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L'Architecte fou

Marianne ANDRAU


Illustration de Marguerite BORDET

DURANTE , coll. L'Éternel retour précédent dans la collection n° (5)
Dépôt légal : février 2003
Roman, 374 pages, catégorie / prix : 25 €
ISBN : 2-912400-36-8
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Que serons-nous demain ? Qu'allons-nous perdre irrémédiablement ? Qu'allons-nous, peut-être, gagner ? C'est une confrontation passionnante de l'homme actuel avec l'homme de l'avenir que propose L'Architecte fou. Dans une bulle retranchée, quelque part sur notre Terre, deux hommes et une femme de notre époque vivent encore comme des Terriens. De l'autre côté, l'homme de demain, totalitaire et prédateur. Entre les deux, une jeune femme de « l'époque intermédiaire », qu'un problème technique de son vaisseau spatial met en contact avec les Terriens « d'avant ».
     Ce roman hallucinant, aux rebondissements inattendus, semble ancré dans notre actualité d'aujourd'hui : à travers un prétexte de science-fiction, c'est à une réflexion de nos propres problèmes que l'auteur nous convie. Et, à l'instar de Paul Gauguin, Marianne Andrau esquisse des réponses aux questions essen­tielles : « D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » Cet ouvrage n'a jamais été réédité depuis sa sortie, en 1964. Il est plus que jamais actuel.

     Née dans le Gers en 1905 et décédée en 1998 à Saint-Cloud, Marianne Andrau a connu une grande carrière de journalistes et d'écrivain. Elle a aussi écrit pour la télévision. Jacques Chambon, alors directeur littéraire des éditions Denoël où elle a publié la plupart de ses romans, a dit d'elle : « Les écrivains, surtout ceux de la sta­ture de Marianne, ne meurent jamais vraiment. Contrairement à nous autres, communs des mortels, qui ne laissons pas grand-chose derrière nous, Marianne laisse une œuvre, belle, riche, profonde, qui retrouvera un jour, j'en suis sûr, de nombreux lecteurs. Ainsi continuera-t-elle à vivre. »
Critiques
     King, le noir, est encore lourdement chargé des chaînes de tous les animismes africains ; Hugo, l'architecte fou est, comme il se doit au milieu des années soixante, un peu trop sensé, et c'est sans doute la seule marque de sa folie ; quant à Anne — la mère d'Hugo — c'est une veuve qui gère son petit monde. Le trio — après avoir reçu sa piqûre d'éternité vers 1980 — s'est trouvé emprisonné dans une bulle d'espace et de temps coupée du reste du monde. Ce dernier, bien sûr, a continué d'évoluer... Puis survient I.O.L.E. 427 3e R2 I.S.U, une jeune femme qui ne perçoit son environnement que par le biais d'appareils qui lui procurent des mesures et non des sensations. Dans sa chute sur le monde d'Hugo, elle perd ses ustensiles et devient donc en apparence handicapée ; elle va apprendre ce nouveau monde et l'opposer à celui d'où elle vient.

     Nous avons droit à une confrontation entre XXe et XXIIe siècle, entre deux modes de vie inspirés par deux modes de pensée différents. L'un privilégie le sensuel et une certaine instabilité — Anne dit que c'est l'éternel besoin d'équilibre de l'homme qui le rend intéressant. Au contraire, I.O.L.E. dépeint la sécurité et les certitudes qu'offre son monde du XXIIe siècle, celui de Cro-Cosma qui semble une image grossie du Meilleur des mondes. En même temps qu'elle progresse — sans ses appareils de mesure — dans l'apprentissage du monde d'Hugo, I.O.L.E. maîtrise de mieux en mieux sa langue. C'est par ce biais que sa perception des choses, des animaux et des humains évolue, entraînant ses ravissements esthétiques et son amour pour Hugo. Et c'est par les larmes de l'émotion qu'elle cesse d'être I.O.L.E. pour devenir « humaine » et rester Iole. Elle choisit ainsi de demeurer avec le trio quand les habitants de Cro-Cosma les localisent et décident — selon une logique implacable — de les tuer. Même Even, compagnon d'exploration de Iole, un temps perdu, ne peut rien faire. Le quatuor est condamné à rencontrer son double et se dissoudre, matière contre antimatière. Mais deus ex machina et happy end confirment ce que les lecteurs étaient invités à penser : Cro-Cosma n'est pas la bonne voie.

