Le fouilleur d'âmes, c'est une créature vaporeuse, une ombre répondant au doux nom de Mashendomirnozoyd, Mash pour les intimés, qui s'attache au service d'un homme et comble le moindre de ses désirs. Y compris ceux que la conscience refoule. Et là, ça devient gênant. Car qui n'a pas rêvé d'occire ses ennemis, par jeu, par dépit, par orgueil ? Quand la fiction intérieure devient réalité extérieure, c'est le chaos.
Cette expérience, Brian Shadley la vit. Au début, il se laisse emporter par l'ivresse et la puissance que lui offre son gentil génie. Mais passées les premières vengeances personnelles, comme après une cuite, la gueule de bois le ramène à la raison et la peur le saisit. Ce bon vieux Mash lui avait pourtant annoncé la couleur dès le commencement : « Mash vouloir seulement servir... Vouloir seulement veiller sur Brian. Etre près de lui. » et « Mash toujours lié à Brian. A jamais... » C'est à dire jusqu'à la mort.
C'est un roman parfaitement efficace, écrit avec rigueur et punch. Du début à la fin, on se laisse emporter par le récit, on tourne les pages avec une angoisse excitante. On veut aller toujours plus loin et savoir....
Mais je me demande ce qu'il fait dans une collection de Science-Fiction. C'est un roman de Série Noire, sis sur la frontière qui relie le Polar au Fantastique. Il aurait presque pu paraître dans la collection Maniac, chez le même éditeur.
Ce choix m'étonne. Je ne mets pas en question la qualité du livre. Il devait paraître, c'est certain. Mais ailleurs.
Je sais ce qu'on va me rétorquer. La Science-Fiction, c'est quoi ? Le genre devient de plus en plus flou. Il s'étend, se détend. D'accord, je n'ai aucune définition satisfaisante à donner. D'accord, je suis le premier à prétendre que la Science-Fiction ne devrait pas s'enfermer dans une boîte trop étroite. L'ennui, c'est que commercialement, elle ne peut lever cet obstacle. Aussi, ma réaction est-elle à la fois judicieuse et idiote. Mais j'assume.
Je dis ce que je pense. Et ma foi, ce livre est à lire, en dépit de l'étiquette erronée qui figure sur la couverture.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/12/1988 dans Fiction 403
Mise en ligne le : 22/3/2003