MANGO Jeunesse
, coll. Autres Mondes n° 11 Dépôt légal : février 2002 Première édition Roman, 216 pages, catégorie / prix : 9 € ISBN : 2-7404-1361-0 Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Sur la planète Tridan. qu'ils ont colonisée il y a plus de trois mille ans, les Terriens ont trouvé le bonheur et vivent en harmonie avec la nature, loin des anciennes technologies polluantes.
Mais la venue d'une mystérieuse rescapée de la Terre, Athna 103, va bouleverser ce paradis écologique. À la tête d'une armée d'inquiétants robots, les animators, elle décide de transformer à sa manière le paisible royaume de Gandahar. Usant de son énigmatique beauté, Athna persuade le chevalier-servant Sylvin Lanvère de la seconder pour arriver à ses fins. Heureusement que veille la douce Airelle à la peau bleue !
Critiques
Un objet mystérieux se place en orbite de la planète Tridan et menace de s'abattre sur le royaume de Gandahar. Assemblage de vaisseaux spatiaux d'origine terrienne, l'artefact n'a qu'une seule survivante à son bord : la séduisante Athna 103 qui, à peine débarquée, se propose de rendre aux gandahariens la technologie qu'ils ont oubliée. Elle lâche une armée d'animators et de killdozers qui vont recouvrir le paysage de puits de pétrole et de machines fumantes... et parvenir même à asservir les consciences !
Cinquième roman du cycle de Gandahar — dont chaque opus peut se lire indépendamment des autres, Les Rebelles de Gandahar permet de retrouver l'utopie « atechnologique » conçue par Jean-Pierre Andrevon dès 1969. Après avoir fui une Terre ravagée par la pollution, la surpopulation et la guerre, les humains se sont installés sur la planète Tridan où une nature généreuse pourvoit à tous leurs besoins : des insectes géants comme véhicules, des oiseaux-miroirs comme caméras de surveillance, des pistograines en guise d'armes contre les rares dangers que recèle encore la planète... Bref, une utopie écologique et paisible dans la lignée de L'An 01 de Gébé,comme on en rêvait au lendemain de mai 68.
Évidemment, pour accepter Gandahar, il faut faire l'effort de retrouver une certaine naïveté : négliger le fait que la vraie Nature est rarement bienveillante ; oublier que l'un des objectifs du progrès est de lutter contre la maladie et la famine ; imaginer que l'homme peut échapper à la cupidité et à l'ambition ; rêver qu'une reine puisse être si sage que personne ne conteste sa légitimité, et jouisse d'une longévité suffisante pour éviter à son royaume toute crise de succession ; fantasmer une société où personne ne se sent exclu ni inutile... Tridan est finalement un monde tellement idyllique qu'on peut s'étonner qu'Athna ne soit pas réceptive à son charme, mais le dénouement nous expliquera pourquoi : comme pour le scorpion, c'est dans sa nature...
Foi candide en un possible monde meilleur et manichéisme assumé de l'opposition entre nature paradisiaque et technologie aliénante obligent à lire Gandahar comme un conte écologique plutôt que comme un véritable roman spéculatif. Délaissant le réalisme, Andrevon préfère militer par l'usage d'arguments comme l'amour, l'humour et la poésie : l'amour contradictoire qui pousse le chevalier-servant Sylvin Lanvère à soutenir la belle Athna mais qui le ramène vers sa compagne Airelle ; l'humour lorsque, par exemple, Sylvin et ses amis conçoivent une navette spatiale en s'inspirant des écrits d'un Cyrano de Bergerac que leurs archives désignent comme l'un des fondateurs de la NASA ; la poésie diffuse qui transparaît encore davantage dans l'univers graphique créé par Caza autour de Gandahar, notamment dans le dessin animé réalisé en 1987 avec René Laloux.
Exemple réussi de science-fantasy, ce roman destiné aux jeunes (dès onze ans) mêle habilement science-fiction, aventures chevaleresques et fable édifiante pour former un récit à la morale limpide, une histoire aussi jolie et sensible que divertissante.
Jean-Pierre Andrevon poursuit le cycle de Gandahar, entamé en 1969 et n'a pas abandonné ses préoccupations écologiques avec ce dernier opus. Où l'on revient avec plaisir dans le monde de Gandahar, dont l'harmonie et la paix vont être troublés par l'apparition d'une mystérieuse et belle terrienne, Athna. Sylvin Lanvère, qui a pourtant par le passé prouvé sa valeur et sa qualité de héros, succombe rapidement au charme de la jeune femme et comme l'amour rend idiot, il perd toutes ses facultés de raisonnement et d'analyse. Chargé par la reine Myrme Ambisextra d'accueillir et de guider Athna sur Gandahar, il la laisse rapidement se livrer à quelques aménagements menés, dit-elle, pour apporter un peu de technologie et de confort à ces pauvres gens végétariens et pacifiques. Le ver est dans le fruit et bientôt, une multitude de petits robots industrieux commandés par Athna transforment la mer en poubelle, défigurent les paysages, mutilent les forêts, enferment la reine dans son château et, inéluctablement, agissent sur l'esprit des Gandahariens, les transformant en êtres décervelés. Heureusement que l'amie de Sylvin, Airelle, n'a pas raison perdue. C'est elle qui va donner le signal de la contre-attaque, afin de libérer Gandahar, de panser les plaies du paradis et de reconquérir son chevalier.
Andrevon fait ici la place belle aux femmes. L'une, l'étrangère, l'énigmatique Athna, représente tous les excès de notre monde : technologie outrancière, planification à outrance, pillage et asphyxie de la terre, sans souci de ce que l'on pourrait transmettre aux générations futures. L'autre, Airelle, la belle Gandaharienne à la peau bleue, femme de l'eau, est tout le contraire : elle connaît la valeur de la vie, elle préserve le pacte avec la nature, elle sait aussi galvaniser les hommes pour qu'ils réagissent. Entre les deux, Sylvin fait un peu figure de benêt qu'Athna appâte un engin volant sophistiqué par exemple, et même s'il réagit et remplit son devoir, il enfouit au fond de lui un regret pour la « femme » de la terre dont le corps repose à jamais au fond de l'océan. A jamais ? Pas si sûr ! Car les « animators » n'ont sans doute pas dit leur dernier mot. Mais ceci est sans doute une prochaine histoire...