CLANCIER-GUENAUD
, coll. Archipels Dépôt légal : mai 1988 Première édition Recueil de nouvelles, 208 pages, catégorie / prix : 59 FF ISBN : 2-86215-125-4
Quatrième de couverture
« Ma jambe pousse toujours, ma cuisse semble avoir été foudroyée comme le tronc d'un olivier centenaire. Mon genou est pris dans l'étau d'une écorce rabougrie de la même texture que la peau de l'éléphant. Les fins bourrelets blancs qui se superposent autour de ma cheville ressemblent aux bracelets en laiton que les sauvages d'Afrique enfilent ç leurs jambes. Ce sont les cicatrices laissées par les nombreuses apparitions que je subis.
Avec le temps mon chef de service s'est rendu compte qu'il avait déclenché un processus qui le dépassait infiniment« .
Cinquante deux textes sur les ambiguïtés du temps, les ruses du silence et l'angoisse des métamorphoses. Où l'on voit une femme se transformer en plante et ne plus quitter sa fenêtre, et un curieux se muer en chat pour espionner ses voisins...
1 - Exploration, pages 7 à 8, nouvelle 2 - L'Avènement d'une ère, pages 11 à 12, nouvelle 3 - Mère et fils, pages 13 à 16, nouvelle 4 - Atavisme, pages 17 à 18, nouvelle 5 - Antagonisme, pages 19 à 23, nouvelle 6 - Cycles, pages 25 à 25, nouvelle 7 - Brefs séjours dans l'éternité, pages 27 à 30, nouvelle 8 - Botanique, pages 31 à 32, nouvelle 9 - Le Goût de la liberté, pages 33 à 35, nouvelle 10 - La Nuit de l'épouvante, pages 37 à 39, nouvelle 11 - Fantasmagorie féline, pages 41 à 44, nouvelle 12 - Insubordination, pages 45 à 52, nouvelle 13 - Migration, pages 53 à 55, nouvelle 14 - Mouches, pages 57 à 58, nouvelle 15 - Chagrin intime, pages 59 à 62, nouvelle 16 - Les Deux amis, pages 63 à 64, nouvelle 17 - En des temps très lointains, pages 67 à 69, nouvelle 18 - Les Apatrides, pages 71 à 72, nouvelle 19 - La Nature veut reprendre ses droits, pages 73 à 75, nouvelle 20 - En villégiature, pages 77 à 78, nouvelle 21 - La Page cent onze, pages 81 à 86, nouvelle 22 - Mère, pages 87 à 88, nouvelle 23 - Procès à la tête, pages 89 à 91, nouvelle 24 - Anomalie, pages 93 à 98, nouvelle 25 - Les Voies insondables, pages 101 à 102, nouvelle 26 - Inventaire, pages 103 à 104, nouvelle 27 - Icare, pages 105 à 106, nouvelle 28 - L'Oiseau d'Athéna, pages 107 à 108, nouvelle 29 - Des questions, pages 109 à 110, nouvelle 30 - Convoîtise, pages 111 à 112, nouvelle 31 - Pièges, pages 113 à 114, nouvelle 32 - Ambiguïté, pages 115 à 115, nouvelle 33 - Vie heureuse, pages 117 à 118, nouvelle 34 - Se défendre, pages 119 à 121, nouvelle 35 - La Fin des images, pages 123 à 124, nouvelle 36 - L'Autre, pages 125 à 128, nouvelle 37 - Peuplade primitive, pages 129 à 131, nouvelle 38 - Propreté, pages 133 à 133, nouvelle 39 - Mon cousin, pages 135 à 145, nouvelle 40 - Fin d'un amour, pages 147 à 147, nouvelle 41 - Héritage, pages 149 à 152, nouvelle 42 - Poupée mécanique, pages 155 à 160, nouvelle 43 - Le Mannequin, pages 161 à 164, nouvelle 44 - Infatigables ouvriers, pages 167 à 168, nouvelle 45 - Après mûre réflexion, pages 169 à 170, nouvelle 46 - Spectacles, pages 173 à 174, nouvelle 47 - Apparition, pages 175 à 176, nouvelle 48 - Surprise, pages 177 à 178, nouvelle 49 - Frivolité, pages 179 à 180, nouvelle 50 - La Bavaroise, pages 181 à 182, nouvelle 51 - L'Écrivain, pages 183 à 183, nouvelle 52 - Dimanche, pages 185 à 189, nouvelle 53 - Croissance, pages 191 à 193, nouvelle 54 - S'exprimer, pages 195 à 195, nouvelle
Critiques
Tandis que Belfond fait dans le micro-roman, Clancier-Guénaud lance Archipels, collection d'opuscules au véritable format de poche (10,5 x 16,5), qui ont aussi la classe de livres précieux. Ecrins de choix pour des textes courts, à nouveau, et la coïncidence des deux démarches éditoriales ne doit pas tout au seul hasard. Il y a d'ailleurs, chez Clancier-Guénaud, une volonté déclarée de s'adapter à la vitesse de la vie actuelle, et de prouver qu'en matière de lecture, les extases brèves concurrencent aisément la lente dérive des fictions-fleuves. Avec une ouverture plus large que chez Belfond : Archipels fait place à la poésie et à l'essai, aussi bien qu'aux contes et récits miniatures.
La première livraison permet de vérifier cet éclectisme de qualité, puisqu'à côté d'auteurs qui n'intéressent pas directement les lecteurs de Fiction (Ambrose Bierce par le biais de ses Fables) et de découvrir un écrivain de première grandeur. Ainsi s'impose Jeanne Terracini. Ou c'est moi qui retarde, en découvrant seulement maintenant cène femme née en 1911, dont on nous dit qu'elle fut l'amie d'Albert Camus et qu'elle a, outre de multiples collaborations à des revues, publié trois livres au moins (Dans une tout autre tonalité, Clancier-Guénaud vient ainsi de publier Si bleu le ciel, si blanche la ville, où Jeanne Terracini recense ses souvenirs d'une enfance algérienne.) Avec une cinquantaine de textes incroyablement forts, dont beaucoup ont la densité de poèmes en prose, voici en tout cas que se met en place un dispositif onirique et tragique on ne peut plus efficace.
Du premier (Exploration, l'histoire éblouissante d'un aïeul confiné au mutisme aquatique) au dernier de ses « micro-récits » (dont le titre, S'exprimer, se charge d'ironie triste), Jeanne Terracini fait l'inventaire des leurres — la famille, les sentiments amoureux — , par lesquels on s'obstine à ne pas se croire tout à fait seul. Pour illustrer le constat d'une incommunicabilité reine, elle multiplie des tableautins non dénués de violence absurde, parfois proches de l'incongru surréaliste, et souvent chargés d'une symbolique fantastique. En une synthèse très personnelle. Parmi ses images de prédilection, on pointera celle du désert, matérialisation du vide entre les êtres, ainsi que la déformation des corps, par laquelle s'extériorise le mal-être mental. Un petit livre pernicieux, à parcourir un peu à la fin de chaque jour. Pour frissonner des cauchemars d'une autre, avant de retrouver les siens.