Bonne idée que cette réédition chez Librio de trois nouvelles de Maurice G. Dantec, tirées du recueil
Périphériques (Flammarion, 2003), occulté à sa sortie par la publication simultanée de son roman monstre
Villa Vortex. Bonne idée, parce que, même s'ils ne sont pas inoubliables, loin s'en faut, deux de ces textes relèvent directement de la science-fiction (un voyage dans le temps prétexte à une réflexion uchronique, et un récit cyberpunk sous psychotropes) et que le narrateur du troisième,
Quand clignote la mort électrique, raconte entre autres comment sa passion pour la SF a coïncidé avec de grands bouleversements dans sa vie.
Comme
Périphériques, le recueil débute par
Dieu porte-t-il des lunettes noires ? (1995). Une entité d'origine inconnue fait savoir à Frank Borland qu'il a gagné le droit de faire un saut dans le passé. Seule obligation : il doit assassiner le pire représentant de l'espèce humaine, celui qui, selon lui, mérite de n'avoir jamais vécu. Après une brève hésitation, c'est évidemment Adolf Hitler qui décroche le pompon. Seulement, Borland se pose trop de questions au moment fatidique. Il faut dire que le Führer, dans son berceau, n'a pas encore commis l'irréparable... Dantec se sort de l'exercice par une pirouette étonnante.
Prenez quelques rastas, mettez les en orbite autour de la Terre (en bas, tout a été dévasté par une apocalypse nucléaire) et confiez-leur une nanopuce destinée à reconfigurer le système neural à seule fin de revivre, comme si vous y étiez, un épisode christique bien connu, les Noces de Cana. Vous obtenez une expérience mystique délirante, et vous aurez une vague idée de ce à quoi ressemble la nouvelle
THX Baby (1994).
Dans
Quand clignote la mort électrique (1996), le jeune Willie, cloué sur son siège de voiture à la suite d'une fusillade mortelle, est en plein trip hallucinatoire. Avant que la mort ne l'emporte, sa vie trop brève se déroule devant lui, de ses petites combines dans sa banlieue pourrie à son ascension sociale fulgurante. Ce récit violent, plein de fureur, est aussi le plus attachant du recueil.
De ces textes agréables mais inaboutis, nous retiendrons surtout un style simple, direct, assez proche de l'écriture nerveuse de
La Sirène rouge -même si l'abus de néologismes
cyberpunk alourdit inutilement
THX Baby. Ces nouvelles s'adressent d'abord à ceux qui souhaiteraient découvrir l'univers de l'auteur sans oser s'attaquer à ses gros romans. Toutefois, pour ce faire, le plus intéressant reste encore la postface de
Richard Comballot, qui nous dévoile la genèse de
Périphériques tout en rendant hommage à
Jacques Chambon, et surtout une courte interview accordée par l'auteur de
Babylon Babies à Jérôme Schmidt, où Maurice G. Dantec évoque les rapports entre ses influences éclectiques et son œuvre mutante. Après cela, les plus hardis pourront enchaîner sur ses romans, de
La Sirène rouge à
Villa Vortex.