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Pouvoirs critiques

ANTHOLOGIE

Textes réunis par Jean MILLEMANN


Illustration de Philippe CAZA

NESTIVEQNEN , coll. Fractales / Science-fiction précédent dans la collection n° (4) suivant dans la collection
Dépôt légal : février 2002
Première édition
Anthologie, 240 pages, catégorie / prix : 17 €
ISBN : 2-910899-45-4
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Écrire est un acte politique en soi. Quel que soit le genre choisi, c'est toujours une démarche où l'auteur se définit par rapport à l'autre. Ils sont douze, ici, à avoir répondu présent, à avoir tenu le pari de rédiger chacun une nouvelle, simple à lire, mais qui éveille dans l'esprit du lecteur les échos de son quotidien. Explorant passé, présent ou futur, ils vous offrent douze regards, douze contes qui prouvent définitivement que, sous des aspects de légèreté et de simplicité, l'imaginaire pose des questions essentielles sur le présent. Tragiques ou terrifiants, tristes ou joyeux, douze nouvelles réconciliant homme et humanité, douze témoignages essentiels sur notre temps et sur son avenir.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Jean MILLEMANN, Préface, pages 4 à 7, préface
2 - Patrick ERIS, Lemmings, pages 9 à 25, nouvelle
3 - Johan HELIOT, Sisyphe endormi, pages 27 à 42, nouvelle
4 - Jonas LENN, L'Invincible Armada, pages 43 à 107, nouvelle
5 - Sabrina CALVO, Part-time punk, pages 109 à 117, nouvelle
6 - Laurent GENEFORT, Attentat sur Bodday, pages 119 à 142, nouvelle
7 - Jean-Marc LIGNY, L'Œil de Caïn, pages 143 à 147, nouvelle
8 - Jean-Pierre HUBERT, Peintre de lunes, pages 149 à 156, nouvelle
9 - AYERDHAL, Aller simple, pages 157 à 162, nouvelle
10 - Laurent QUEYSSI, G'Yaga, pages 163 à 179, nouvelle
11 - Ceryan DAU, Terra Amata, pages 181 à 196, nouvelle
12 - Jean-Michel CALVEZ, Enchères, pages 197 à 214, nouvelle
13 - Bruno B. BORDIER, Nahk Ila Hetaf Tarsun, pages 215 à 236, nouvelle
14 - Jean MILLEMANN, Remerciements, pages 237 à 238, notes
Critiques
     Chez Nestiveqnen, les anthologies se suivent et ne se ressemblent pas. Pouvoirs Critiques, qui nous est proposé par Jean Millemann, aborde le thème délicat de l'exercice du pouvoir, qu'il soit politique, religieux, ou simple rapport de force entre deux êtres. En douze textes, pour la plupart brefs et incisifs, les auteurs nous dépeignent des gens en mal de vivre et des sociétés où pouvoir rime avec mouroir.

     Patrick Eris ouvre le bal avec Lemmings, l'histoire d'un adolescent qui découvre qu'on lui a menti, que la société fait du mal à des gens qui n'ont rien fait pour le mériter. À ceux qui considéreraient que ce thème est gentillet, je répondrai que sans cette prise de conscience individuelle nul ne peut accéder au statut d'adulte responsable de lui-même et de ses actes. Pour cette raison, il était normal que cette histoire ouvre l'anthologie. Johan Héliot, dans Sisyphe endormi, raconte l'histoire, année après année, puis siècle après siècle, du soldat inconnu qui renaît à la vie pour témoigner, afin que plus jamais la guerre ne dévaste l'humanité. Son message sera-t-il entendu ? Cette nouvelle joue sur le registre de l'émotion et renvoie chacun de nous aux guerres qui l'ont marqué, fut-ce par médias ou grands-parents interposés. Les commémorations d'armistices n'auront plus jamais le même sens après cette lecture.

     Changement total de ton avec L'invincible Armada de Jonas Lenn. Cette novella reprend un thème d'enquête policière qui tourne au roman d'espionnage. Un meurtre a lieu en public, la criminelle est arrêtée mais tout laisse à penser qu'elle a été manipulée par un autre, ayant sur elle suffisamment de pouvoir. Mais de qui s'agit-il et pourquoi a-t-on voulu assassiner le lord-maire de la City of old England, la plus ancienne des cités virtuelles en rivalité avec la Gran Ciudad ? Politique, argent, nationalisme, tous les ingrédients d'un bon polar sont réunis dans un avenir pas si différent de notre présent, mais aussi toutes les raisons de se méfier du pouvoir, de tous les types de pouvoir... On se régale des nombreux rebondissements de l'histoire, on s'amuse de l'évolution d'Internet et on ne peut s'empêcher d'imaginer le film qui pourrait être tiré de cette histoire !

