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L'Évangile du serpent

Pierre BORDAGE

Première parution : Vauvert, France : Au diable Vauvert, 2001
Cycle : Prophéties  vol. 1 


Illustration de RAMPAZZO

AU DIABLE VAUVERT (Vauvert, France)
Dépôt légal : juin 2001
Première édition
Roman, 560 pages, catégorie / prix : 14,5 €
ISBN : 2-84626-014-1
Genre : Science-Fiction


Autres éditions
   AU DIABLE VAUVERT, 2004, 2005
   in Le Livre des prophéties, 2015
   FRANCE LOISIRS, 2002
   GALLIMARD, 2003, 2007

Quatrième de couverture
     Jeune indien d'Amazonie élevé en Lozère, Vaï Ka'i incarne la sagesse du serpent double, symbole chamanique de l'ADN. Il prône l'abandon des possessions, le respect de la Terre et accomplit des miracles. Quatre évangélistes, Mathias, tueur à gages, Marc, journaliste désabusé, Lucie, strip-teaseuse sur le Net, et Yann, premier disciple, racontent celui que la presse surnomme bientôt le Christ de l'Aubrac...

     « Et vous, César, Napoléon, Adolphe, Joseph, Bill, vous les soldats, les conquérants de l'inutile, qu'avez-vous fait du jardin des hommes ? Des chemins de folie qui retournent à Rome, des arcs de triomphe, des monuments aux morts, des chaînes, des barbelés, des miradors, déluge, déluge, déluge... »

     Grand roman contemporain humaniste, aventure littéraire inoubliable, L'Evangile du serpent transpose le Nouveau Testament dans notre présent.

     Né en 1955 en Vendée, Pierre Bordage publie en 1993 Les Guerriers du silence, récompensé par le Grand Prix de l'Imaginaire. Il est lauréat du Prix Tour Eiffel 1997 pour Wang et du Prix Paul Féval de littérature populaire 1999 pour Les Fables de l'Humpur. Conteur hors pair, écrivain visionnaire formé par les mythologies, il est l'un des grands romanciers français d'aujourd'hui.
Critiques
     C'est pareil en pire, un peu, et ce « un peu » c'est pas rien. C'est demain (l'euro, la mondialisation encore plus mondiale, la loi du fric et compagnie, l'intégrisme, l'ultra-médiatisation), et c'est la merde. Mais voilà qu'un petit bout d'homme tout droit venu d'Amazonie va tout remettre en cause. Il est cool, écolo, prône le retour au nomadisme, l'abandon des possessions, et il soigne les gens à tout va. Il porte un nom bizarre, Vaï Ka'i, mais tout le monde l'appelle le Christ de l'Aubrac (ce qui est aussi assez bizarre, faut avouer).

     Eux, ils sont quatre. L'un est tueur à gages, elle se met à poil sur le net, lui est journaliste pour un canard merdique, celui là est le premier fidèle du Christ de l'Aubrac. Ils ne se connaissent pas mais on un point de convergence commun : le faiseur de miracles. Ils vont nous raconter leur histoire et, avec elle, l'effondrement de ce monde pourri qu'est le nôtre et l'avènement d'un nouveau mode de pensée. Alléluia !

     On se doutait bien que Bordage était assez porté sur la spiritualité (qui a dit New Age ?) : désormais, on ne doute plus. On sait aussi que Bordage maîtrise certains procédés narratifs à la perfection, que multiplier les lignes de récit ne lui fait pas peur. De ce point de vue, L'Évangile du serpent est un modèle du genre : quatre personnages, quatre vies, quatre histoires, et autant d'intrigues qui, bien sûr, se trouveront réunies en fin de volume. Voilà qui a l'avantage de multiplier les chances d'identification du lecteur. Ce perso vous emmerde ? Pas de problème, vous en avez encore trois susceptibles de vous convenir. Et côté personnages, Bordage sait plutôt y faire. Sauf que là, si le projet de départ est séduisant (décrire dans nos sociétés modernes l'avènement d'un personnage — dieu ? — qui, à lui seul, va tout remettre en cause), le résultat final est décevant. D'abord, surtout, parce que l'auteur enfile les clichés comme d'autres des perles. Trop tissés d'évidences, les personnages en deviennent transparents. Tout cela fonctionne bien, trop bien, à tel point qu'on y croit plus. On ressort de L'Évangile du serpent en se disant que c'est une belle mécanique sans âme, un comble pour un nouvel Évangile... Et puis le discours de Vaï Ka'i et tellement convenu...

