Après Les chroniques de Krondor de Raymond Feist, les éditions de la Reine Noire et Mister Fantasy abordent avec Prince Dragon un nouveau cycle de fantasy d'une femme auteur, Melanie Rawn, qui n'avait pas encore été traduite en français.
Ce premier roman, paru à l'origine en 1988, se déroule sur une lointaine planète, dans un monde moyenâgeux peuplé d'humains, de sorciers et de dragons.
Les simples humains sont des princes. Les sorciers, des farad'him, ont la capacité de « tisser » la lumière pour communiquer entre eux, et de maîtriser le feu, avec la stricte règle de ne jamais utiliser ce pouvoir pour tuer.
Quant aux dragons, eh bien, vous savez, ce sont ces animaux volants qui, eux aussi, connaissent un peu le feu. Et, même s'ils déciment le bétail, c'est toujours glorifiant pour un seigneur d'en tuer un à la chasse, sans compter l'avantage financier qu'ils peuvent vous procurer ...
L'histoire de Prince Dragon est l'histoire intemporelle d'une lutte de pouvoirs.
Il y a d'une part Roelstra, Haut-Prince des marches, seigneur pervers et plein d'expérience qui ne connaît pour régner que la force brutale ; et d'autre part prince Rohan, devenu le jeune seigneur du Désert après la mort de son père dans un combat contre un dragon, qui veut exercer le pouvoir différemment, en instaurant des lois, et mettre un terme à la destruction des dragons ...Tout les oppose donc.
Cette opposition se retrouve dans les deux principaux personnages féminins : Sioned, la sorcière faradhi, destinée à Rohan, et Ianthe, l'une des innombrables filles nées des innombrables maîtresses de Roelstra. Les voilà en concurrence féroce pour épouser Rohan. L'enjeu est d'importance : soit Roelstra devient le maître du monde à travers l'une de ses filles, soit Rohan chasse le tyran et impose sa politique.
L'intrigue ainsi résumée, évidemment, n'est peut-être pas très originale, car le lecteur devine très rapidement quelle peut être la conclusion du roman ! Toutefois, on ne pourrait reprocher à un roman policier de nous livrer l'assassin dès la première page que si la suite du roman ne dévoilait pas les rouages de la mécanique meurtrière.
Or, dans ce roman de fantasy, Melanie Rawn décortique finement les intrigues et les bassesses, aussi bien que les pensées et les actions pleines de noblesse.
Il est vrai que l'action est relativement limitée pour une œuvre qui comporte 700 pages, mais le terrain de prédilection de l'auteur, ce sont bien les rapports entre les personnes : relations homme/femme, jeune/vieux, faradhi/Homme, Homme/dragon, seigneur/domestique, voire maître/esclave (dans le cas du couple conflictuel formé par Ianthe et Rohan).
L'attachement qu'elle porte à ses personnages est manifeste. Le plus bel exemple en est la description de l'amour et de la complicité entre Rohan et Sioned, qui résisteront aux manœuvres infâmes d'Ianthe.
Le manichéisme des situations est tempéré par l'épaisseur psychologique que l'auteur a su donner à certains personnages : Sioned, par amour, transgresse la loi des farad'him ; Rohan, lui, découvre que la réalité l'entraîne vers la sauvagerie. C'est un homme qui doute : « Il douterait toujours et c'était cela sa sagesse. »
En somme, un roman attachant, mais que son propos et sa longueur réservent principalement aux amateurs du genre. Dans le deuxième volume, ils auront plaisir à suivre Pol, le prince-sorcier né de l'union ambiguë d'Ianthe et de Rohan.
Hervé COSTILLE (lui écrire)
Première parution : 2/4/2001 nooSFere