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Le Jongleur interrompu

Francis BERTHELOT

Cycle : Le Rêve du démiurge  vol. 2 



DENOËL (Paris, France)
Dépôt légal : février 1996
Première édition
Roman, 224 pages, catégorie / prix : 98 FF
ISBN : 2-207-24372-9
Genre : Fantastique

Autres éditions
   in Le Rêve du Démiurge, l'intégrale - 1/3, DYSTOPIA (association), 2015

Quatrième de couverture
     Soutenu par l'accordéon, le saxo et un ostinato des timbales, il s'avance sur un fil tendu à deux mètres du sol avec, en guise de balancier, trois flambeaux dans la main droite, et trois dans la gauche. Les équilibres, les figures, les sauts qu'il exécute ont de quoi ébahir. Mais lorsque, dressé entre ciel et terre, il commence à jongler avec les torches, les marins les plus aguerris ont le frisson. C'est la mort qui flamboie au-dessus du gouffre, en rondes, en huit, en arabesques de feu, constamment vaincue, toujours prête à renaître, puis à s'abattre — foudroyante de beauté — sur celui qui l'appelle.

     Constantin, porté par l'enthousiasme du public, vit dans la lumière mais il sait que la mort le guette.
     Sous le regard chaleureux de Lily-Rhum la petite voyante et d'Alan le gardien de phare, il va fasciner Pétrel l'adolescent épileptique.
     Du jongleur déclinant ou de l'adolescent rêveur, qui portera secours à l'autre ?

     Francis Berthelot est né à Paris en 1946. Essayiste et romancier, il est notamment l'auteur de La Métamorphose généralisée (Nathan 1993, Grand Prix de l'Imaginaire 1995) et de L'Ombre d'un soldat (Denoël 1994).
Critiques
     Le deuxième roman de littérature générale publié par Francis Berthelot, Le Jongleur interrompu, n'a en apparence aucun point commun avec le précédent : rien ne laisse encore présumer que ces deux tomes seront ultérieurement réunis au sein d'un même cycle intitulé Le Rêve du démiurge (voir critique de L'Ombre du soldat).

     L'action s'y déroule aussi en province, mais cette fois il s'agit d'un hameau breton situé au bord de l'océan. Pétrel, l'orphelin épileptique né de père inconnu et détesté par son grand-père maternel, vit en retrait du village dont il est en quelque sorte l'idiot en même temps que l'artiste. C'est un enfant en souffrance, meurtri par ses origines comme l'était Olivier dans L'Ombre du soldat.
     C'est alors qu'arrive un cirque, qui fascine, émerveille et effraye tout à la fois : « Le cirque, avec ses athlètes sublimes et déchus, ses femmes aux négligés baroques, ses caravanes où les dieux du rêve se cachent derrière des rideaux troués, le cirque attire les badauds. Mais à la manière d'un monstre dont on n'ose pas trop s'approcher. » (p.65) Avec cet univers de faux-semblants arrive aussi Constantin, le jongleur atteint d'une maladie que l'on devine cancéreuse mais qu'il s'applique à nier. Constantin, pressent toutefois sa fin prochaine et l'interruption de son formidable numéro, se raccroche à un ancien rêve, celui de l'île d'Anaon

     En effet, si le contexte de cette tragédie est encore une fois tout à fait réaliste, Berthelot amorce déjà un virage plus franc vers l'Imaginaire avec cette quête d'Anaon, une île existante mais dotée d'une aura mythique : les hommes qui y meurent pourraient dit-on renaître sous la forme d'oiseaux. Obsédé par ce lieu magique depuis son enfance en raison du terrible accident qui l'a privé de sa famille, Constantin espère atteindre cette île fabuleuse qui toujours se dérobe et lui demeure inaccessible.
     En plus de cette légende, l'univers du cirque se prête bien à une atmosphère fantastique où de vrais masques cachent de faux monstres, où la réalité se pare de rêve et où une tache lie-de-vin peut dissimuler la générosité d'une petite voyante, même si « dans un pays où le diable ricane derrière chaque croix, une fille avec une tache sur la figure demeure suspecte. » (p.65)

     Tragédie au sens premier du terme, Le Jongleur interrompu est une pièce jouée dans l'immense théâtre de la vie et qui met en scène des personnages à la fois puissants et pathétiques, passionnés et soumis aux caprices d'un incompréhensible destin. Dans L'Ombre du soldat, la guerre était décrite comme une « horreur abstraite » ; ici, c'est la mort dont il est difficile d'admettre la réalité, et c'est justement pour lui donner un sens que le réel est obligé de basculer vers le rêve et l'Imaginaire, sous peine de demeurer platement absurde.
     Le drame est également sous-tendu par la difficultés des relations familiales. Comme Olivier dans l'ombre de son père allemand, Pétrel s'effraie du mystère paternel et ressent le même trouble face à la virilité que Constantin lui-même. L'homosexualité n'est encore qu'un thème latent, qui sera développé plus avant dans le futur Mélusath.

     Les qualités de justesse et de sensibilité qui caractérisaient l'œuvre science-fictive de Berthelot se retrouvent au premier plan dans ce récit touchant. Dans un style lumineux et dépourvu de pathos, il nous entraîne décidément au cœur des tourments humains avec une grâce peu commune.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 3/2/2003 nooSFere

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