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Le Jeu du cormoran

Francis BERTHELOT

Cycle : Le Rêve du démiurge  vol. 4 



FAYARD (Paris, France)
Dépôt légal : mars 2001
Première édition
Roman, 324 pages, catégorie / prix : 120 FF
ISBN : 2-213-60738-9
Format : 13,5 x 21,5 cm
Genre : Fantastique

Autres éditions
   in Le Rêve du Démiurge, l'intégrale - 2/3, DYSTOPIA (association), 2017

Quatrième de couverture
     Ivan Algeiba, un acrobate de dix-neuf ans, est chassé du cirque paternel pour avoir brutalisé son frère. Subjugué par la beauté d'un cormoran, il entreprend un long périple vers le nord. En chemin, il rencontre Moa-Tao, jeune asiatique au sexe indéterminé, à qui il enseigne les règles de son art ; puis Tom-Boulon, un régisseur de théâtre déchu, qui convertit en alcool tout ce qu'il touche.
     Sur ces compagnons d'infortune veillent deux génies opposés : d'un côté, le cormoran qui guide leurs pas, et pourrait être la réincarnation du jongleur dont la mort a bouleversé Ivan dans son enfance ; de l'autre, un inconnu aux yeux d'un bleu de métal, dont les visages successifs semblent ceux d'un démon résolu à pousser le jeune homme vers le crime.
     De la côte landaise à Paris, puis aux neiges de Finlande, le voyage se déroule entre réel et surnaturel : quête de la paix intérieure pour Ivan, écartelé entre le tueur qui sommeille en lui et sa tendresse pour Moa-Tao ; quête de la féminité pour l'androgyne, déchiré par la haine qui domine le monde ; quête d'amour pour Tom-Boulon, qui espère, contre toute raison, retrouver la femme dont le départ a provoqué sa déchéance.
 
     Francis Berthelot a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire dans les quatre catégories « nouvelle », « roman », « essai », « jeunesse ». Il nous entraîne ici dans un univers relevant de ce merveilleux noir déjà présent dans ses ouvrages précédents, notamment Le jongleur interrompu (Denoël, 1996), Mélusath (Fayard, 1999) et La Boîte à chimères (Fayard, 2000).
Critiques
     Ivan est un jeune acrobate tourmenté, que l'on peut voir comme le type même du héros romantique occidental, entre le Jean Valjean des Misérables et le Raskolnikov de Crime et châtiment. De son inconscient surgit parfois une bête difficilement contrôlable, un Tartare qui le pousse à blesser son frère, à rompre avec son père, à prendre la fuite et à s'avilir, comme si seule la voie du crime pouvait lui permettre de trouver un jour le chemin de la rédemption.
     Il rencontre Moa-Tao (« moi Tao  »  ?), son contraire  : une figure typiquement orientale, fluide et ambivalente, un tel équilibre de Yin et de Yang qu'il est un androgyne, ni « il  », ni « elle  », mais « île  ». Incapable de se choisir un sexe car profondément meurtri par l'opposition entre père et mère, île noue avec Ivan une relation ambiguë, mêlant amitié et amour et « île s'abandonne à ce titan décidé à le changer en oiseau.  »
     Il croise aussi Tom-Boulon, un personnage plus universel, un artiste alcoolique entré en déchéance pour un amour perdu, ou plutôt un faux amour jamais avoué ni partagé, mais idéalisé jusqu'à vouloir en mourir.
     Commencée par une matinée landaise, leur balade s'achèvera avec la longue nuit finlandaise (une « fin landaise  »  ?). Lancés à la poursuite d'un cormoran qui semble vouloir tirer les fils de leurs destinées, survivront-ils à cette errance incertaine ?

     Même s'il est désormais publié sous la couverture blanche de la littérature générale, Francis Berthelot n'a manifestement pas renié ses premières amours  : la SF et la fantasy. Le jeu du cormoran a la structure d'un voyage initiatique, d'une quête guidée par un oiseau au comportement étrange, inexplicable autrement que par le surnaturel. Face à ce (bon  ?) génie, un mystérieux personnage aux yeux d'un bleu métallique, prenant différents visages et différents noms – Hugues Valmeur, Ugo Veltori, Ukko Värkinen – semble influencer les crises de violence que connaît Ivan  : s'agit-il des multiples visages d'un démon ou de projections d'un inconscient désespéré  ?
     Là où l'écrivain de fantasy apporterait sans doute des réponses sur la nature de ces génies aux motivations troubles, Berthelot laisse le champ libre à des interprétations multiples. Il ne franchit jamais totalement la subtile frontière qui sépare le réalisme de l'imaginaire, dans un parcours qui est intérieur et symbolique autant que vécu.
     Son récit baigne ainsi constamment dans une atmosphère onirique, qu'accentue la narration au présent : il ne s'agit pas d'un témoignage, comme le soulignerait l'emploi de l'imparfait, mais d'un conte intemporel et irréel.

     Evidemment, ce doux parfum d'imaginaire ne suffira pas à satisfaire le lecteur de fantasy qui réclame des créatures fantastiques toujours plus extraordinaires. Mais celui qui s'intéresse avant tout au parcours individuel, à l'émotion humaine et aux sombres secrets du cœur humain ne pourra être que séduit par ce récit tout en nuances. Loin d'employer un vocabulaire rare et précieux, le style de Berthelot est fait de phrases en apparence toute simples, souvent très courtes, dont se dégagent pourtant rapidement une grâce indéfinissable, une musicalité aérienne, bref une véritable poésie.
     Un pur bonheur.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 2/4/2001 nooSFere

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