Dans quelle case ranger ce roman ? Politique-fiction ? Roman-catastrophe ? Anticipation à court terme ? Un peu tout cela, puisqu'il s'agit de rien moins qu'un accident grave (de ceux qu'on appelle « maximum admissible » : ici la rupture des circuits de refroidissement qui provoque la surchauffe et la fonte du cœur) dans une centrale nucléaire (qui semble être à filière eau légère), ce qui provoque un dégagement radioactif intense dont le résultat est 25 000 morts dans la semaine — sans parler des conséquences à plus long terme... Il est difficile de juger ce qui est LE PREMIER roman « nucléaire » (depuis longtemps attendu) ; celui-ci vient d'Allemagne de l'ouest où il est resté 6 mois sur la liste des best-sellers ; littérairement, c'est zéro : le récit est conduit avec toutes les recettes du « grand succès — tout public » (style inexistant, suspense artificiellement maintenu, psychologie de cuisine) ; plus gravement, ces effets coups de poings entraînent (ou sont entraînés par) une idéologie réactionnaire assez puante : les opposants à la centrale sont des gauchistes débiles, le saboteur est un fou mystique, la plupart des techniciens et responsables gouvernementaux meurent en héros en première ligne, et les histoires de coucheries sont inénarrables de bêtise (la femme du directeur de la centrale est la maîtresse du saboteur, le directeur devient l'amant de la déléguée du comité anti-nucléaire !).

     Et pourtant, malgré ces scories, on est pris peu à peu par ce « reportage » (le collage de plusieurs rapports et notices techniques enracine le récit dans la réalité) qui devient même insoutenable d'horreur dans le dernier tiers du livre, où les populations confinées dans le périmètre irradié crevant misérablement de la mort invisible. En cela. L'explosion n'est pas un livre inutile, la force même du thème (c'est-à-dire sa plausibilité) pouvant faire oublier ce que l'anecdote charrie de détournements. Mais passé cet effet de sensibilisation, il faudra attendre un autre traitement pour être satisfait esthétiquement et idéologiquement.