Aventures et fantastique, et vice versa.
On sait de quel camp aurait été Nostradamus s'il avait vécu de notre temps. Il ne fait que traduire les obsessions réelles d'Evangelisti, son angoisse très réelle devant les progrès incontrôlés — et bientôt incontrôlables — des recherches scientifiques, que dans le langage de l'époque Ulrich traduit par le seul terme de « numérique ». Les expériences échappant à ceux qui les mènent provoquent une angoisse que nos contemporains esquivent le plus possible, pour ne pas avoir dans leur sommeil les rêves de désolation et de terreur de Nostradamus.
Roman d'aventures fantastiques ou roman fantastique d'aventures ? Evangelisti a su adopter, plus encore que dans la série des Eymerich, les caractéristiques du roman populaire. Il rend d'ailleurs hommage à Michel Zévaco. Il sait tenir son lecteur en haleine, interrompre la narration à un moment crucial pour passer à autre chose au chapitre suivant. Plusieurs aventures se situent en parallèle, aux imbrications multiples, qui se nouent de manière inattendue au terme d'un récit rondement mené.
Cette magistrale parabole de la violence, de la mort et de l'amour, qui l'emporte ne serait-ce que provisoirement, comporte d'excellentes pages. Les meilleures sont celle où Nostradamus se trouve dans d'autres mondes, dans un singulier univers de démons, d'esprits planétaires et d'archontes des trois cent soixante-cinq sphères. Et l'image du quatrième cavalier de l'Apocalypse, monté sur son cheval aubère, errant parmi les ruines, « heureux que l'obscurité ait écrasé la pénombre féminine et que la force soit devenue la seule loi », restera longtemps dans nos esprits.
Roland ERNOULD
Première parution : 1/2/2001 dans Phenix 56
Mise en ligne le : 5/4/2004