An de grâce 1970, Les décisions du récent concile Vatican II bouleversent la vie tranquille d'une pension catholique pour jeunes filles. Elles ne sont pas les seules : une des bonnes sœurs se tue au volant, et la Mère Supérieure de l'établissement est retrouvée en sale état à ses côtés. Des débuts en forme de roman policier traditionnel, plus une bonne dose de terroir. Nous sommes du côté de Saumur ; au centre des Pays de Loire, à la croisée de l'Anjou, du Poitou et de la Touraine... Un pays d'eau (le Cher, la Vienne et la Loire s'y rencontrent), de craie blanche (l'auteur parle à plusieurs reprise de Candes-St-Martin, un des plus beaux villages de France) et de traditions (y compris des superstitions bien ancrées). L'auteur a, pour la Loire, des élans lyriques — ah, elle l'aime sa Loire, Alix de Saint-André ! Mes parents vivant entre Loire et Vienne, j'ai reconnu les humeurs de ces rivières, leur beauté, toute l'atmosphère de cette région. Deux petites mômes se targuent d'enquêter. Mais, crac, voici tout de suite le fantastique qui montre le bout de son nez : un ange rôde dans les environs. Figure énigmatique, cet ange. Laconique et sarcastique. Quel rapport a-t-il avec les crimes ?
De morts mystérieuses en tracasseries domestiques, l'intrigue suit son bonhomme le chemin. Hantée par la silhouette dégingandée de l'ange...
Tranquillement, l'air de ne pas y toucher, Alix de Saint-André nous invente une
fantasy franchouillarde originale, qui lorgne tout autant du côté de
Pierre Véry (il y a des souvenirs des
Disparus de Saint-Agil dans cette sombre histoire de morts mystérieuses dans un internat) et de
Marcel Aymé, que de celui de la
fantasy contemporaine à la
Charles de Lint ou
Tanya Huff (ce qui est assurément un hasard heureux, Alix de Saint-André n'ayant certainement jamais lu ces derniers auteurs, peu ou pas traduits chez nous). S'il est une belle réussite d'astuce quant à l'intrigue, ce roman est également un délice stylistique : jouant avec les tournures désuètes, faisant preuve d'un sens mordant de l'ironie, ainsi que d'un réel talent pour les descriptions poétiques — que viennent étrangement briser et rehausser (à la fois) des remarques qu'on croirait hors de propos.
Je ne vous en dis pas plus : lisez ce roman.
C'est un pur régal.
L'Ange et le réservoir de liquide à freins date d'il y a quatre ans (il était paru à l'origine dans la
Série Noire), Sa réédition à moindre prix et sous une couverture élégante arrive comme une plaisante surprise que je n'attendais plus. Depuis lors, Alix de Saint-André ne nous a pas offert d'autre roman, mais elle est tout de même revenue sur les territoires de la
fantasy d'inspiration chrétienne (si on peut dire). Ses
Archives des anges (Nil éditions, novembre 1998) sont une exploration aussi érudite qu'amusante des mythes angéliques. Moins qu'un traité de théologie ou d'ésotérisme, dont il n'a vraiment pas le ton, cet essai se lit plutôt comme l'exposé jubilatoire d'une mythologie finalement mal connue. Ces dernières années, anges et archanges ont envahi dans les pays anglo-saxons la
fantasy et l'horreur — menaçant même de devancer les vampires au titre de cliché commercial numéro un.
Archives des anges est une pierre française à cet édifice étrange.
Je suis certain qu'Alix de Saint-André serait étonnée de se voir qualifiée d'auteur majeur d'un genre dont elle n'a sans doute jamais entendu parler. C'est pourtant le cas. Ses deux ouvrages pavent la route pour une fantasy francophone vraiment originale. Espérons que d'autres écrivains sauront la suivre.