L'Ekluse est un gigantesque artefact édifié par une ancienne civilisation galactique disparue. Voie de passage obligée pour franchir un vaste nuage cosmique, son fonctionnement demeure incompris des humains ou humanoïdes de la Confédération du Gestalt. En revanche, l'intérêt commercial de ce péage interstellaire ne leur a pas échappé !
Dans un but d'équilibre, chaque peuple de la Confédération doit en avoir la garde pour un siècle. L'heure est en théorie venue pour les arkhadiens de laisser la place aux pyrhusiens. Mais la reine d'Arkhadie, peu disposée à abandonner cette fabuleuse source de profit et mal conseillée par le fourbe Kardinal, décide de garder le contrôle de la station. Quitte à déclencher une guerre... Quitte à détruire l'Ekluse...
Dogmaël est un jeune et brillant capitaine arkhadien. Pour défendre l'Ekluse, il va faire équipe avec David, le copain d'enfance qui, à l'exemple de son père, est devenu un chevalier loraksor, un de ces moines-guerriers de l'Ordre combattu par le Kardinal : « L'Ordre était de nature monothéiste, alors que le Kulte incluait le dieu Maargal, le dragon noir, dans un panthéon beaucoup plus vaste. » (p.72) Ils retrouveront également leur ancien ami Lohn, commandant de l'antique cargo Mille sabords ; Lohn se livre à des activités de contrebande, ce que Dogmaël ne lui a jamais pardonné.
Confédération interstellaire et flottes militaires. Conflits religieux et guerres commerciales. Chasseurs spatiaux et canons lasers. Hommes-chiens et hommes-lézards... Le décor est planté : Christophe Lambert s'offre ici le plaisir d'écrire un bon vieux space opera, sans chercher à renier l'influence de Star Wars. Esprit chevaleresque et combats héroïques pour les uns, traîtrise et complots pour les autres sont, comme il se doit, les ressorts de ce flamboyant récit de cape et d'épée laser.
On s'attendrait presque à croiser un Jedi au détour d'une page. A la place, outre les moines-guerriers, nous avons les « homéostates » et les « entropistes », qui possèdent des pouvoirs psi – télépathie, projections de boucliers psychiques... – et représentent deux courants philosophiques différents : « L'école Juba prônait la constance, la mesure, par rapport à l'école Kaa, qui considérait l'univers comme une force violente, indomptable, vouée au chaos » (p.100)
Monothéisme contre polythéisme, ordre contre chaos, nous pourrions supposer que Lambert reprend à son compte le manichéisme simpliste habituellement de rigueur dans le genre. Heureuse surprise : il n'en est rien. Nos trois héros sont évidemment obligés de se battre pour les leurs, pour les arkhadiens, mais ils désapprouvent la décision de leur reine. David est contraint d'obéir au Kardinal alors que celui-ci est à l'origine du discrédit des moines-guerriers. Lohn agit surtout pour retrouver sa liberté. Bref, les situations sont plus complexes et les motivations plus troubles qu'il n'y paraît.
Au total, même s'il ne renouvelle pas le genre, ce premier tome des Chroniques d'Arkhadie est un roman efficace, énergique et divertissant qui passionnera les jeunes amateurs de Star Wars et autres space opera militaires.
Laureline PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/1/2002 nooSFere