J'AI LU
(Paris, France), coll. Nouvelle génération n° 5604 Dépôt légal : août 2000 Réédition Roman, 418 pages, catégorie / prix : L ISBN : 2-290-30373-9 Genre : Science-Fiction
Né à Paris en 1956, « émigré » en Bretagne depuis 1985, Jean-Marc Ligny explore depuis son premier roman, Temps blancs (1979), toutes les facettes des littératures de l'imaginaire, tant pour les adultes que pour la jeunesse. Inner City, paru aux éditions J'ai lu, a obtenu en 1977 le Grand Prix de l'Imaginaire.
« C'est pour Djamal que Fatima danse, qu'elle se dévoile. Car ils vont s'aimer ici même, dans le clair-obscur du gourbi d'Ali. Ils sont frère et soeur mais aussi amants — or cela ne se peut pas... » Kabylie, début du XXIe siècle. C'est la guerre civile. Djamal, l'ancien rebelle, a tout perdu quand son village a été attaqué. Et quand sa soeur, Fatima, a été violée...
Hanté par l'horreur et la vengeance, il part pour la France, dirigée par le Parti National. Ordre, milices et pureté de la race forment le menu des réjouissances. Lui n'en a cure. Il veut retrouver l'auteur du crime, Max Tannart, un mercenaire français désormais intouchable.
Un thriller de politique-fiction auquel les développements de l'actualité algérienne et française des dernières années donnent un saisissant parfum d'authenticité.
Critiques
Plus proche que vous ne le croyez.
Considéré dès sa parution comme la bonne surprise de la politique-fiction de ces dernières années, le récit décrit la Jihad, la guerre personnelle de Djamal, contre un mercenaire français qui a dirigé le commando qui a violé sa sœur Fatima en Kabylie. Djamal, qui travaille dans une compagnie pétrolifère en Algérie, se rend clandestinement en France pour rechercher le mercenaire assassin, et devient le clandestin promis d'avance à toutes les avanies. Car dans cet avenir proche (une dizaine d'années), la France présente un monde aussi inquiétant que celui de l'Algérie, toujours en proie à sa guerre civile. Le Parti National, mouvement fasciste au pouvoir, a entrepris une politique d'intimidation — et d'élimination larvée — à l'égard de tous les étrangers, indésirables au redressement et à la pureté de la France. La proximité de la période facilite l'identification du lecteur, qui retrouve ses préoccupations quotidiennes à l'égard de l'émigration.
Bien que tourné exclusivement vers sa vengeance, le personnage de Djamal, tueur impitoyable, est décrit par Ligny de manière sympathique. Si sa culture est différente de la nôtre, il participe, dans son désir de justice, à ce qui fait l'humanité des hommes et il se révèle attachant (les citations des sourates du Coran qui précèdent les fragments intercalés entre les chapitres ont été choisies avec soin pour leur universalité). Ligny montre que, quoique le fascisme existe des deux côtés de la Méditerranée, on peut rencontrer des modérés qui refusent les régimes extrémistes, les excès de l'ultra-libéralisme, et qui s'entraident pour survivre. Pas de commentaire ni de prêche. Ligny laisse parler les faits, au service d'un engagement politique qui fait confiance à l'intelligence et à la détermination humaines.
Sous des apparences de documentaire-fiction, ce bon roman, à l'allure de thriller, à l'intrigue foisonnante joint à une intrigue conduite avec soin, d'un rythme rapide, nous montre sans peine les dangers de la xénophobie et de l'intégrisme qui menacent, sans jamais être ennuyeux. Grâce à des journalistes consciencieux et rebelles à l'ordre écrasant et à l'autocensure imposée, la mort tragique de Djamal ne restera pas vaine. Il faut souligner le talent de Jean-Marc Ligny qui a su nous faire partager une tranche de la vie d'un homme qui nous ressemble, au-delà de ses différences.
