Gustav MEYRINK Titre original : Der Engel vom westlichen Fenster, 1927 Première parution : Allemagne, Leipzig : John Dee. Grethlein & Co., 1927 Traduction de SAINT-HELM Illustration de Raymond MORETTI
Le ROCHER Dépôt légal : octobre 1986 Roman, 320 pages ISBN : 2-268-00490-2 Genre : Fantastique
« Tu es sir John Dee, le possesseur du fer de lance de Hoël Dhat, oh ! Je te connais bien ! Railla une voix perçante malicieuse, que je reconnus pour celle du spectre-enfant, là-bas, dehors.
— celui qui a le fer de lance, celui-là est le vainqueur !
Ces mots tombèrent de la bouche de l'ange vert — Celui qui a le fer de lance est le prédestiné, l'élu. A lui sont soumis les gardiens des quatre portes... Alors je puis être près de toi, en toi et autour de toi jusqu'à la fin des temps ».
L'ange à la fenêtre d'occident est un roman sur la mystérieuse alchimie qui abolit le temps et l'espace lorsque l'esprit de l'homme se penche sur ses propres capacités. A travers le personnage bien réel de John Dee, célèbre thaumaturge de l'époque élisabéthaine, Meyrink nous entraîne dans un étourdissant périple où le voyageur explore les paysages infinis du conscient et de l'inconscient entremêlés. Récits croisés, échanges de personnages, inversions des réels et des imaginaires sont les ferments d'une œuvre traversée par le souffle puissant du romantisme allié au fantastique.
Critiques
Tout est simple chez Meyrink, chaque épisode en soi n'a rien de très troublant : de la réalité vue par le filtre mental d'un individu. Une succession de moments décrits par celui qui les vit, avec ce qu'il faut de chaleur dans la voix pour qu'un lecteur adhère aux événements et se laisse glisser dans l'âme du narrateur. Les interrogations ne résultent donc pas de gros effets de manche, mais du rapprochement progressif des différents fragments, comme autant de pièces d'un puzzle fantastique. Loin de rassurer, leur exacte imbrication suggère l'existence d'une logique supérieure, mystérieuse, et modifie le sens de chacune des parties. Le jeu de correspondances est insidieux, servi par l'absence de chapitres, au profit de scènes brèves et qu'articule le déroutement du temps.
Un fantastique de la structure, avant que ne se développe l'imagerie du genre. Avec L'Ange à la fenêtre d'Occident, Meyrink s'ancre d'ailleurs plus franchement dans la réalité historique que ne le faisait son Golem, prisonnier du ghetto clos de Prague et des mythes rabbiniques. Il y a ici une grande circulation, spatiale et diachronique. A partir d'une reconstitution du monde de l'Angleterre élizabéthaine, et avec le voyage à rebours qui entraîne un héritier sur les traces de son ancêtre illustre, le thaumaturge John Dee. L'apparente vraisemblance endort les soupçons du lecteur et fait jouer à plein une construction d'ordre musical, un glissando n'en finissant pas, qui suit les méandres, les caprices, les questionnements du personnage central, jusqu'à l'envoûtement complet. Après Le Visage vert et Le Dominicain blanc, également disponibles aux Editions du Rocher, ce livre confirme l'amplitude du talent de Meyrink, son génie à produire des œuvres totales et dont les thèmes majeurs — mort et survie, rêve et réel, identité mouvante — ne sont pas près d'être obsolètes.