La CLEF D'ARGENT Dépôt légal : novembre 2003 Première édition Roman, 128 pages, catégorie / prix : 15 € ISBN : 2-908254-42-5 Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
Reginald Clarke, écrivain célèbre, esthète, mécène et homme du monde, aime à s'entourer de jeunes artistes talentueux qu'il dit vouloir aider. Mais que penser de tous ceux qui ont déjà croisé sa route et qui ont tout perdu : inspiration, talent, et jusqu'au goût de vivre ? Le jeune Ernest Fielding, qui ambitionne de devenir romancier, voue tout d'abord une admiration sans borne à son mentor. Mais, peu à peu, le doute s'insinue en lui. Reginald Clarke ne volerait-il pas tout simplement l'âme des artistes qu'il héberge ? Car comment expliquer autrement que le nouveau roman que Clarke vient de lire devant le petit comité de ses admirateurs correspond, jusque dans ses moindres détails, à l'oeuvre dont Ernest vient tout juste de terminer l'ébauche dans son esprit ? Ethel Brandenbourg, l'ancienne maîtresse de Reginald Clarke, est sans doute la seule personne au monde qui connaisse la vérité. Émue par ce jeune garçon dont elle sent qu'il s'est épris d'elle, elle tentera de le soustraire à l'influence de Clarke, et tous deux connaîtront la véritable nature de celui qui habite... la Maison du Vampire.
La Maison du Vampire, de George Sylvester Viereck, roman écrit en 1907, est un classique méconnu de la littérature fantastique américaine. C'est pourtant l'un des premiers romans du XXe siècle à aborder le thème passionnant du vampire psychique. Il est traduit et présenté pour nous par Jean Marigny, spécialiste du thème du vampire en littérature.
George Sylvester Viereck (1884-1962), écrivain américain d'origine allemande, s'est installé avec ses parents dès 1895 aux États-Unis. Journaliste, dramaturge, essayiste, poète et romancier, on lui doit dans le domaine de la littérature fantastique, outre La Maison du Vampire, une trilogie écrite en collaboration avec Paul Eldridge sur le thème du Juif errant.
1 - Jean MARIGNY, Introduction, pages 7 à 10, introduction
Critiques
« Reginald Clarke, écrivain célèbre, esthète, mécène et homme du monde, aime à s'entourer de jeunes artistes talentueux qu'il dit vouloir aider. Mais que penser de tous ceux qui ont déjà croisé sa route et qui ont tout perdu : inspiration, talent, et jusqu'au goût de vivre ? »
Si je reproduis infra le début du quatrième de couverture de ce petit livre, c'est parce que ce texte promotionnel pose le sujet du livre jusqu'à le déflorer complètement. Ceci dit, même sans lire ce quatrième de couverture in extenso, la nature de Reginald Clarke ne fait aucun doute une fois passée la page 30 du récit : c'est un vampire, un vampire psychique qui se nourrit du talent de ses victimes et les laisse artistiquement exsangues. Si on en croit la préface de Jean Marigny, fort éclairante au demeurant, Reginald est le premier vampire psychique de l'histoire de la littérature. Ignorant tout du sujet, j'acquiesce, mais là où je ne suis plus le spécialiste Marigny, c'est quand il met en parallèle le Dracula de Bram Stoker et La Maison du vampire de Viereck. A mes yeux, c'est mettre sur un pied d'égalité une sympathique Fiat 500 et une squalesque Ferrari... Après lecture des deux ouvrages (manque de bol pour l'équipe de La clef d'argent, je venais de relire Dracula), il est clair que le Bram Stoker reste encore aujourd'hui le mètre-étalonde la littérature vampirique ; même des œuvres de très haute tenue comme L'Aube écarlate de Lucius Shepard, La Vierge de glace de Marc Behm ou Les Morsures de l'aube de Tonino Benacquista, ne sont que des enjolivures post-modernes des bases jetées par Stoker. Quant au vampirisme psychique, c'est bel et bien L'Echiquier du mal de Dan Simmons qui s'impose comme LA référence.