     L'annonce de la date de la première édition (1964) et la découverte en fin de volume des critiques d'époques procurent une étrange sensation, qui donne envie de rechercher ce qui « cloche », ce qui date, ce qui fait vieille SF, découverte archéologique... et un peu hommage revanchard. Et bien ce n'est pas le « fond » — une idée intéressante en 1964, devenue banale en 2003 — qui gène, mais plutôt la « forme », un peu pataude, explicative, hyperbolique — genre Dali — et des personnages schématiques. Reste le plaisir de satisfaire sa curiosité d'une SF un peu oubliée.

Noé GAILLARD
Première parution : 1/9/2003 dans Galaxies 30
Mise en ligne le : 29/11/2008


     Une bulle hors le temps. Dans cette bulle, au coeur d'une forêt, une maison toute simple. Dans cette maison, trois êtres humains : une femme, deux hommes. Plus précisément, Anne, son fils Hugo, qui aspire à devenir architecte mais souffre de folie passagère, et King, un Noir aux croyances ancestrales. Hugo essaye désespérément de comprendre les fondements du métier qu'il voudrait exercer. Pour cela, il a demandé à King de bâtir une hutte, et essaye de décortiquer avec lui le pourquoi de la perfection d'une telle construction.
     Echoue alors parmi eux I.O.L.E. 427 — I.O.L.E. pour Individu Ouvertement Libéré pour l'Espace -, une femme du futur en perdition, aux commandes de son vaisseau spatial. Et quel futur ! La cité de Iole s'appelle Cro-Cosma, elle est visiblement immense, et, à en croire ses affirmations, paraît déshumanisée. Les sentiments y ont fait place à une rationalisation de tous les instants : tout acte a été proscrit s'il n'est pas utile. Les personnages engagent alors une longue discussion et confrontent leurs sociétés, essayant de comprendre comment fonctionne celle de l'autre. Et Iole se met à goûter cette existence toute simple, à apprécier ces gestes inutiles, tandis que sur leurs têtes plane la menace qu'un jour Cro-Cosma découvre l'existence de la bulle d'Anne et des siens.
     Ce roman brosse de grands thèmes : le rapport de l'homme à la nature ; la technologie, ses apports et ses méfaits ; la religion et la spiritualité. Autant de sujets que l'auteur aborde avec une grande subtilité : au départ, la société du XXe siècle paraît totalement invivable, mais on se dit finalement que tout n'est pas à jeter. Et même si Andrau choisit nettement son camp, celui d'une société fondée sur des valeurs humanistes très fortes, pour autant elle ne descend pas en flammes ce monde futur si austère (lequel présente parfois un petit air de parenté avec celui de L'étoile de ceux qui ne sont pas nés, de Franz Werfel). Pour preuve, les interrogations qu'il soulève dans l'esprit de Hugo, aspirant architecte, un métier sans doute plus que tout autre intimement attaché à l'être humain et à sa nature.
     La religion est aussi au centre de cette histoire, par le biais des croyances d'Anne (catholique) et de King (animiste), qui font plutôt bon ménage. L'intrusion d'Iole -pour qui la religion semble ne pas avoir la même importance que pour les habitants de la bulle — permet d'ailleurs à Marianne Andrau d'enrichir sa palette de réflexion sur le sujet.
     Bref, ce roman signé d'un auteur méconnu de la plupart des lecteurs de science-fiction donne la preuve qu'il faut redécouvrir Marianne Andrau. Par le biais de cette collection, L'éternel retour, Durante s'attache précisément à rééditer des auteurs qui le méritent. Une excellente idée, de même que celle de placer en fin de volume une collection de critiques de l'époque : une intention originale et plaisante, riche de renseignements sur l'accueil du roman à sa première parution.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 19/6/2003 nooSFere

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, (1965)

    Que serons-nous demain ? Qu'allons-nous perdre irrémédiablement ? Qu'allons-nous peut-être gagner ?

    Ainsi commence, en quatrième page de la couverture, la présentation de cet ouvrage. Qu'il soit précisé d'emblée qu'aucune de ces questions ne trouve sa réponse dans les pages du livre. Ce n'est pas que Marianne Andrau ne se soit pas donné de peine : bien au contraire, c'est parce qu'elle s'est trop appliquée que cet Architecte fou se solde par un total échec.

