Les lecteurs curieux auront reconnu, parmi les citations en italiques de la Bible, un bout rimé du bienheureux Paul de Kock. Les plus attentifs, férus de cabale et d'oniromancie, n'auront pas manqué de percer filigranes et miroirs secrets. Par ce commentaire final, Hubert Haddad éclaire les fausses pistes qui ont parsemé sa fiction, en souligne les ambiances dominantes : simulacres de paraboles, saynètes crues ou cruelles, fantasmes, expériences morbides revécues en longueur et jusqu'à l'inconscience.
Ce livre s'articule autour de la dérive, de l'errance de Namor, prophète un peu creux et qui laisse à sa mule le soin de le mener d'une ville effondrée à l'autre, dans une improbable contrée que gagne le désert. Au hasard des rencontres, Namor accomplit des miracles, comme par inadvertance, et s'attache un cortège de fidèles, un cirque d'illuminés. Ensemble, ils donnent en spectacle des drames personnels, non communicables aux publics ignorants, abusés, léthargiques, qui font leur ordinaire.
Le goût d'Hubert Haddad pour les enflures verbale et adjective a de quoi rebuter, et l'on peut trouver assommants ses élans lyriques. Il arrive aussi, et c'est plus grave, que se pose la question du pourquoi, de la nécessité de cette histoire. On ne peut néanmoins dénier à l'auteur un vrai don créatif. Sa galerie d'amuseurs, pauvres diables empêtres dans un enfer terrestre, trotte longtemps en tête tandis qu'on se demande si l'on ne serait pas passé, peu lucide, à côté d'un sens profondément cache. L'inconnu ne déclare jamais son identité, avait d'ailleurs dit une note liminaire.
Alain DARTEVELLE
Première parution : 1/1/1987 dans Fiction 382
Mise en ligne le : 28/1/2003