l'or, objet de tous ses sarcasmes. Car, ironise Verne en rappelant la maxime de Brillat-Savarin : « La découverte d'un plat nouveau fait plus pour le bonheur de l'humanité que la découverte d'une étoile ! »

     La cupidité, mais aussi l'institution du mariage et celle du divorce, la liberté des mœurs en Amérique, sont également les cibles de son humour massacrant. Une liberté de ton dont Jules Hetzel s'offusque : après la mort de l'écrivain, en mars 1905, son fils Michel se chargera de conformer La Chasse à l'idée que s'en fait l'éditeur, ajoutant des personnages grotesques, édulcorant sa portée polémique et philosophique, commettant au passage nombre d'erreurs promises à la postérité...

     Par bonheur, en 1978, Piero Gondolo della Riva, éminent collectionneur vernien, retrouve les frappes originales de la poignée de romans posthumes laissés par l'auteur de De la Terre à la Lune. C'est cette version de La Chasse au météore, la seule authentique, qui est aujourd'hui accessible au lecteur : l'un des derniers voyages romanesques de Jules Verne, et assurément l'un des plus extraordinaires !