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La Mère des tempêtes

John BARNES

Titre original : Mother of Storms, 1994
Première parution : États-Unis, New York : Tor, juillet 1994
Traduction de Jean-Daniel BRÈQUE
Illustration de MANCHU

LIVRE DE POCHE (Paris, France), coll. SF (2ème série, 1987-) n° 7235
Dépôt légal : octobre 2001
Roman, 704 pages, catégorie / prix : 8,40 €
ISBN : 2-253-07235-4
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Un début de guerre nucléaire libère dans l'atmosphère d'immenses volumes de méthane enfoui sous les fonds marins polaires. Or le méthane est un gaz à effet de serre.
     Il va faire chaud, partout sur la planète déjà torride, l'été prochain, en 2028.
     Des ouragans gigantesques vont parcourir les océans, se transformer en tornades au-dessus des continents, faire naître des vents supersoniques et soulever des marées de tempête de cent mètres de haut.
     Et autant de passions humaines, de l'amour à la panique.
 
     John Barnes réunit, dans ce somptueux roman-catastrophe, une science approfondie de la météorologie et de l'écologie, un sens aigu du suspense et un talent impressionnant qui lui permet de dresser le tableau d'une planète entière balayée par la mère des tempêtes.
     Au-delà d'une fiction, Barnes nous prévient de ce qui nous attend, sur une Terre déjà menacée par le réchauffement planétaire.
Critiques
     La Mère des tempêtes est un roman de hard science-fiction axé sur la météorologie. Un bombardement nucléaire préventif de l'ONU en Alaska libère dans l'atmosphère d'énormes quantités de méthane qui bouleversent la température des océans. Aussitôt, de gigantesques cyclones se déchaînent, balayent les îles et les zones côtières, causant des ravages considérables. Les morts et les sans-abris se multiplient alors que les politiciens, dépassés, tentent de sauver les meubles. Heureusement, Brittany Lynn Hardshaw, le président des Etats-Unis, regroupe une équipe de spécialistes qui permettront d'éviter le pire.
     John Barnes met l'accent sur la fragilité des équilibres de la nature rapportée aux capacités techniques toujours plus énormes dont se dote l'humanité. Il décline le thème avec une impassibilité — pour ne pas dire une froideur — toute scientifique, en l'articulant sur les données scientifiques brutes et le décompte des dégâts. L'ampleur de la catastrophe est glaçante, un véritable électrochoc qui ne nous épargne rien sur un danger bien réel aujourd'hui.
     Au-delà de cette préoccupation écologique, le roman met également en question la société du tout image et du prêt à penser. Dans cet avenir proche, la télévision a encore évolué, tant en raffinement technique qu'en pouvoir d'influence. On vit désormais à l'heure de la XV, une télévision sur laquelle on ressent la moindre émotion de l'acteur. Le meilleur y côtoie le pire, comme ces shows dans lesquels les acteurs parcourent la planète pour formuler des messages moraux sur les grands thèmes politiques et sociaux, mais où prédomine le sexe. Et quelques bandes clandestines consacrées à des scènes de viols suivis de meurtres d'adolescents circulent.
     On l'aura compris, ce livre est plus qu'un simple roman catastrophe. L'auteur y dresse un bilan de l'évolution des mentalités qui mène peut-être déjà l'Occident à la tombe. Non dénué d'humour, La Mère des tempêtes n'est pourtant pas non plus dénué d'espoir en des jours meilleurs, contrepoids à cette autopsie du monde.

Stéphane MANFREDO
Première parution : 1/3/2002 dans Galaxies 24
Mise en ligne le : 11/9/2003


