Gérard PRÉVOT Première parution : Bruxelles, Belgique : Jacques Antoine, 1986
Jacques ANTOINE
, coll. Passé présent n° 48 Dépôt légal : 1986 Première édition Recueil de nouvelles, 164 pages ISBN : 2-87132-029-2 Genre : Fantastique
Après un long détour par la poésie et le roman réaliste, Gérard Prévôt (1921-1975) devait se tourner, en 1970, vers la littérature fantastique et, d'emblée, y apporter une dimension toute personnelle. La plupart des contes qu'il a écrits sont en effet des modèles du genre : ils expriment à la fois la magie du quotidien, l'effroi d'être, d'aimer et de vivre, la fascination de la mort et des ombres.
Dans le présent recueil, sont réunis quelques-uns de ses contes les plus significatifs et ils paraissent sous un titre auquel Gérard Prévôt avait souvent songé, tant il est vrai qu'à ses yeux la mer du Nord et la Flandre constituaient les lieux privilégiés du surnaturel. Mais le plus remarquable, c'est qu'avec une langue d'une sobriété rare Gérard Prévôt ait réussi à raconter des histoires pleines de mystères et d'émotion devant lesquelles aucun lecteur ne pourrait rester insensible.
1 - Jean-Baptiste BARONIAN, Préface, préface 2 - L'Horloger de Rumst, nouvelle 3 - Les Fous de Damme, nouvelle 4 - La Reproduction, nouvelle 5 - Le Spectre mécanique, nouvelle 6 - La Buée, nouvelle 7 - Les Démons du Dimanche-gras, nouvelle 8 - Le Rapport venu du Rhin, nouvelle 9 - Le Démon de février, nouvelle 10 - La Petite gare de North Berwick, nouvelle 11 - La Nuit du Nord, nouvelle 12 - Les Confidences de Gert Verhoeven, nouvelle 13 - Fabienne DESCHREVEN & Daniel LAROCHE, Gérard Prévot : la vie, l'œuvre, l'époque, postface
Critiques
Le belge Gérard Prévôt (1921-1975) revient décidément en vogue. Après le dossier à lui consacré dans le n° 4 de la revue Phénix, il a les honneurs de ce recueil de récits, dont plusieurs avaient initialement été publiés en poche, de son vivant, du temps où son ami Jean-Baptiste Baronian dirigeait la section littéraire de Marabout. Cette amitié a d'ailleurs déterminé l'option de l'auteur pour la veine fantastique, comme pour la SF alimentaire (« les aventures de Dan Dubble », sous le pseudonyme de Red Port).
A découvrir ou relire ces textes-ci, on conçoit que Prévôt ait sa place dans le rang solide des maîtres belges du genre, aux côtés d'un Thiry ou d'un Ghelderode. Il y a chez lui une pertinence des mots, un langage à l'économie, un métier dû sans doute à la poésie, qu'il a pratiquée toute sa vie. A l'encontre du fantastique : il ne s'y est mis qu'en 1970. Et cette vocation tardive, venue au terme d'une existence en dents de scie, pourrait expliquer les lacunes de Prévôt. Ses textes ourlés, calmes même s'ils parlent de frénésie, révèlent bien sûr des traits personnels, une vision large du temps, un souci du mouvement cyclique de la vie et de la mort. Mais quelles que soient la beauté et la maîtrise des développements, Prévôt ne fait qu'y illustrer des thèmes classiques, sans les renouveler.
« L'art classique est le seul révolutionnaire (...), toutes les tentatives faites en vue d'un renouvellement poétique sont immédiatement vouées à l'échec dès qu'elles prétendent se limiter à la découverte », écrivait-il. Ce choix de classicisme, peut-être défendable en poésie, laisse pourtant le lecteur sur sa faim, s'il s'applique à un genre fictionnel centré sur la surprise et sur l'inconnu.
Non, Prévôt n'a pas transcendé sa matière, ni fini son voyage avant que survienne la mort. Reste un livre de qualité, préfacé par Baronian et clos, comme la Collection Passé Présent a coutume de le faire, sur une intéressante mise en relation de l'auteur et de son époque.
L'auteur a publié en Marabout divers recueils de Fantastique dans la veine de Jean Ray. Les plus connus sont Le spectre large et Celui qui venait de partout. Sous divers pseudonymes, il a aussi écrit quelques romans alimentaires de policier et de SF. Voilà pour ce qui concerne notre domaine, mais il fut aussi (et sur ce point le volume présent est explicite), un poète et un dramaturge. Ce volume, qui reprend les meilleurs de ses textes fantastiques, au goût du présentateur J.B. Baronian, s'accompagne d'une préface et d'une chronobibliographie fort bien documentées. On a l'impression d'avoir affaire à un auteur sinon maudit, au moins extrêmement marginal. De là à se poser la question du rapport existant entre les fantasmes, la réalité, la thématique des œuvres, il n'y a pas loin. Et on aurait tort de se priver de ce plaisir naïf.
Nous avons onze textes, dont le meilleur est à mon avis Le spectre mécanique. Ils renvoient à un fantastique du quotidien, avec traitement original de la thématique, un peu à la manière de Owen ou de Ghelderode, mais avec une optique particulière : des éclairs de déraison sous les apparences de la normalité.
Un livre à la jaquette attirante, avec un diable issu d'un tarot innommé en prime, une préface intelligente, une biographie rapide et suggestive, une insertion dans le cours du siècle, et des œuvres qui laissent mal à l'aise. Un livre à déguster, un auteur à redécouvrir en ces temps d'épouvante, d'hémoglobine, et de gore.