Xavier de LANGLAIS Titre original : Enez ar rod, 1946 Première parution : Nantes, France : Aux Portes du Large, 1946 (parution en breton : Rennes, Ar Balb, 1949)ISFDB Traduction de Xavier de LANGLAIS
COOP BREIZH
(Spezet, France) Dépôt légal : 1er trimestre 2002, Achevé d'imprimer : 5 février 2002 Réédition Roman, 288 pages, catégorie / prix : 11 € ISBN : 2-84346-150-2 Format : 13,0 x 20,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Echouée sur un rivage inconnu, Liliana découvre un monde particulièrement étrange et des habitants monstrueux qui ne le sont pas moins. Asexués, ne connaissant ni jour, ni nuit, ni passé, ni futur, les nombreuses castes de ces êtres burlesques et effrayants peuplent une ruche souterraine où l'absurde fait loi.
Ce sont des êtres évolués : ils n'ont plus d'âme.
D'abord écrit en langue bretonne et paru en 1949, ce roman de science-fiction de l'artiste et écrivain Xavier de Langlais est devenu un livre-culte de la collection « Présence du Futur » (Denoël) pendant plus de 35 ans.
Tour à tour grave ou délirant, L'île sous cloche imagine un univers littérairement proche de Wells, Barjavel ou Jacques Spitz ; et visuellement apparenté à celui des Shadocks ou de la série TV britannique Le Prisonnier.
« La pure beauté horrifiante de sa prose demeure, et ne sera démodée que le jour où les hommes, devenus insensibles, auront détourné leur regard de l'oeuvre de Jérôme Bosch. Ce n'est pas pour demain. »
Joseph Altairac (extrait de la postface à la présente édition)
1 - Tugdual de LANGLAIS, Avant-propos, pages 5 à 7, préface 2 - Préface de l'auteur à la première édition, pages 9 à 12, préface 3 - Joseph ALTAIRAC, Postface, pages 283 à 286, postface
Critiques
Liliana, naufragée lors d'une tempête, échoue sur une île étrange. Elle découvre les mœurs de ses habitants monstrueux, chacun conçu pour une tâche très spécifique et disposant d'une morphologie adaptée à son rôle. La jeune fille, craignant de devenir folle dans un monde si bizarre, cherche à s'enfuir de l'île. Mais parallèlement, la société scientifiquement parfaite des Îlesouclochiens se dérègle au contact cette fille « sauvage ».
L'île sous cloche est digne d'intérêt à plusieurs titres. D'abord, c'est le seul roman de science-fiction connu en langue bretonne, même si les aléas de l'édition ont fait que la version française, traduite par l'auteur lui-même, est parue avant l'édition bretonne. De plus, Xavier de Langlais, reconnu pour ses talents de peintre autant que d'écrivain, signe la couverture et les nombreuses illustrations intérieures.
Au premier abord, l'histoire semble être une utopie insulaire classique. Un personnage extérieur, Liliana, explore une société soi-disant parfaite. Les institutions de l'île (gouvernement, armée, économie...) sont à la fois hyper-rationnelles et complètement absurdes. Xavier de Langlais dénonce ainsi les risques que la science fait courir à la société. Cependant ce message n'est jamais pesant, grâce à la présence constante de l'aventure et de l'humour.
Mais ce roman est aussi de la véritable science-fiction. L'auteur s'inspire des avancées de la biologie de son époque, notamment d'expériences dans le domaine de l'embryologie. Si la biologie a beaucoup évolué depuis, la peur qu'elle génère ne s'est pas pour autant dissipée. Nos craintes actuelles envers le génie génétique paraîtront-elle dans cinquante ans aussi peu pertinentes que celle de Xavier de Langlais pour la manipulation de l'embryon ?
Ce classique de la littérature de SF est également remarquable par son jeu sur le langage et par sa maîtrise des images. La description des défilés des classes laborieuses, composées de spécialistes dont les corps sont déformés pour remplir leurs tâches spécifiques, est à la fois inquiétante, grotesque et fascinante. L'île sous cloche est un roman étonnant, à redécouvrir.
Il importe de signaler cette réédition à l'attention des lecteurs, qui pourraient se méprendre sur la nature du livre, au simple vu de la mention « traduit du breton » et de la date de copyright : 1965 (le livre a, en fait, été écrit en 45, pour ce qui concerne sa version française). Il ne s'agit pas là d'un fond de tiroir, non plus que d'un quelconque pamphlet autonomiste. Il ne s'agit pas non plus d'une « curiosité » — dans la mesure où ce terme désigne une œuvre vieillotte dont l'intérêt n'est plus guère qu'historique.
L'île sous clochedemeure au contraire d'une étonnante modernité, qui tient peut-être à sa profonde originalité. Contre-utopie, ce roman a certes toutes les caractéristiques du genre : lieu clos, société hiérarchisée, immixtion de l'intrus, du « naïf », puis conflit. Mais Xavier de Langlais enrichit son propos d'un humour presque britannique, et surtout d'une écriture à la fois puissante et subtile. L'île sous clochetient à la fois du conte, de la plaisanterie et de l'exercice de style ; une sorte d'Alice au pays des merveilles. Surprenant et attachant à la fois.
Une réédition qu'il serait d'autant plus dommage de manquer qu'elle vaut bien une « nouveauté ».