     Si La Mère des tempêtes était un film, ce serait un de ces bons gros blockbusters américains à grand spectacle qu'on va voir le samedi soir avec des copains, quand on n'a rien de mieux à faire. On ne se berce pas d'illusions  : ça ne volera pas haut, on le sait, mais on ne demande pas non plus à ce genre de divertissement de nous élever l'esprit. Tout ce qu'on peut légitimement espérer, ce sont quelques réactions glandulaires  : de l'action pour l'adrénaline, du sexe pour la libido, et un peu de sentiment par-dessus pour faire joli. Si on achète son billet dans cet état d'esprit, on est rarement déçu. Et quand on le serait, ça ne dure que deux heures, après tout.
     Mais quand une telle impression s'applique à un roman de 700 pages, le constat est un peu plus amer  : La Mère des tempêtes possède les défauts du film à grand spectacle sans en avoir les qualités. C'est dommage. John Barnes avait toutes les cartes en main pour écrire un excellent roman  : une base scientifique en béton armé et un scénario-catastrophe parfaitement plausible, bien fait pour donner des sueurs froides au moins écolo des lecteurs. Hélas, le résultat est très décevant  : la narration, morne, hésite souvent entre roman et digressions météorologiques à but vulgarisateur. Pire, comme s'il était conscient de ce manque de souffle, l'auteur vise sans subtilité les endroits susceptibles d'une violente réaction physique  : tantôt il soulève le cœur (massacres sanglants décrits avec force détails), tantôt il tape sous la ceinture (nombreuses scènes hard), et fait même parfois les deux en même temps (allez, avouez que vous mourez d'envie de savoir  : fist fucking, snuff movies, viol et meurtre d'enfants). Quel manque d'ambition que de ne compter pour rythmer son récit que sur les pics hormonaux supposés du lecteur ! On a rarement vu ficelles plus épaisses. Non, décidément, rien ne manque à La Mère des tempêtes sur ce plan, pas même la moralité bébête à la fin.
     Bref, on s'épargnera quelques désillusions en reposant le livre après la préface de Gérard Klein, qui résume et explicite parfaitement le contexte scientifique et écologique de l'ouvrage (sa seule qualité indéniable, à mon sens). Que ceux qui ne se sentent pas trahis lorsqu'un auteur flatte ouvertement leurs bas instincts n'hésitent pas à poursuivre leur lecture  : elle sera longue et moyennement captivante. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée que 700 pages, c'est vraiment très long pour en dire si peu  ; pour ma part, j'ai refermé ce volume avec un grand « bof  » de soulagement.

Julien RAYMOND (lui écrire)
Première parution : 18/11/2001 nooSFere

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1995)

     Voir La science diffuse : chaos technique, un article de...

Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/7/1995
dans Cyberdreams 3
Mise en ligne le : 13/9/2003


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1998)

     En représailles aux menaces de la Sibérie mafieuse, l'ONU envoie des missiles dont les explosions libèrent le méthane emprisonné dans les glaces du pôle, des millions de tonnes qui vont accélérer l'effet de serre et provoquer des tornades d'une ampleur inouïe. Roman catastrophe fort bien documenté, ce récit présente aussi avec réalisme le début du XXIe siècle, dans ses aspects techniques, géopolitiques et sociaux. Sa polyphonie permet de mettre en scène des personnages qui sont autant de clés pour comprendre cette époque : Jesse, jeune étudiant, dont le frère, Di Callare, est un météorologiste tentant de prévoir les cataclysmes à venir, est amoureux de Naomi, une unitariste préoccupée par la politique, dévouée à la cause de l'humanité, aussi altruiste que Jesse peut être égoïste ; Mary Ann Waterhouse, alias Synthi Venture, vedette porno du XV, ce média qui, par le biais d'un implant dans le crâne des acteurs, permet à ceux qui se branchent d'éprouver leurs émotions, participe à la transformation du journalisme en bouillie de fictions où l'actualité sert de trame narrative à des épisodes rehaussées de chaudes séquences ; Berlina Jameson, par ses investigations tenues pour obsolètes, tente de redonner au journalisme ses lettres de noblesse ; Caria Tynan, chercheuse émérite, aime la solitude et son indépendance autant que son mari Louis, astronaute en orbite autour de la Terre lequel, en tentant de réparer les programmes des robots lunaires, voit son cerveau infecté et amélioré par des logiciels d'optimisation qui rendent son esprit toujours plus performant, sa pensée augmentant à la cadence de onze cerveaux année par minute ; John Klieg, richissime homme d'affaires qui ne fabrique rien mais dépose des brevets obligeant les industriels à payer des droits de péage, caricature du patron de Microsoft (dont la société porte le nom transparent de GateTech), prévoyant la destruction des bases spatiales implantée près des côtes, profite de la catastrophe en proposant le lancement d'une voile géante dont l'ombre portée sur la terre refroidira suffisamment l'atmosphère pour dissiper les cyclones ; Britanny Hardshaw, présidente d'Etats-Unis bien affaiblis, conseillée par Harris Diem au jugement politique très sûr mais à la dépravation sexuelle exacerbée, essaye de sauver son pays particulièrement exposé...

