Parue en septembre 2000, cette troisième version d'un livre qui fut sacré prix Rosny Aisné en 1992 a beaucoup d'atouts dans son jeu pour convaincre les sceptiques que la science-fiction est de la véritable littérature, et non pas un « mauvais genre » ! En effet, si certaines idées de l'auteur relèvent pour l'instant de l'impossibilité scientifique, l'écriture est bien de notre siècle et apparaît ici dans toute sa splendeur. Si l'on oublie l'aspect futuriste, on a affaire à un texte qui supporte dignement d'être comparé à ceux d'auteurs de « littérature générale » pourtant bien plus prétentieux...
Il y a deux parties dans ce récit : Etoiles mortes (311 pages) et Voleurs de silence (188 pages). Elles sont liées et tournent autour de Closter, l'artiste du futur.
Dans Etoiles mortes, on rencontre les AnimauxVilles, qui permettent aux hommes de voyager instantanément dans l'espace. Mais les réduire à cette fonction serait injuste. En effet, Closter et surtout Ombre, son chat, ont des rapports presque amoureux avec eux. La forêt des contes d'antan, aimée et crainte du chasseur, est ici remplacée par un habitat de chair que chaque citadin pourra ou non assimiler à la ville de ses rêves. Le titre de cette partie est tiré du nom du bar où Falstaff sert de la bière sur fond de musique envoûtante. Vorst, le musicien tueur, y joue souvent. Marika l'Astrale y vient aux nouvelles : elle cherche son corps perdu par la compagnie des voyages...Ce bar existe sur chaque AnimalVille. C'est donc une espèce de point d'ancrage pour le voyageur qui peut toujours y trouver un certain réconfort. Ailleurs dans ce vaste univers, on apprend l'existence pitoyable des habitants de la Vieille Terre et la toute-puissance du Cartel...
L'intrigue pourrait se résumer en quelques mots et ce serait la déflorer que d'en dévoiler une ligne. On peut néanmoins la caractériser brièvement : elle pose plus de questions existentielles que de problèmes matériels, elle est longue à cerner, elle touche à l'Art et aux problèmes de l'Artiste. Enfin, ce n'est pas pour elle qu'il faut lire ce livre, c'est pour la beauté du texte : pour l'adjectif bien choisi qui illumine la page, pour la poésie qui jaillit au détour d'une virgule, pour la force de rêve qu'une idée vous insuffle, pour la cascade d'émotions sensuelles qui vous submerge, pour les images qui peut-être éblouiront un instant votre lecture, bref, pour tout ce qui tisse l'atmosphère forte et colorée des méandres de ce livre...
Dans Voleurs de silence, nous retrouvons Vorst qui veut cette fois détruire les œuvres de Closter. Mais celui-ci va le convaincre de n'en rien faire en lui dévoilant les mystères de chacune de ses créations. Nous découvrons donc les œuvres d'Art de Closter en même temps que Vorst qui va pour ainsi dire vivre une « mort et transfiguration ». Façon habile de lier entre elles sept nouvelles d'une veine assez poétique, rappelant le style de la première partie. Chacune correspond à une œuvre d'Art et donc à une expérience de Vorst.
C'est un véritable univers que l'auteur suggère ici. Nous l'apercevons derrière le difficile périple du héros qui n'en visite qu'une infime partie. Pourtant les ficelles sont là et il ne resterait plus qu'à les actionner pour donner vie à quelques centaines de pages de plus. Cela a d'ailleurs été fait dans Etoiles mourantes, co-écrit avec Ayerdhal et couronné par le prix Tour Eiffel en 1999. Ceux qui le désirent pourront donc en apprendre plus sur ce monde dans cet autre superbe volume.
Dunyach puise son inspiration à la source de l'âme et de la vie, quelle autre explication avancer pour rendre compte du petit miracle qui s'opère sous sa plume ? Ajouter qu'il est aussi ingénieur et parolier de chansons permet peut-être de mieux le situer mais si l'on vous demande qui est J.C. Dunyach, la réponse est simple : un Grand Auteur Français.
Antoine ESCUDIER (lui écrire)
Première parution : 14/1/2004 nooSFere