     Attentat sur Bodday, de Laurent Genefort, est aussi une histoire politique. Mais là, c'est le pouvoir interne qui est mis en cause, le pouvoir insidieux d'une démocratie écologique dont les écocitoyens votent à longueur de journée sur les moindres détails des moindres règlements, à l'aide d'un aspec dont ils ne se séparent guère. Dictature du « politiquement correct », pouvoir qui corrompt même les plus ardents défenseurs de la liberté : le ton de la campagne électorale est donné. Si cette histoire est efficace, c'est surtout parce qu'elle s'ancre dans le présent et la réalité politique actuelle.

     La surveillance est le thème principal de la short story de Jean-Marc Ligny, L'Œil de Caïn. Ou comment un comportement inhabituel accompagné d'un « délit de sale gueule » peut apporter les pires ennuis. Si ce texte est très court, il n'en est pas moins bon. Son côté faussement naïf, l'idée que, oui, notre société fonctionne comme ça, et la brièveté même du texte, tout cela contribue à créer un maelström de sentiments vis-à-vis du héros malgré lui et nous fait, par ricochet, réfléchir sur nous-mêmes.

     Une autre nouvelle très brève, Aller simple, d'Ayerdhal, raconte comment le pouvoir de décision peut contaminer tous les êtres et les amener à commettre le pire, pour le bien de l'humanité. On ne peut, après avoir lu ce texte, s'empêcher de songer aux nombreuses décisions prises, elles aussi, pour le « bien du peuple », et suivies de massacres horribles. On pense à ceux qu'on soupçonne d'être capables d'agir ainsi et alors, insidieusement, se pose la question : serais-je capable, moi aussi, de tuer des innocents ?

     G'Yaga, de Laurent Quessi, raconte comment un citoyen découvre sur quelle imposture repose son statut. Il comprend les revendications des métèques et leur apporte son soutien, mais ce n'est que pour s'apercevoir qu'il a été manipulé. Politique dans un univers parallèle sur fond de racisme ordinaire...

     Avec Terra Amata Nathalie Dau aborde la question de l'origine de l'humanité. Sa nouvelle est d'une telle profondeur que malgré sa brièveté on ne peut s'empêcher de penser à 2001, l'Odyssée de l'Espace. L'écriture de Nathalie Dau est empreinte de tant de sensibilité qu'elle peut mettre mal à l'aise celui qui la lirait superficiellement, mais quel bonheur pour celui qui se plonge sans réserve dans son univers pour y assister à la naissance de l'humanité, aux premières religions, à la première grande manipulation. Et aux premières luttes révolutionnaires. Un clan de préhominiens, un chef et un sorcier, un chasseur aigri et jaloux contacté par une entité se présentant comme Dieu, tels sont les acteurs de cette primordiale lutte de pouvoirs qui a pour enjeu la création de l'Homme.

     Religion encore dans la nouvelle de Bruno B. Bordier, Nahk Ila Hetaf Tarsun, où les rapports de force ne sont pas ceux que l'on pourrait croire. Le mâle dominateur ne serait-il pas manipulé, lui aussi ? Et quel est ce monstre présent dans la Vision induite par le Chant sacré ?

     Tous ces textes peuvent être compris et ressentis à plusieurs niveaux, du simple plaisir de la lecture à la réflexion philosophique sur les pouvoirs, ceux que nous subissons comme ceux que nous imposons aux autres. C'est ce qui fait l'originalité et la richesse de cette anthologie que je ne saurais trop vous conseiller.

