Au château du Hayolt, le pouvoir a glissé entre les mains d'Ineluki, le Roi de l'orage, et du Prêtre Rouge, son âme damnée ; le Roi souverain Elias n'est plus qu'une marionnette qu'ils manipulent (mais a-t-il jamais été autre chose ?). Et justement Elias « décide » d'envoyer vers la Pierre de l'Adieu, où se concentrent les rebelles, une armée commanditée par le duc Fengbald. Mauvaise nouvelle pour la résistance, qui n'est pas prête à affronter les forces infiniment supérieures dépêchées par le Roi souverain. Or elle leur tient tête à la première rencontre ! Un coup de chance, mais qui ne préjuge pas de la victoire finale. Il faudrait que la princesse Miriamélé, fille révoltée d'Elias, réussisse à gagner la Pierre de l'Adieu ; que les Nabbanais, peut-être même les Sithis, se rallient à la cause rebelle ; et surtout... que Tiamak comprenne le sens de son parchemin !

     L'arcane des épées, premier cycle romanesque de Tad Williams, avec ses personnages complexes, son dechaînement de forces maléfiques et de batailles grandioses, a séduit d'emblée un très large public. Les amoureux de Tolkien ont salué en lui un digne successeur du maître de la fantasy moderne.

     Sixième tome de l'Arcane des épées, et deuxième des quatre parties du troisième roman du cycle, ce volume amène enfin une évolution de l'action. Les différents protagonistes, éparpillés dans les volumes précédents, sont à présent presque tous réunis. Simon, le jeune héros, retrouve notamment la princesse Miriamélé. Tous deux sont secrètement amoureux l'un de l'autre, mais malheureusement, ils sont maladroits et n'osent se montrer leurs vrais sentiments. On aurait néanmoins tort de croire qu'on a affaire ici à un mélo déchirant : heureusement, l'action prime, car le duc Fengbald, envoyé par le roi Elias et son obscur conseiller Pryrartes, assaille la place forte où se sont réfugiés le prince Josua et sa petite troupe. A l'issue de combats homériques, le duc échoue dans son attaque. Quant à Camaris, ce vieil homme, dont on dit qu'il fut l'un des plus grands — si ce n'est le plus grand — héros du royaume, réussira-t-il à retrouver sa vigueur ?

     Bref, encore une fois le tourbillon d'événements vous emporte dès la première page, et vous entraîne jusqu'au bout. Et même si l'on est parfois quelque peu submergé par l'ampleur de ce livre (défaut dont souffre aussi l'autre cycle de l'auteur, Autremonde, en cours de publication chez Payot), on ne se plaindra pas du métier déployé par Williams tout au long de ces pages. L'auteur n'est pas un poseur, il en donne pour son argent au lecteur, disséminant ça et là les indices qui permettent d'anticiper certains événements à venir (le rôle de Rachel et de Guthwulf, la restauration de Josua sur le trône du Hayholt). Conté avec beaucoup de sincérité et de maîtrise, ce tome de fantasy archétypale nous donne envie de lire la suite (et la fin) de cette gigantesque saga.