«  Les barbares arrivent ! », crie le cavalier Tempête. Sur son cheval il galope à travers la principauté de Sergalle pour annoncer la mauvaise nouvelle. Les villageois ne prêtent guère attention à ses paroles. Mais un soir, au crépuscule, un cri jaillit des remparts protégeant la cité : « Les barbares ! Les barbares sont là ! » Nuée sombre que le vent semble rouler depuis l'horizon, ils fondent sur Sergalle. L'armurier Frondo se bat comme un fauve. Padesco, son ami d'enfance, s'enfuit dans un dédale de galeries souterraines... Et c'est la rencontre avec LE PASSE-MONDE.

     Ceux qui ont lu Malakansâr, l'éternité des pierres, La dame de cuir et L'arbre d'or savent combien est grand le talent de Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse, plus connus sous le pseudonyme unique de Michel Grimaud. Talent de stylistes, de bâtisseurs d'histoires solides et prenantes, bien sûr, mais aussi et surtout de conteurs hors pair maîtrisant parfaitement de bout en bout leurs récits, récits comme on n'en fait plus, serait-on tenté de dire. Car, dans le domaine de la Science-Fiction, en France, combien d'auteurs (Jacques Boireau mis à part) pourraient se vanter de traiter des sujets aussi forts et beaux que les leurs, avec un style aussi limpide et avec autant de naturel, de simplicité, de finesse, de justesse et de modestie ? Bien peu à ma connaissance.

     Il en va de même de leur œuvre pour adolescents (qui comprend une vingtaine de titres à ce jour, parmi lesquels L'île sur l'océan nuit et Le tyran d'Axilane, Grand Prix de la SF française 1984, catégorie œuvre pour la jeunesse) qui connaît par ailleurs beaucoup de succès, il suffit de comptabiliser les nombreux prix venus la récompenser pour s'en convaincre. Aussi me suis-je penché avec le plus grand intérêt sur leur dernier ouvrage, Le passe-monde, et je dois avouer que je n'ai pas été déçu. Celui-ci commence en quelque sorte comme un roman d'Héroïc-Fantasy, des barbares se lançant à l'attaque de Sergalle, un bourg médiéval, mais très rapidement, une fois la scène de bataille (nécessaire au départ de l'intrigue) terminée, nos auteurs reviennent à un registre qui leur est cher, celui du conte mâtiné de Fantastique et de Merveilleux. Là, commence une histoire échevelée, un peu folle, qui précipitera Padesco, le héros, dans des univers parallèle pour le moins curieux, qui lui révéleront bien des surprises et lui causeront bien des tourments... Construit comme une quête (moteur littéraire cher à ses auteurs), son découpage on ne peut plus simple le rend des plus agréables et c'est avec regret que l'on se voit le refermer. Je ne saurais donc trop recommander sa lecture, laquelle permettra peut-être à certains d'entre-vous de faire la connaissance d'une œuvre et d'un ( !) écrivain racé qui aurait sans doute beaucoup à dire et à écrire si on lui offrait la possibilité de se dévoiler à travers un « Pourquoi la Science-Fiction ? » dans la désormais célèbre revue des éditions Denoël.