Malgré une traduction experte de Jean Marigny, La Maison du vampire est une curiosité désuète, en rien scandaleuse, mais qui n'a malheureusement pas les qualités littéraires du Dracula de Stoker, du Carmilla de Le Fanu et qui, surtout, échoue à posséder un centième de la verve du Portrait de Dorian Gray vers lequel il louche sans cesse. Pour acheter ce livre non disponible en librairie, le plus simple est encore de consulter le site de l'éditeur <www.clef-argent.org>, site sur lequel vous trouverez quelques raretés tout à fait dignes d'intérêt, dont du Clark Ashton Smith.
La Clef d'argent, maison d'édition sise à Dôle, s'est fait une spécialité, depuis quelques années, d'exhumer des textes fantastiques anciens et bien souvent oubliés — voire inédits dans notre langue. Tel est le cas du roman qui nous concerne aujourd'hui, La maison du vampire, de George Sylvester Viereck, écrivain américain d'origine allemande, né en 1884 et mort en 1962. Il est fort à parier que peu de personnes connaissaient ce nom jusqu'à présent, car il n'avait a priori pas été traduit en français. Grâce au travail de Jean Marigny, traducteur et préfacier de cet ouvrage, l'oubli est réparé.
Ernest Fielding est un jeune homme, apprenti écrivain. Un jour, il fait la connaissance de Reginald Clarke, écrivain célèbre et homme du monde, qui aime à faire profiter de ses connaissances à des artistes en devenir : Il prend donc Ernest sous son aile. Tout va bien, le disciple buvant les paroles empreintes de sagesse et de bon sens du maître. Entre-temps, Ernest a une idée de pièce de théâtre. Il la tourne et retourne dans sa tête, jusqu'à obtenir une histoire qui vaille le coup d'être couchée sur papier. Juste avant de commencer à l'écrire, il assiste à une réunion mondaine au cours de laquelle Clarke lit à voix haute son dernier texte. Quelle n'est pas la surprise d'Ernest de découvrir qu'il s'agit trait pour trait — mot pour mot — de sa propre pièce ! Malgré ses suspicions de plagiat, il doit se rendre à l'évidence : comme il n'a pas écrit la moindre ligne, Reginald Clarke est innocent. Celui-ci lui suggère même qu'il pourrait s'agir de l'inverse : Ernest aurait aperçu une feuille sur le bureau de l'homme de lettres, et son inconscient aurait fait le reste. Ernest accepte les dénégations de Clarke, mais le doute s'est insinué en lui, et ce n'est que la première manifestation de la menace qui pèse sur lui...
Ce roman est l'un des premiers du XXe siècle à traiter du thème du vampire psychique. Bien avant Dan Simmons et L'échiquier du mal, G.S. Viereck nous montre les affres de personne soumises à cette influence. C'est d'ailleurs l'un des intérêts de ce livre : plutôt que de mettre en lumière le tortionnaire, l'auteur préfère nous faire découvrir le mal à travers les yeux d'une victime. Laquelle n'est d'ailleurs pas convaincue avant longtemps : en effet, la méthode de Clarke, insidieuse à souhait, empêche Ernest Fielding de prendre réellement conscience du danger qui le guette. Le livre fonctionne donc sur le mode de la montée graduelle de la menace et de l'horreur, comme dans beaucoup de romans fantastiques antérieurs. A ce titre, le personnage d'Ethel Brandenbourg, ancienne maîtresse de Clarke et actuelle de Fielding, est le révélateur pour Ernest des turpitudes de Clarke, et un habile contrepoint au jeune protagoniste qu'on jugera un peu trop naïf.
Le thème moderne du vampire psychique est ainsi traité avec un schéma narratif classique, rehaussé par un style pur admirablement rendu en français par Jean Marigny. Ajoutez à cela une maquette particulièrement réussie et vous obtiendrez un ouvrage hautement recommandable à tout amateur de fantastique.