Depuis L'Histoire sans fin, on connaît l'attachement de Michael Ende à la magie que renferme le monde de l'enfance, avec cette réserve qu'il s'agirait, peut-être surtout, d'une enfance rêvée par un adulte. La même problématique de retour aux sources de l'imaginaire charpente ce recueil, de façon plus aiguë encore. Le miroir dans le miroir se présente en effet comme un ensemble de trente textes, ponctué de quinze images dues à Edgar Ende, peintre surréaliste et père de Michael. L'invention littéraire se double donc d'une visitation d'oeuvres visuelles, et de la réactivation d'un rapport filial. C'est dire la richesse de ce livre, qui multiplie les sens et mise sur le jeu dangereux d'une histoire personnelle.

     On doit reconnaître que Michael Ende ne cède pas à la facilité de commenter littérairement les images qui lui étaient proches. Il n'en retient que les motifs — un homme ailé, un taureau dans un décor nu, une horloge à la tête d'un lit, une momie cernée de parapluies... -, qu'il réagence ensuite selon sa propre combinatoire, en des proses où l'image liminale peut devenir masquée. D'ailleurs, il y a deux fois plus de textes que de dessins, et ce déséquilibre du dosage est aussi un moyen de fausser les repères.

     Le plus curieux, c'est que de ce kaléidoscope naît une unité d'ambiance. Froide et dépouillée, ou charriant les stéréotypes du lyrisme onirique. Les phrases simples de Michael Ende, sa symbolique élémentaire pourront déplaire à certains, ainsi à ceux qui jugent l'imagerie surréaliste dépassée à force d'avoir été galvaudée. Il n'en reste pas moins qu'une fois entré dans Le miroir dans le miroir, parmi ses connivences et ses chausse-trappes, il est très malaisé de s'en extraire, justifiant ainsi le sous-titre du livre : Un labyrinthe...