"Pas de suspense, pas de meurtres non plus, sauf en été les mouches qu'on écrabouille à coups de tapette, et les cadavres de souris empoisonnées dans le grenier. Pas de violence à première vue, et pas de cul non plus, ou alors du tellement fripé qu'il décourage aux galipettes." C'est ainsi que commence la longue confession de Fernand, destinée à son fils toujours absent et donc confiée aux bons soins d'une bande magnétique… Nous sommes prévenus : pas de spectaculaire, très peu d'action, rien que l'ordinaire d'un vieux couple…
Pourtant, le "non-événement" qu'est l'arrivée du tamagotchi va bouleverser la vie paisible de ces retraités sans histoire. Malgré ses défauts de vieux bougon, Fernand est un personnage plutôt sympathique, qui regarde le monde avec lucidité et ironie, et subit la vieillesse avec une certaine autodérision. Sa réaction face à Hector, le toutou virtuel, est irrésistible : incompréhension, désarroi, colère, moquerie, complicité simulée, kidnapping, non-assistance à tamagotchi en danger, Fernand va chercher par tous les moyens à se débarrasser de l'intrus…
Mais derrière cette comédie futile que se jouent les deux vieux époux se cache un drame, une détresse si profonde que la conclusion ne peut être que tragique. Dans la phrase citée plus haut, quelques mots anodins prennent alors tout leur sens, un sens terrible : pas de violence "
à première vue".
Décidément, la collection Imagine confirme sa volonté de transgresser les étiquettes et de ne fixer aucune limite à l'Imaginaire. Comme celui de Duguël paru le même mois (
Petit théâtre de brouillard), le roman de Pascal Françaix ne contient en effet aucun élément fantastique ou irréel, au contraire : il est ancrée dans une réalité banale.
Mais si les personnages sont humains et touchants et si le décor est celui d'une région austère en train de tourner la page des corons, il ne faut pas croire que ce roman est triste ou ennuyeux. Il est au contraire fort drôle, l'auteur ne s'apitoyant jamais sur ses personnages, qu'il malmène malicieusement.
De façon très subtile, Françaix démonte les mécanismes d'une folie pas si douce qu'on pourrait le croire, où le non-dit est fondamental. Jusqu'au dernier chapitre, il manipule et égare le lecteur, et celui-ci en redemande !
Pascal PATOZ (lui écrire)
nooSFere