     Si l'auteur n'a rien perdu de ses capacités narratives, de son empathie (il y a ça et là quelques vraies fulgurances de sensibilité), peut-être est-il devenu trop sûr de son talent, trop facile dans son écriture. Reste un livre qui se lit, certes, mais qui ne se vit pas.

ORG
Première parution : 1/1/2002 dans Bifrost 25
Mise en ligne le : 8/9/2003


     L'Évangile du Serpent n'est pas à proprement parler un roman de science-fiction, si ce n'est par la capacité à faire des miracles de Vaï Ka'i, son héros, le Christ de l'Aubrac, envoyé en France par les chamans d'Amazonie pour le protéger des tueurs lancés à ses trousses par l'Eglise. Le roman est construit autour des récits des quatre évangélistes qui rejoindront peu à peu Vaï Ka'i, quatre tranches de vie et de détresse, l'histoire de représentants de notre société broyés par le système, dépouillés de leur personnalité pour ne plus être que des instruments, et qui partiront à la reconquête d'eux-mêmes.

     Mathias, le tueur récupéré par la police pour effectuer ses basses besognes et qui devra infiltrer les groupes terroristes islamistes en se niant lui-même et en étouffant ses propres sentiments. Marc, journaliste en rupture parce que doté d'une conscience, étouffé par sa jeune maîtresse carriériste, par son ex, par ses filles qu'il ne connaît pas ainsi que par son journal cynique et opportuniste. Lucie, une cyber-pute violée et battue qui rejoint Barthélémy, un adolescent qui se dit miraculé et vit dans une famille sordide, qu'elle a rencontré sur le net. Et enfin Yann, l'organisateur manipulateur tenté par la politique, ombre de l'ombre de Vaï Ka'i, et qui tente d'en gérer l'image.

     Fin d'immonde, la chanson à la mode du groupe Taj Ma Rage qui scande obsessionnellement le roman, intervient en contrepoint, une sorte de cinquième évangile négatif, le chant du cygne de notre société qui reçoit de plein fouet la nouvelle morale de Vaï Ka'i qui se répand comme une traînée de poudre. L'auteur met en avant les tendances nouvelles de la religion, de la philosophie, de la morale et de la mystique autour de la notion de néo-nomadisme. D'emblée, la nouvelle morale de Vaï Ka'i se retrouve confrontée au pouvoir des médias, représenté par le très cynique talk-show vedette, Orner M'a Tuer, un Nulle Part Ailleurs animé par un nouveau Jack Barron. Quant à ses disciples, ils subissent de plein fouet l'incompréhension et la médiocrité de ceux qui ne croient pas.

     Dans ce nouveau roman, Pierre Bordage décline tous ses thèmes habituels, la réification de l'individu, la corruption et l'opportunisme, la mystique, etc. D'une lecture agréable, ces destins croisés ne m'ont pourtant pas passionné, non que j'aie été tenté de poser un livre aussi bien écrit, mais cette histoire n'a pour moi ni la force ni l'ambition des précédentes. Dommage...

Stéphane MANFREDO
Première parution : 1/12/2001 dans Galaxies 23
Mise en ligne le : 2/12/2008


     «  Les temps étaient venus de réconcilier l'humanité avec l'espace et le temps, de la réinsérer dans la trame, de sceller le pacte avec l'ensemble des espèces issus du serpent double, de reconquérir la totalité du monde, d'entrer dans la maison de toutes les lois, de tous les esprits, de tous les possibles.  » (P.98)

     Avec ce roman « contemporain  », Pierre Bordage délaisse pour la première fois la science-fiction et part à la conquête des lecteurs de littérature dite générale. L'amateur d'Imaginaire ne sera pourtant pas dupe  : L'Evangile du serpent se situe dans une continuité et représente une nouvelle variation sur la thématique de base de ses œuvres précédentes. 1

     Bordage poursuit en effet la réécriture des anciens mythes, revisités à la lueur de la science et des connaissances modernes. Après avoir mené à bien la recréation d'une monumentale bible à l'échelle d'une planète entière, avec Abzalon (qui équivaut à la Genèse) et ses suites, Bordage tente avec L'Evangile du serpent une transposition du nouveau testament à notre époque, période de crise soumise aux dérèglements climatiques et à la confusion des valeurs. Le serpent double dont il est question est à la fois un symbole chamanique et une représentation de la double hélice d'ADN  : la tradition rejoint la science dans cette évocation de la vie terrestre.