    La couverture porte, très clairement, l'indication « roman ». C'est donc en se fondant sur ce critère qu'il faut s'efforcer de juger.

    L'action ? Elle eût pu fournir la substance d'une trentaine de pages peut-être. Le livre en compte 310. On peut résumer l'intrigue brièvement. En 1987, une piqûre d'Éternité condamne trois humains à ne plus vieillir, en même temps qu'une pulvérisation d'Indestructibilité est infligée à leurs demeures, possessions, vêtements, etc. En 1998, ils se trouvent Isolés dans une bulle close au centre de l'explosion qui détruisit le secteur III de Terre. 

    Depuis cette date – l'action proprement dite se déroule, ou plutôt traîne, au XXIIe siècle – ils s'enferment dans la répétition contemplative et béate des gestes qui assurent la continuation de leur vie végétative. À la suite d'un accident confus, une femme de ce XXIIe siècle arrive dans leur bulle. Elle est embrigadée dans le morne train-train quotidien. Pour une raison ou pour une autre, ceux qui sont restés hors de la bulle n'ont pas l'air contents de la façon dont les événements se développent, et ils détruisent la bulle et ce qu'elle contient. Rideau et – heureusement, ce n'est qu'à l'avant-dernière page – recommencement. 

    Les personnages ? Les trois humains qui ne vieillissent plus sont, à des nuances près, des représentants du type « bon sauvage », qui paraissent avoir la sympathie de l'auteur. On ne comprend cependant pas cette dernière, car ces protagonistes sont bien piteux : une sexagénaire acariâtre, son Architecte Fou de fils, et un noir dont l'imbécillité épaisse traduit peut-être un préjugé racial inconscient de l'auteur. La femme du XXIIe siècle est incolore, inodore et insipide, mais cela est dû au fait qu'elle a été privée, lors de l'accident, des appareils de protection et de contrôle apparemment indispensables à son bon fonctionnement. Qu'à cela ne tienne ! Sous la férule de la sexagénaire, elle découvrira les joies de la vaisselle et du raccommodage.

    Le drame, c'est que Marianne Andrau paraît parfaitement sérieuse en exaltant ce genre d'idéaux. Ses personnages ont effectué un total repli sur eux-mêmes – ou, plus exactement, sur la partie d'eux-mêmes qui s'en contente et qui se complaît à ressasser des souvenirs-du-bon-vieux-temps. Le contact passager d'un être extérieur à la bulle ne suffit pas à les en sortir. À force de vouloir s'exprimer en invoquant de « grandes vérités », les personnages du roman oscillent entre la confusion et le lieu commun, voire la cocasserie involontaire :

    Chaque matière, chaque objet annonce par son apparence, sa texture, sa forme, ses ressemblances, la façon dont il doit être traité. Ses réactions aussi le révèlent. Les lentilles, les haricots, durs à attendrir et à cuire, j'ai vu qu'ils peuvent être amollis par le système de la douche écossaise, l'alternance d'un chaud avec un froid brutal et bref. Peut-être l'alternance pour eux de l'épanouissement et de la douleur. À l'exemple de bien des êtres ! Au contraire, les œufs durs se durcissent davantage d'être refroidis brutalement. Question de caractère ? (sic page 286).

    Ou bien ceci :

    Au milieu de l'agitation générale, du tournis des êtres et des choses, de tous ces voyages-éclairs, de ces sciences extrêmes, de ces arts éperdus qui s'efforçaient de suivre, alors que leur mission avait toujours été de précéder, j'ai pu me cramponner à ma vaisselle, à mon époussetage, à ma lessive (suit une page sur les joies de la vaisselle et du nettoyage de casseroles – pages 131-132).

    Et que fait, dans tout cela, la cantatrice chauve – pardon, l'architecte fou ? Il fait ce qu'il peut et, à vrai dire, il eût pu être vendeur de grand magasin, éboueur ou garde-barrière aussi vraisemblablement qu'architecte. Quant à sa folie, elle n'est ni plus ni moins apparente que celle de ses congénères. 

    Laborieux délayage d'une sauce insipide : Ô science-fiction, que d'ennui on distille en ton nom !

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/6/1965
Fiction 139
Mise en ligne le : 3/7/2023

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