Voici l'histoire d'un self-made-man à la Citizen Kane, contée par un des romanciers les plus surprenants de la littérature américaine d'aujourd'hui.
Martin Dressler a grandi dans le New York de la fin du XIXe siècle. Sa première idée commerciale est modeste : il installe un kiosque à cigares dans le hall du grand hôtel où il est garçon d'ascenseur. Quelques années plus tard, il est à la tête d'une chaîne de restaurants et d'hôtels.
Comment l'ambition va-t-elle basculer dans la démesure, l'homme d'affaires se muer en poète visionnaire et fou ? C'est toute l'affaire du Grand Cosmo, ce bâtiment démentiel, contenant un monde entier en miniature, dans lequel Martin va engloutir sa fortune et ses rêves...
Epopée de l'âge d'or américain, vertigineuse métaphore d'un monde technique et urbain qui ne se connaît plus de limites, ce roman inspiré a valu à son auteur le prix Pulitzer 1997.
Martin Dressler est un démiurge. Il rivalise avec Dieu. Est-ce cela le rêve américain ?
C'était au temps où New York naissait : les gratte-ciels ne repoussaient pas encore les limites du ciel, la péninsule de Manhattan n'avait pas encore été totalement recouverte d'habitations, les autres rives de l'Hudson n'allaient être annexées que plus tard... À cette époque dorée vivait un homme du nom de Martin Dressler, fils d'un modeste tenancier de boutique de cigares et de tabac. Mais, pour n'être qu'un simple fils de petit commerçant, Martin Dressler n'en entretenait pas moins ses propres rêves, et il parvint à les réaliser — il alla même bien au-delà, jusqu'à remodeler la réalité selon ses désirs, et à dépasser ses propres aspirations. D'abord apprenti dans un grand hôtel du centre ville, Martin Dressler découvrit peu à peu chacune des facettes éblouissantes des fastes hôteliers, jusqu'au jour où il reprit le stand de vente de tabac, cigares et gadgets pour hommes. De là, il créa un premier restaurant. Puis un deuxième, puis toute une chaîne. Ensuite, il sut retourner à son premier amour : les grands hôtels. Et d'hôtel en hôtel, il fit s'élever dans New York des palais toujours plus fabuleux, toujours plus sophistiqués, toujours plus excentriques...
La magie est dans la vie quotidienne : Steven Millhauser, écrivain nord-américain actuel (déjà plusieurs fois traduit chez Rivages — Martin Dressler lui-même date de 1996), s'est imposé comme un des maîtres de l'exploration de l'insolite, du merveilleux et du décalé dans l'existence apparemment « normale » des États-Unis de la fin du XXe siècle. S'agit-il de fantasy ? Certainement, à sa manière bien particulière — à preuve : Terri Windling sélectionne presque chaque fois une nouvelle de Millhauser pour sa somme annuelle The Year's Best Fantasy & Horror. Le terme de « réalisme magique » semble en fait le plus apte à décrire un roman aussi enchanteur que Martin Dressler : quoique le surnaturel n'y fasse jamais surface, c'est la totalité du réel qui s'emplit de magie. Tout y concourt : la langue riche et brillante de l'auteur, la jouissance discrète qui transparaît dans chacun des actes de Martin, son regard perpétuellement émerveillé et candide sur l'existence, ses rêves de plus en plus ambitieux et ses réalisations de plus en plus démesurées — s'éloignant chaque fois un peu plus de la nature, alors qu'elles tentent pourtant d'imiter cette dernière. Les hôtels-résidences Dressler ont pour ambition de remplacer la nature, en couvant ses clients comme un cocon amoureusement reconstitué. Architecture intérieure et extérieure, décoration, éclairage, gadgets astucieux et étranges, tout dans les hôtels Dressler est une délicieuse expérience de rêve éveillé. Entre le velouté d'une perfection atteinte et la douce amertume d'un rêve subitement dépassé, s'étend toute la magie de Martin Dressler le roman d'un rêveur américain : un petit bonheur littéraire. Un moment rare.