Un nouvel éditeur vient de naître. Il s'agit d'Onyx, héritier des éditions du Khom-Heïdon qui avaient publié il y a deux ou trois ans des romans de Philippe Tessier, Benoît Attinost, G.E. Ranne ou Bernard Rastoin. Les deux premiers figurent du reste dans la première livraison d'Onyx. Le concept de la collection est assez original : proposer des romans à suivre d'écrivains français, au maximum en quatre épisodes. Chaque volume se présente donc sous la forme d'un petit livre de 90 pages environ, ce qui au final donne un roman de longueur « normale ». Le principe rappelle celui employé par Stephen King pour la première parution de La ligne verte, mais ici les romans sont entièrement écrits avant publication. Les trois auteurs à ouvrir le bal sont donc Tessier (pour la suite d'un roman paru en son temps au Khom-Heïdon), Attinost (avec un polar fantastique) et Roland C. Wagner avec les deux premières livraisons de L.G. M.
Dès la couverture, qui nous montre entre autres un petit martien vert à la Kelly Freas, et l'exergue, un passage de Martiens, go home ! de Fredric Brown, le ton est donné. Il s'agira d'un roman humoristique, où l'on retrouvera également les hippies chers à l'auteur – il suffit de penser aux sectes millénaristes des Futurs Mystères de Paris. Le monde de L.G.M. (acronyme signifiant Little Green Men) est une uchronie rehaussée d'un thème emblématique de la science-fiction : par suite de la conquête de Mars, la Terre a appris l'existence d'habitants sur la planète rouge. Un ambassadeur a donc été envoyé sur notre planète pour on ne sait vraiment quelle raison. Sur cette Terre uchronique, les forces en présence ne sont pas les mêmes que dans notre univers : l'U.R.S.S. n'a pas été démantelée, Gorbatchev est toujours à sa tête. Le roman commence alors que le Martien a disparu. Le narrateur est un policier chargé d'aller vérifier la rumeur selon laquelle il a été kidnappé et emmené dans une communauté hippie. Le bruit était bien fondé, mais le flic découvre que l'ambassadeur est là de son plein gré. Toutefois, au moment où il le retrouve, les deux hommes sont confrontés à une tentative d'enlèvement. Ceci n'est que le point de départ d'une intrigue d'espionnage qui réunit les services spéciaux américains, soviétiques et français. Le policier ira d'ailleurs faire un tour en U.R.S.S. dans le deuxième volume.
Si l'on peut reconnaître de l'intérêt à l'initiative de romans à suivre, il faut bien avouer que le procédé peut s'avérer bancal. Tels ces deux premiers tomes de Wagner. Le premier nous présente la situation, et nous introduit dans ce monde loufoque où le Martien a acquis le statut de Dieu dans la communauté hippie, notamment grâce à ses prouesses sexuelles. Volume d'exposition bien maîtrisé, aux personnages truculents dignes de la référence de Brown, il se termine avec un cliffhanger comme on aime dans les séries. Les choses se gâtent avec le deuxième tome. Sans doute conscient du potentiel comique de son héros martien, l'auteur l'exploite à fond, en particulier lors d'interrogatoires sous drogue effectués par le KGB, moments hallucinants et drolatiques qui rendent agréable la lecture de ce tome, mais qui ne font pas du tout progresser l'intrigue. Et comme l'enquête du policier, de son côté, n'avance pas véritablement non plus, on se prend à regretter que l'auteur n'ait su canaliser davantage son récit, et le resserrer autour de l'action. Sans doute cela serait-il passé dans le cadre d'un roman autonome, mais il me semble qu'ici se pose le problème de la compatibilité du choix d'un tel développement de l'histoire avec la méthode de publication choisie. Attendons donc la livraison des prochains épisodes pour savoir si Wagner a repris les rennes d'une intrigue qui dans le premier volume s'annonçait sous les meilleurs auspices, ou si au contraire il s'enferre dans le n'importe quoi qui caractérise le second.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/7/2001 nooSFere