Au huitième siècle après Jésus-Christ, l'Empire romain, qui refuse de mourir, voit Mithra s'imposer comme le dieu unique du culte officiel. Alors que la religion veut étendre son influence sur le continent, et que Rome, en proie à la corruption et aux complots, cherche à retrouver sa splendeur passée, l'autorité de l'Empire est contestée en Germanie, en Helvétie et en Armorique. La guerre paraît inévitable.

     En ces temps incertains, Judith de Braffort, fille d'un duc d'Armorique, voit son destin étroitement mêlé aux événements qui s'annoncent. Manipulée par les divinités, par la reine-sorcière Ygrene et une confrérie de magiciens bien décidés à mettre fin aux ambitions hégémoniques de l'Empire, Judith devra faire l'apprentissage des arts occultes et s'opposer à la vendetta de sa cousine Frédérique. Enfin, elle découvrira quelle terrible malédiction poursuivait sa mère qu'elle n'a jamais connue.

     Née à Marseille, Rachel Tanner a fait ses études supérieures à Aix-en-Provence où elle réside encore aujourd'hui. Après une licence d'histoire et une maîtrise d'archéologie, elle enseigne actuellement dans un collège. S'appuyant sur une documentation minutieuse, l'auteur nous livre un premier roman uchronique et fantastique, et dépeint une antiquité à bout de souffle où les simples mortels sont comme toujours les jouets de volontés qui les dépassent.

     Oriflam, éditeur de jeux de rôle et de recueils de nouvelles inspirées du monde de Lovecraft, inaugure avec ce roman une nouvelle collection de fantasy : Terres Anciennes.

     L'action se déroule dans l'Antiquité, car dans cette uchronie l'Empire romain conserve encore une bonne partie de sa puissance même au huitième siècle après Jésus-Christ. Je ne devrais d'ailleurs pas employer notre calendrier car dans le monde du roman, le culte de Mithra, qui était en concurrence avec le christianisme, a supplanté ce dernier pour devenir l'unique religion officielle.

     Outre son caractère uchronique, « L'Empreinte des Dieux » est aussi un vrai roman de fantasy, avec de la magie, des batailles, des prophéties, des interventions divines... Il possède le charme des premiers tomes des grandes sagas, ce moment où le lecteur, en compagnie du jeune héros de l'histoire, découvre un nouveau monde. Ici l'héroïne, Judith de Braffort, sort de son enfance, parcoure l'Europe antique et devient une puissante magicienne.

     Les objectifs concurrents des différents personnages provoquent de nombreuses intrigues qui s'entremêlent. Rachel Tanner évite ainsi l'écueil principal du genre, souvent trop manichéen. Il est bien sûr possible de trouver quelques défauts à ce premier roman. Les dieux sont un peu trop dirigistes, ce qui limite l'initiative de Judith. Et, surtout au début du roman, les personnages voient leur monde avec un recul plus proche de celui d'un historien que d'un individu plongé dans son époque.

     Cependant Rachel Tanner a réussi un beau mélange, le cadre historique de l'uchronie apportant à la fantasy une crédibilité et un intérêt supplémentaires. J'espère qu'Oriflam, sur les traces de Mnémos, nous fera encore découvrir de nouveaux talents.

     1533 après la fondation de Rome — soit 780 après J.C. selon notre compte. Dans l'Empire romain occidental qui a résisté aux invasions barbares, le christianisme n'a pas réussi à s'imposer et le culte de Mithra est devenu la religion d'état. En marge de l'Empire, en Armorique, les anciens dieux et la magie n'ont cependant pas tout à fait disparu, malgré la présence de plus en plus menaçante des prêtres mithriastes. La jeune et fougueuse Judith, fille du duc de Braffort, est alors investie d'une mission par l'un de ces dieux ancestraux...

     Fondée sur un commentaire d'Ernest Renan — « Si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste. » -, cette uchronie est le théâtre d'une ample épopée fantastique où l'on croisera, entre autres personnages, un certain Charles qui en d'autres circonstances serai devenu lui-même empereur sous le nom de Charlemagne.

     Si certaines des situations de départ paraissent conventionnelles — on trouve une jeune fille valeureuse insatisfaite de sa condition de femme, la mère aveuglée par son désir de vengeance, l'empereur dévoré par son ambition redoutant le trop populaire général de ses armées... — , le souffle du récit emporte rapidement le lecteur à travers un flot d'aventures passionnantes. Pour un premier roman — qui a connu une première édition mort-née chez Oriflam — , on est impressionné par la maîtrise narrative de l'auteur, habile à éviter les temps morts qui alourdissent tant de romans similaires. Au contraire, l'intérêt est sans cesse relancé par de nouvelles perspectives et de nouvelles évolutions, sans que pour autant l'intrigue sombre dans la confusion.

     Ainsi, Rachel Tanner parvient à bâtir une Histoire parallèle convaincante et documentée où évoluent des personnages plus complexes qu'ils ne le paraissaient de prime abord. Ce récit flamboyant évoque ainsi les œuvres de Guy Gavriel Kay, sans que Tanner ait à pâtir de cette flatteuse comparaison.

     Une suite est d'ores et déjà annoncée. Les amateurs de fresques romanesques ambitieuses seront comblés.

     Attention, surtout ne passez pas à côté de ce livre, c'est un véritable événement ! À plus d'un titre. Tout d'abord, parce qu'il s'agit d'un premier roman impressionnant d'intelligence et de maîtrise. Ensuite, parce que ce premier roman est l'œuvre d'une Française qui rivalise avec les Anglo-saxons dans le délicat exercice de la fantasy.

     Historienne de formation, spécialiste de l'époque romaine, l'auteur évite le cadre habituel de la light fantasy « tolkiennienne » pour situer son récit en l'an 780 de notre ère, dans un Empire romain florissant. Il n'a pu perdurer qu'en relation avec le culte de Mithra, étouffant dans l'œuf quelques siècles plus tôt le christianisme naissant. Au début du récit, l'empereur Crispus Augustule, un abject fanatique avide de pouvoir, accentue encore l'emprise du culte mithriaste, pour mieux contrôler son empire.

     Pour contrer cette divinité trop envahissante, les anciens dieux lancent leur dame sur l'échiquier. C'est ainsi que Judith de Braffort, la toute jeune fille d'un duc Breton influent, est envoyée en Suisse suivre l'enseignement de la magicienne Ygrenne et se préparer au combat dont dépend l'équilibre cosmique. Dans son périple, qui n'est rien d'autre que la quête de ses origines et de sa propre identité, Judith perdra puis retrouvera ses frères, combattra sa cousine Frédérique devenue sa pire ennemie, aidera le grand Charles à se tailler un empire, connaîtra l'amour, la haine, la guerre et les mystères de la Nature.

     Manigances divines, combats sanglants contre les légions romaines, ce roman passionnant et furieux contient toute la fantasy et plus encore. L'auteur nous plonge dans un univers barbare aux accents flaubertiens. L'Empreinte des dieux est un roman d'atmosphère subtil et poétique, passionnant de bout en bout. Il y a quelque chose du David Gemmel du Lion de Macédoine chez Rachel Tanner. Un coup d'essai, devenu un coup de maître, qui laisse augurer une suite. Viiiite.