     Métaphore du cyclone provoqué par la violence humaine, Randy Householder traque les commanditaires de la cassette dont sa fille fut l'involontaire héroïne violée et assassinée. II devient à lui seul une tornade meurtrière s'abattant sur tous les auteurs du trafic.

     Les ravages de l'ouragan bouleverseront pareillement les individus : alors que Jesse devient plus altruiste, Naomi apprend à penser et à exister aussi pour elle, Synthi Ventus retrouve son innocence et moralise le XV, Louis Tynan devient un pur esprit capable de contrer les visées hégémoniques de Klieg... Cette magnifique construction intellectuelle est malheureusement trop froide pour transmettre au lecteur les émotions de ses foisonnants personnages... à moins de se brancher sur le XV Mais on reste cependant impressionné par l'ampleur de ce livre, sa documentation précise : les émotions peuvent aussi être intellectuelles.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/4/1998
dans Bifrost 8
Mise en ligne le : 2/11/2003


Edition Robert LAFFONT, Ailleurs et demain (1998)

     Lorsqu'un romancier se permet de rayer de la carte la plupart des archipels du Pacifique nord, à commencer par celui de Hawaii, en donnant à voir des cyclones qui s'acharnent également sur la côte Ouest des États-Unis, sur le Mexique, la Floride, le Bangladesh, l'Irlande et jusqu'aux Pays-Bas, il est évident qu'il a écrit un roman catastrophe — et mieux : LE roman catastrophe.

     Lorsque, par ailleurs, il n'est jamais aussi à l'aise que dans l'évocation de phénomènes où la science prend une part prépondérante, de la naissance d'un cyclone à la description lyrique d'un voyage aux confins de notre système solaire, on peut avancer que ce romancier trace sa voie dans le style « hard science », avec de très évidentes traces heinleiniennes — même si le recours final à une forme de « surhumanité » enfantée par l'homme fera songer davantage à Arthur Clarke.

     La Mère des tempêtes est effectivement un roman catastrophe de hard science, comme il est concurremment un roman noir violent, un roman rose parfois sirupeux, un roman cyberpunk, un thriller politique et une fable sur les impasses du capitalisme. John Barnes n'est pas économe de moyens, la taille de son récit le montre amplement. (Il est par ailleurs complexe et paradoxal : si selon la présentation de sa nouvelle dans Galaxies n°7 il s'affirme marxiste et athée, l'un des personnages principaux du roman est pourtant un parasite capitaliste pur dur, et la vision géopolitique du monde décrit n'est à tout le moins pas claire. Mais la complexité, voire le paradoxe, ne sont-ils pas garants d'une œuvre pénétrante ?

     Il semble que la météorologie et le chaos, souvent liés, soient en passe de remplacer l'informatique dans l'inspiration des romanciers américains du moment. Rayon chaos (au sens de la théorie mathématique), Kamikaze l'amour de Richard Kadrey est un bon exemple, et rayon météo, les tornades de Bruce Sterling dans Gros temps ne rendent rien à Clem, le papa de tous les cyclones chez Barnes. Les Américains ne se sentent eux-mêmes que face à un adversaire : dès lors pourquoi pas les phénomènes météorologiques, cela laisse vivre les extraterrestres et les bébés irakiens...

     Comme chez Kadrey, le vocabulaire de Barnes est amplement contaminé par le lexique et les images mathématiques. Non seulement il nous offre (p. 429) une énumération surréaliste de figures allant des fractales aux attracteurs étranges en passant par les séries de Fibonacci, mais les trois parties du roman sont titrées « Attracteur », « Vortex » et « Singularité ».

     Une fois de plus, l'humanité a joué à l'apprenti-sorcier. En frappant l'arsenal caché sous les glaces du pôle de l'État de Sibérie, les Forces de paix de l'ONU ont libéré dans l'atmosphère d'immenses quantités de méthane, gaz à effet de serre. La conséquence immédiate pour le globe terrestre n'est pas une rapide montée des eaux, mais la naissance de tempêtes apocalyptiques : l'élévation de la température de surface des eaux du Pacifique produit un cyclone géant, Clem, qui va de surcroît semer des petits un peu partout. Des vents effrayants (qui franchissent le mur du son à la fin du livre), des trombes d'eau et des raz de marée passent une bonne part de la surface terrestre à la moulinette, jusqu'à ce que le salut vienne de l'espace, pourtant auparavant délaissé.

