De nos jours, à Paris, des universitaires bien tranquilles se trouvent aux prises avec des morts-vivants animés par les esprits de Gengis Khan et de sa famille, qui traquent un chaman lui-même réincarné dans le corps d'un petit chiot.
Ce roman fantastique a de quoi séduire. Agréablement écrit, il rappelle de manière attrayante certains aspects de l'histoire de Gengis Khan et surtout il établit un lien subtil entre les personnages qui, par-delà les époques, présentent des similitudes et des destinées comparables : les luttes d'influence au sein de l'université répondent à la soif de conquête de Gengis Khan, tandis que les situations familiales — la bâtardise d'un enfant par exemple — se font aussi écho.
Pourtant, le récit souffre d'un défaut dans la progression de l'intrigue. Dès les premières pages, alors que nous n'avons pas eu le temps de nous familiariser avec la « normalité » paisible des personnages principaux, nous savons qu'il s'agit d'une histoire de possession et nous en connaissons les enjeux. Cette irruption immédiate et franche du fantastique nuit au développement ultérieur d'une véritable progression dramatique et à l'installation du malaise que suscite une apparition plus insidieuse de l'irrationnel.
Le suspense en pâtit et l'intérêt que l'on peut porter aux personnages aussi, d'autant plus que leurs réactions paraissent parfois peu crédibles : face à l'horreur ils ne semblent jamais pleinement conscients de la gravité de la situation et, par exemple, se choquent plus du ton cassant d'un policier que de trouver un cadavre dans leur jardin.
En outre, certaines redites sont parfois pesantes, comme l'insistance sur les odeurs de pourriture qui reviennent dans de nombreuses scènes.
Néanmoins, les romans fantastiques ambitieux sont suffisamment rares en France pour que l'amateur du genre ait du plaisir à suivre la traque du loup bleu.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/9/2003 nooSFere