     Vaï-Ka'i, le Christ de l'Aubrac, n'est ni un illuminé, ni un charlatan ni un escroc. Le lecteur sait sans ambiguïté que l'homme est un véritable messie, investi d'une mission, venu d'Amazonie pour porter la bonne parole. C'est d'ailleurs cette certitude qui fait tout l'intérêt du roman, car il serait trop facile de considérer le personnage comme un vulgaire gourou.
     Les quatre évangélistes sont des personnages marginaux, qui illustrent le principe que les derniers pourront être les premiers. Matthieu, un redoutable tueur, se voit contraint de travailler pour la police et d'infiltrer un groupe islamiste. Marc, journaliste sans illusions, a pour mission d'enquêter sur le nouveau messie afin de ruiner sa réputation. Lucie, strip-teaseuse sur Internet, est une femme ravalée au rang d'objet. Quant à Yann, le premier apôtre, c'est juste un homme « disponible  » à ce moment de sa vie  ; il est l'élément raisonnable qui va pouvoir « gérer  » et « planifier  » la carrière du maître-esprit.
     Les témoignages de ces quatre évangélistes ne sont pas présentés successivement et de manière statique. Fidèle à son habitude, Bordage nous plonge dans un tourbillon d'aventures où l'action est soutenue et la violence sans fard. Les récits s'enchevêtrent, formant un véritable thriller qui se dévore d'une traite.

     Mais quelle morale en tirer  ? Le Christ de l'Aubrac prône le dépouillement, l'abandon des biens matériels et lance un mouvement de néo-nomadisme. Il condamne les égarements de la société de consommation mais également ceux des religions et des enseignements dogmatiques.
     Curieusement, l'histoire fascine et irrite à la fois. En effet, comment ne pas se passionner pour le postulat du roman  : « et si un véritable messie venait à nous, comment le recevrions-nous  ?  » Mais dans le même temps, le parcours de ce prophète ressemble furieusement à la fondation d'une secte qui aliène les consciences sous couvert d'un idéal mystique. Le lecteur se retrouve dans une position inconfortable, car plus souvent en accord avec les détracteurs de Vaï-Ka'i, pourtant présentés négativement qu'avec la philosophie sincère et généreuse qu'il dispense. De plus, la façon dont Bordage stigmatise les médecins, les architectes, les détenteurs du savoir ou les puissants, semble parfois relever de la pure misanthropie  : ce sont tous des êtres méprisables et avides de pouvoir, confinés dans leurs certitudes et incapables de s'ouvrir aux autres.
     Sans cesse, on se demande si Bordage n'a pas sombré dans un délire new age ou si son attrait pour les nomades et le chamanisme ne l'a pas conduit au mirage du « bon sauvage  ». Est-il possible qu'il puisse défendre ce qui a tout l'air d'une secte en ignorant le mal qui peut en résulter  ? Non. L'auteur est malin. Il n'élude aucune des ambiguïtés  : pour chacune des objections possibles, il met une réponse dans la bouche de Vaï-Ka'i lui-même, empêchant le lecteur de rejeter en bloc le personnage.

     L'amateur de SF qui a lu les précédents romans de Bordage n'aura pas de mal à comprendre ce que l'auteur cherche à communiquer. Refusant les dogmes et les certitudes, il souhaite s'ouvrir à l'Autre, au présent, et être capable, comme l'est Pierrette, la « sœur  » de Vaï K'ai, de « jeter un regard perpétuellement neuf sur les êtres et les événements, un regard qui n'était pollué par aucune intention, aucun jugement.  » (P.26)
     Reste à savoir comment le roman sera accueilli par le lectorat de littérature générale, celui qui découvre les univers bordagiens par ce livre. Et aussi comment réagira le lecteur chrétien. Car si la parole de Vaï-Ka'i est celle de Jésus, le Christ de l'Aubrac affirme ne pas être envoyer par un quelconque dieu. Il a accès à une connaissance supérieure, à la maison de toutes les lois, à un lieu où l'homme ne fait plus qu'un avec l'univers et où tout prend un sens.
     Malheureusement, la grande question demeure finalement posée : si Vaï-Ka'i propose à chaque homme de trouver sa propre voie, s'il apporte la vision d'une humanité réconciliée avec le cosmos, il ne donne aucun indice sur le pourquoi. Dans ces conditions, comment juger que le modèle de vie proposé par le messie est meilleur qu'un autre  ?

     En somme, L'Evangile du serpent a de quoi agacer et déranger aussi bien l'athée que le croyant. Mais le discours, par son ambiguïté même, devient aussi passionnant que l'intrigue est palpitante par son rythme.

Notes :

1. Si la modestie ne me l'interdisait pas, je conseillerais pour s'en convaincre la lecture du dossier consacré à Pierre Bordage dans le n°21 de la revue Galaxies, dossier réalisé par votre serviteur.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/11/2001 nooSFere

Prix obtenus
Bob Morane, Roman français, 2002


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