Dans un futur proche, alors que la guerre fait rage en Kabylie, un petit village est attaqué et ses habitants massacrés. Un berger témoin du massacre apprend à Djamal Saadi que sa sœur a été violée et tuée par un mercenaire français nommé Max Tannart. Dès cet instant, Djamal ne pense plus qu'à la vengeance. Il part pour la France, à la recherche de celui qu'il croit être le meurtrier de sa sœur. En fait, celle-ci a survécu et a échoué à Paris où elle est contrainte de se prostituer.
En France, un Parti National au relent fascisant est au pouvoir. Le racisme, la méfiance et la dénonciation sont de règle. Des milices font régner un ordre brutal et les médias sont à la botte du pouvoir. Dans ce pays où la couleur de sa peau et son type ethnique suffisent à provoquer des réactions hostiles qui attisent sa haine, Djamal se fraye un chemin sanglant afin d'accomplir sa vengeance.
Le récit s'attache donc aux pas de Djamal, mais pas exclusivement. On suit également le parcours de sa sœur Fatima et celui de deux journalistes qui ont bien du mal à exercer leur métier face à la censure qui voudrait les museler. A travers le parcours de ces personnages et de quelques autres, Jean-Marc Ligny brosse ainsi le portrait d'un monde à la dérive, et bien plus que l'accomplissement d'une vengeance, Jihad est avant tout la vision saisissante d'une France où les quartiers riches sont gardés par des milices privées, où les médias ne diffusent qu'une propagande décervelante, où l'individualisme-roi conduit inévitablement à la haine des autres et où la violence entraîne la violence dans une spirale sans fin. Cette vision du futur est d'autant plus terrifiante que rien ne différencie l'époque du roman de la nôtre, si ce n'est le contexte politique qui offre une amplification des travers actuels de notre société. Mais l'anticipation de Jean-Marc Ligny est si crédible et si proche de nous qu'elle en fait froid dans le dos.
Cependant, le personnage principal, lui, se moque totalement de la politique. Il n'est que la victime d'un système totalitaire qui s'appuie sur la peur et la violence, notamment en utilisant des criminels comme Max Tannart comme pilier des ''forces de l'ordre''.
Jihad est donc un roman qui dérange et donne à réfléchir. Mais c'est également un roman palpitant et plein de rebondissements, écrit dans un style rapide et fluide. Bref, toutes les conditions sont réunies pour en faire un grand roman, du genre de ceux qui marquent la mémoire du lecteur pour longtemps.
Djamal est un guerrier, un rebelle kabyle rompu à toutes les techniques de guérilla. Et Djamal n'a qu'un but, un unique objectif : venger Fatima, sa sœur, violée et assassinée par Max Tannart, un mercenaire français, dans son petit village d'Aït-Idja. Il est prêt à toutes les extrémités pour parvenir à ses fins, jusqu'à pénétrer clandestinement dans cette France d'un proche futur ou le Parti National tient les rênes du pouvoir, un état ultra policé ou les milices CAID n'attendent qu'une chose : tabasser à mort le premier étranger venu, basané de préférence. Mais Djamal ne reculera pas, ne faiblira pas, car tel est son Jihad...
On l'attendait depuis près d'un an, ce nouveau roman de Jean-Marc Ligny, roman publié en grand format dans la belle collection « Présences » de l'éditeur Denoël. On l'attendait et... oui, sans doute, cela valait le coût d'attendre ! Jihad s'inscrit dans le courant des romans de politique-fiction, un genre qui nous a dernièrement donné certaines des plus belles réussites S-F de langue française, qu'il s'agisse du Faustde Serge Lehman ou bien encore de Wang (malgré tout ses défauts) par Pierre Bordage. Il y a incontestablement de ces deux œuvres dans le Jihad de Ligny, mais il y a également bien d'autres choses.
