POCKET
(Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5769 Dépôt légal : juin 2002, Achevé d'imprimer : mai 2002 Première édition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 7 ISBN : 2-266-11671-1 Format : 10,7 x 17,7 cm Genre : Science-Fiction
Bien que le livre porte sur le dos le n° 5758, le numéro correct est 5769, ce qui a conduit l'éditeur à apposer une étiquette auto-collante argentée, qui corrige le numéro (étiquette qui peut avoir disparu sur certains exemplaires).
Quatrième de couverture
L'astronome Aurora Bell a capté un message en provenance de l'espace qui semble annoncer la venue de visiteurs extraterrestres. Selon ses calculs, ceux-ci, qui ou quoi qu'ils puissent être, devraient arriver trois mois plus tard, le premier de l'an très exactement.
La Terre, polluée et surpeuplée, au seuil d'une nouvelle guerre mondiale, est tout sauf prête à faire face à une invasion quelle qu'elle soit...
Les recherches d'Aurora la conduisent à se demander si elle n'aurait pas été la victime d'un gigantesque canular, mais les médias se sont déjà emparés de la nouvelle, suscitant craintes, espoirs, mouvements de panique et manipulations en tout genre. Et donc la planète entière attend.
Sans trop savoir qui, sans trop savoir quoi.
Critiques
Le premier octobre 2054, le professeur Rory Bell, chercheuse et enseignante en astrophysique à l'université d'une petite ville de la frontière sud des États-Unis, reçoit un message extraterrestre. Un message annonçant, répétée soixante fois, la venue de visiteurs de l'espace.
Aucun doute possible quant à l'origine du message : il provient d'une source placée au-delà du système solaire, avançant à une vitesse phénoménale. Bientôt, un observatoire sur la Lune recoupe cette information et permet de trianguler son origine.
Immédiatement, médias et officiels s'emparent de l'affaire. La tranquille petite ville, dont la seule activité était universitaire, devient le centre d'une agitation mondiale. La troisième guerre mondiale qui semblait devoir débuter en Europe demeure en attente précaire.
Construit par courts chapitres, ce nouveau roman d'Haldeman passe d'un point de vue à un autre de manière assez originale — par proximité : telle personne est suivie durant un chapitre, puis une autre qu'elle a croisé ou avec laquelle elle parlait, et ainsi de suite. La vérité ou non du message (les ET vont atterrir le 1er janvier suivant) s'estompe assez vite derrière la multitude de point de vue et la vie des nombreux personnages. De même que dans L'appel de l'espace de Will Eisner, la réception d'un message venu de l'espace est le catalyseur d'une série d'événements dramatiques — dans un crescendo extrêmement tendu.
Le Message n'est pas réellement (ou pas totalement) un roman de SF : il s'agit plutôt d'un roman d'espionnage, bien fichu et bien enlevé, mais sans grande spéculation. L'aperçu du monde futur est très convenu (couche d'ozone diminuée, risques de cancer par exposition au soleil, blizzards en Europe, échauffement généralisé, violence urbaine toujours accrue), l'idée d'une 3e guerre mondiale en Europe entre la France et l'Allemagne semble assez réac et naïve, la sexualité mise en scène est globalement malsaine... Cependant, ce roman se lit bien, vite, car le sens du suspense est excellent, et la construction éclatée, autour de l'université et de son bar grec, remarquablement bien réalisée — quoique sans commune mesure avec les réussites de John Brunner dans les années 70. D'ailleurs, tout ce roman semble dater de la SF (spéculative fiction !) des années 70...
Quant aux extraterrestres... Mais comment en parler sans déflorer ce qui, en définitive, fait le principal de l'intérêt et de la finesse de ce roman ? Disons qu'à défaut d'être terriblement novatrice, cette oeuvre est bâtie avec une grande intelligence.
Après un purgatoire d'une bonne décennie, l'œuvre de Joe Haldeman connaît depuis peu un retour en grâce auprès des éditeurs français. On peut ainsi découvrir cette année trois de ses romans récents — un vrai chef-d'œuvre non S-F chez Denoël, Les Deux morts de John Speidel (cf. Bifrost n° 26 pour une courte critique), et les deux ouvrages dont il est question ici 1. Autant le dire d'entrée : il s'agit, pour ces derniers, de livres relativement mineurs, mais non dénués de qualités.
Le Message est le plus classique, du moins sur le fond. Dans un futur proche, une scientifique américaine reçoit de l'espace un message qui, une fois décrypté, se révèle fort simple : NOUS VENONS, répété soixante fois. Sa source ? Un objet en approche frôlant la vitesse de la lumière, qui atteindra la Terre trois mois plus tard, pour le Jour de l'An. Essentiellement, la suite du livre examine les conséquences de cette nouvelle sur la politique, la diplomatie et le quotidien des Etats-Unis durant ce laps de temps. Sauf que rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît, ni chez les visiteurs annoncés, ni chez ceux qui attendent leur venue avec des sentiments mêlés... et des intérêts contradictoires.