     Voilà pour le noyau de l'intrigue. Mais s'il use du genre catastrophiste, Barnes n'imite pas Ballard : son modèle serait plutôt John Brunner (et Dos Passos !), sa Mère des tempêtes alignant un éclatement des points de vue multiples tantôt avec bonheur (la méthode est imparable pour faire vivre une intrigue au niveau global) et tantôt de manière un peu vaine. On passe de la Présidente des États-Unis à Synthi Venture, star de la porno virtuelle, mais aussi à son jeune compagnon Jesse, yankee joyeusement anti-rectopolitique, à un chevalier d'industrie cynique, John Klieg, à un père obsédé par la vengeance (sa fille a été assassinée dans le cadre d'une version câblée d'un snuff movie), à un cadre du service météo US, Diogenes Callare (frère de Jesse, seule coïncidence réellement superflue), à une journaliste à l'ancienne (entendez qu'au réseau virtuel de la « XV » elle préfère le Web !), Berlina Jameson, au dernier astronaute enfin, Louie Tynan, duquel viendra la rédemption.

     Tous ont leur histoire personnelle, leur réseau de proches, leurs motivations. Barnes dépeint souvent l'alternance entre deux composants d'une sorte de « couple » : Synthi et Jesse, Louie et Caria (son ex-femme, météorologue également), la Présidente Hardshaw et son conseiller Diem, personnage sulfureux, comme si de leurs frottements (au propre pour Synthi et Jesse...) naissaient les réactions propulsant l'action un peu plus en avant. Les métaphores abondent, jusqu'à la transformation de Louie l'oublié en une entité logicielle, qui revient sous la forme d'une divinité salvatrice bombardant la Terre de frisbees de glace arrachés à une comète, pour faire baisser la température des océans. Cette conclusion quelque peu mystique (avec apparitions, prophéties et processions sur le site symbolique de Monte Albán) est hélas l'un des points faibles du livre.

     Par ailleurs, celui-ci n'est pas exempt de critiques : la multiplication de personnages accessoires n'est pas toujours justifiée, le style roman rose/porno autour de Synthi Venture aurait gagné à se voir décanté, le personnage le plus amoral est également le plus sympathique (Klieg), alors que le conseiller de la Présidente est impliqué jusqu'aux yeux dans l'intrigue parallèle à relents pédophiliques (poncif — heureusement que Barnes n'a pas situé tout cela en Belgique !), la politique américaine est floue au mieux, reaganienne au pire, bref si c'est marxiste, c'est à la sauce CNN...

     Et pourtant... Pourtant tout ceci fonctionne à merveille, au point que même les lenteurs et les détours inutiles sont noyés dans le torrent qui emporte le lecteur, le verbe de Barnes (autre auto-métaphore ?) se comportant à l'identique par rapport à son sujet central, le cyclone. Tout s'emboîte à merveille, les effets de merveilleux scientifique sont remarquablement amenés par un auteur qui connaît son sujet et chez qui on sent en permanence l'enthousiasme spéculatif. Ses descriptions des forces naturelles sont nourries d'un entrain que l'on ne peut que partager, ses prévisions techniques deviennent autant d'avancées lyriques, sa vision sociologique (un monde scotché à son média préféré au point de faire naître des émeutes mondiales) est une prospective réaliste. Barnes propose également la part d'ambiguïté qui nourrit les œuvres fortes : la violence la plus barbare est ici quasiment omniprésente (de l'exploitation que subit Synthi Venture alias Mary Ann Waterhouse aux enregistrements clandestins de tortures et de meurtres), mais si John Barnes en est terrifié, il s'en montre tout autant fasciné.

     Il reste que tel son sujet, système mouvant écartelé par des forces effroyables et une dynamique imprévisible, le roman n'atteint jamais un réel point d'équilibre. On peut à ce titre considérer que sa conclusion manque du souffle qui animait l'ensemble, sans compter son aspect assez naïvement new age. La Mère des tempêtes est une remarquable fresque des débuts du troisième millénaire, mais le peintre y a abandonné trop de réserves et de trop gros coups de pinceaux.

Dominique WARFA (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/9/1998
dans Galaxies 10
Mise en ligne le : 22/11/2008

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