Jihad est avant tout un roman convenablement construit servi par une écriture nerveuse, vive, exempte de fioritures superflues. À tel point qu'on a parfois le sentiment de lire un scénario de film tant la manière concise de Ligny sait se faire riche en images (on peut d'ailleurs espérer que quelque producteur bien inspiré saura saisir le potentiel cinématographique de ce bouquin, au regard du budget raisonnable que sa production nécessiterait). Ainsi suit-on les pérégrinations de Djamal entrecoupées de flash-backs, autant de plongées dans un passé d'où émergent des relations frère/sœur proches de l'inceste. À ceci se greffe le quotidien d'un couple de journalistes français en but à la censure et quelques autres personnages dont les destinées se rejoindront dans une inévitable explosion de sang.
Toute l'intelligence de Ligny réside dans sa volonté de ne pas forcer le trait. Certes saprojection nous propulse dans une France future, mais un futur de cinq, dix ou quinze ans maximum. D'où l'absence de rupture et une totale identification (ce que d'aucuns regretteront peut-être, arguant du manque d'épaisseur du « matériel » science-fictif), d'où l'aspect proprement effrayant du roman, un côté réaliste terrifiant auquel notre actualité, la vraie, celle de tous les jours, confère une tonalité aux échos de justesse tout simplement alarmante.
Ligny signe avec Jihad une œuvre forte et juste, un bouquin qui, comme le pinard, « devrait-être obligatoire » !
ORG Première parution : 1/4/1998 dans Bifrost 8 Mise en ligne le : 2/11/2003
Le futur proche, très proche même, de ce roman ne présente aucune évolution technologique (le décor est, à peu de choses près, celui de notre présent) mais s'appuie sur les données sociologiques et politiques de notre quotidien. Le Parti National, au nom très transparent, gouverne la France en faisant appliquer ses pires idées fascistes : les milices font la chasse aux immigrés, le totalitarisme s'implante doucement, en même temps que la pensée unique de l'ultralibéralisme. De l'autre côté de la Méditerranée, la guerre civile fait rage entre l'Armée Nationale Islamiste et les intégristes, qui harcèlent en outre les rebelles kabyles.
A Aït-ldja, un mercenaire français engagé comme conseiller décime la population et viole une jeune kabyle, Fatima. Ivre de douleur, Djamal, son frère, se rend clandestinement en France pour venger sa famille en tuant Max Tannart, devenu entre-temps le chef des milices. Il ignore que sa sœur a survécu et qu'elle se trouve également à Paris, prostituée dans un bordel. Traqué dans la capitale, bouc émissaire auquel on attribue les attentats perpétrés par les X-Men, une organisation secrète qui tente de s'opposer au pouvoir en place, les tribulations de Djamal permettent de brosser, en noir, un portrait de cette France de demain.
Menée sur un rythme rapide, l'intrigue se développe autour d'une attachante galerie de personnages, qui aident Djamal et Fatima à différentes étapes de leurs parcours. Ce thriller n'a de science-fictif que le décor politique qui sert de toile de fond à ce récit de vengeance. Ligny n'en fait pas un tract, pas plus qu'il ne délivre de commentaires. Si la lutte contre le Parti National est illustrée par l'action des X-Men, le combat de Djamal est avant tout individuel, mené pour des raisons personnelles et sans aucune prise de position politique. Une attitude qui reflète sans doute le comportement dominant de nos sociétés actuelles, où l'égoïsme individuel prime sur la responsabilité collective, où les grandes idéologies ne convainquent plus personne. Le constat de Ligny n'est pas pour autant pessimiste. Loin de nobles idéaux, les marginaux, par leur refus d'un moule, sont plus à même de s'opposer à la pensée unique : ainsi Sonia, artiste amoureuse de Djamal, Jack et Péritelle, journalistes indépendants, Victor Malikian et Maria Casalès, réalisateur et actrice jadis célèbres, dont les gestes de solidarité constituent autant de réponses aux totalitarismes.