On le voit, on est ici en terrain connu, balisé — et traité au cinéma avec Contact, adapté d'un roman de Carl Sagan, ou The Arrival. Le style, en vignettes nerveuses abondamment dialoguées, rappelle celui d'un film. (La structure, tout en changements de point de vue au gré du ballet des personnages, évoque certains Altman.) Haldeman réussit en outre à surprendre et à séduire par la crédibilité de l'avenir décrit, très fouillé, rendu par une multitude de petits détails semble-t-il anodins, et par la résolution de l'intrigue, assez surprenante. Bref, un divertissement intelligent.
Voici donc deux romans futés, plaisants et, ce qui ne gâte rien, traduits à la perfection par deux des meilleurs professionnels du domaine. S'ils sont, oui, mineurs, c'est comme Mozart à l'occasion : cent coudées au-dessus de la concurrence, tout de même.
Notes :
1. Cette chronique porte sur Le Message et sur Le Vieil Homme et son double. La partie de la chronique traitant exclusivement du Vieil Homme et son double n'a pas été reproduite ici : se reporter à cet ouvrage. [note de nooSFere]
Nous sommes en 2055. Les États-Unis ont une présidente conservatrice, qui présente bien et ne peut aligner deux idées sans demander conseil. Personne ne sort l'été sans se badigeonner de crème solaire. L'homosexualité est illégale et sévèrement réprimée, mais pour la Mafia, les affaires continuent, avec l'aide des policiers et politiciens corrompus. Les universités doivent ramper devant les autorités pour être financées, ou prêter leurs locaux pour le tournage de films porno high-tech, à l'aide de capteurs stratégiquement placés.
Aurora Bell enseigne à l'université de Gainesville, en Floride. En étudiant des sources de rayonnement gamma, elle reçoit un message étonnamment clair d'un vaisseau approchant du système solaire à 99 % de la vitesse de la lumière : NOUS ARRIVONS. Tous calculs faits, l'humanité a trois mois pour se préparer au débarquement d'extra-terrestres peu diserts, très au fait de la civilisation du XXIe siècle, et détenteurs d'une puissance colossale.
Comme dans L'Ogre de l'Espace de Gregory Benford, paru la même année (2000) aux USA, l'essentiel de l'intrigue concerne la réaction politique de l'humanité (ou plus précisément des États-Unis) à cette arrivée imprévue, et les jeux de pouvoir dans lesquels se trouvent emberlificotés les découvreurs originels du message, scientifiques plus ou moins éloignés de ce genre de luttes. Pourtant, les deux livres sont on ne peut plus différents, en bonne part à cause de la vision pessimiste du genre humain que transmet Haldeman. Disons pour faire court que Benford a connu l'armée du côté officier, tandis que Haldeman était du côté troufion, le ventre dans la boue. Dans la société civile, bien des personnages de Haldeman restent des fantassins, et l'Avènement (traduction dans le corps du texte du titre original du livre, The Coming, qui signifie aussi l'Arrivée, voire l'orgasme...) va signifier, pour Aurora Bell et son mari Norman, des menaces de maîtres-chanteurs de la Mafia et l'effondrement de leur vie personnelle et professionnelle.
Ce qui ne veut pas dire qu'ils vont se laisser faire. Ni eux, ni les gens qui les entourent : Haldeman mène le roman à cent à l'heure, avec quelques scènes de violence à la Tarantino et une technique narrative originale ; il change de personnage-point de vue toutes les quatre ou cinq pages, au gré des rencontres fortuites entre les uns et les autres. Cela peut paraître artificiel, et pourtant il tient le pari jusqu'au bout, sans jamais ennuyer, sans nuire au rythme de la narration. Les personnages secondaires, voire étrangers à l'intrigue, qui sont ainsi introduits (Suzy Q la clocharde, Gabrielle l'étudiante actrice porno...) donnent un coup de projecteur sur la société dans laquelle se déroule l'intrigue. Une société bien désespérante, avec ses USA engoncés dans l'inculture et la bigoterie, et son Europe divisée par les guerres. Il leur faudrait une petite visite des extra-terrestres pour leur remettre les pieds sur terre...
Énergique, concis, bien ficelé, plein d'idées, Le Message est tout ce que La Liberté Éternelle n'était pas ; il rappelle un autre court roman récemment traduit, quoique remontant à 1990 (Le Vieil Homme et son double), et confirme que Haldeman n'a rien perdu de son inventivité et de son talent.