Lucie CHENU
Première parution : 24/4/2004 nooSFere


     Un séduisant objet, avec son illustration pleine page du plus bel effet sur un superbe fond à dominante rouge — quand Caza est en forme, ça déménage ! Par la couverture ainsi alléché, mon œil déchiffre titre et sous-titre : Pouvoirs critiques — anthologie de politique-fiction. Je ne peux alors m'empêcher de ressentir un mélange de perplexité (tout texte de SF n'est-il pas, à un certain niveau, politique ?) et de légère angoisse, en me souvenant qu'à une certaine époque de son histoire, la SF francophone avait oublié d'être distrayante à force de trop vouloir être politique. Allons, ce temps-là est révolu, et la liste des douze auteurs présents au sommaire semble un intéressant cocktail de confirmés, d'étoiles montantes et de débutants (ou quasi) ; j'y note d'ailleurs l'absence de noms a priori attendus (eh non, ni Wagner, ni Wintrebert, ni Lehman !). Enfin, les anthologies thématiques sont assez rares pour qu'on ne les dédaigne pas !
     Dans Lemmings, Patrick Eris décrit avec habileté une société (pas si éloignée de la nôtre ?) et montre bien ce qu'elle peut avoir de peu enthousiasmant pour un adolescent. La fin est hélas moins convaincante, comme si l'auteur n'avait su que faire de sa création.
     Johan Héliot suit avec Sisyphe endormi. Une idée de base simple, un point de vue original et un traitement impeccable tout en émotion retenue qui ne manquent pas de nous rappeler la célèbre formule du philosophe américain George Santanaya : « Ceux qui oublient le passé se condamnent à le revivre. »
     Action et humour avec Jonas Lenn. Il mène L'Invincible Armada tambour battant avec un plaisir de raconter contagieux, sans oublier au passage de semer quelques graines de réflexion sur le pavé new-yorkais.
     Le Part-time punk de David Calvo est étrange et d'un abord difficile, mais ne manque ni d'atmosphère, ni d'ambition.
     Dans Attentat sur Bodday, la démocratie écologique qu'imagine Laurent Genefort avec son talent habituel pour les sociétés exotiques prend un relief tout particulier à l'heure où notre société française semble chercher une nouvelle façon d'améliorer l'interaction entre le gouvernement et les citoyens. Un texte solide qui aurait gagné à plus de sensibilité.
     Jean-Marc Ligny nous balance un texte-coup de poing de deux pages, L'Œil de Caïn, sans doute celui qui évoque le plus la SF francophone politique d'il y a trente ans. On peut trouver qu'il a forcé le trait, qu'il rate son coup par manque de réalisme, mais à la réflexion, n'est-ce pas lui qui a (ou aura) raison ?
     Peintre de lunes de Jean-Pierre Hubert m'a laissé froid, même si j'en ai apprécié l'élégance du style.
     Déception avec Ayerdhal. Son court Aller simple n'a rien de rédhibitoire en soi... sauf qu'on a l'impression d'avoir déjà lu plusieurs fois ce genre d'histoire !
     G'Yaga manque peut-être d'un peu de maîtrise, que Laurent Queyssi compense par un mélange de fraîcheur et de cynisme.
     Inattendue dans une telle anthologie : un texte qui se déroule aux temps préhistoriques (Terra Amata de Nathalie Dau)...
     Jean-Michel Calvez met en valeur par sa mise en scène une idée plutôt originale. Cela « suffit » pour faire de son Enchères une bonne histoire.
     Le livre se termine avec Nalik Ilaf Hetaf Tarsun ( !) Bruno B. Bordier y fait preuve d'une belle — voire trop belle — imagination : certains tireraient un roman d'une telle matière, et la limiter à un format court risque de priver d'air le lecteur.
     Au final, ne vous laissez pas influencer par vos éventuels préjugés vis-à-vis de la « politique ». Certaines nouvelles ne sont d'ailleurs raccordables qu'avec quelques acrobaties au thème imposé par l'anthologiste (« écrire une histoire sur le pouvoir : une histoire politique », explique Jean Millemann dans sa préface), mais cela nous permet de bénéficier d'une anthologie qui enrichit de sa diversité la bonne qualité globale des textes. On peut aussi regretter le manque d'engagement, de « rentre-dedans », mais là encore, j'y vois quant à moi une force. Au lecteur de se contenter du simple et indéniable plaisir de lecture que le livre propose ou d'y ajouter une réflexion personnelle sur les problèmes ou solutions mis en scène : amateurs de prêt-à-penser, passez votre chemin !

Gilles GOULLET (site web)
Première parution : 1/6/2002 dans Galaxies 25
Mise en ligne le : 1/2/2004

Cité dans les pages thématiques suivantes
Dystopie

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