Sous ce titre lovecraftien, Robert Clauzel a écrit un roman qui renoue effectivement avec Lovecraft (lutte contre des entités démoniaques) mais surtout, et plus modestement, avec ses pairs (ou pères) du Fleuve Noir, Richard-Bessière et Jimmy Guieu. En effet, L'horreur tombée du ciel ne nous transporte pas loin dans l'espace et dans le temps, à l'occasion de batailles ou d'espionnage stellaires, comme c'est trop souvent le cas désormais dans les monotones productions de la maison.
L'horreur tombée du ciel est situé de nos jours, dans un coin de la province française, et ne met pas en scène des surhommes mais un architecte, des savants, des militaires, qui se trouvent confrontés à une menace inconnue. Ce décor sage et très situé permet une certaine incarnation de l'aventure, nous la rend plus présente, plus crédible, et le réflexe de projection, d'identification, peut jouer. Naturellement, le schéma n'a rien d'original : un jeune architecte, Germain Laurent, est le témoin d'un phénomène céleste bizarre et se heurte à l'incrédulité des gens, Jusqu'au jour où des cellules énigmatiques, dont le contact est mortel, apparaissent dans un champ, se mettent à proliférer, à s'assembler, à grossir, pour former une entité maléfique qui menace l'équilibre de la Terre tout entière : le Cosmozoaire...
Mais cette banalité (voulue ou non) n'est pas à prendre dans un sens restrictif, car elle nous plonge au contraire dans un terrain familier que nous retrouvons avec plaisir : celui des films de science-fiction de série B, comme par exemple Le monstre de Val Guest ou Tarantula et Le météore de la nuit de Jack Arnold. Tout vient, en effet, dans le roman de Robert Clauzel, rappeler des séquences ou des constantes de ces productions qui faisaient nos délices amusées dans las années 50 : l'atterrissage de la « chose » mystérieuse ; l'incrédulité de la police devant le récit du témoin ; les morts mystérieuses et horrifiques qui s'accumulent ; le « héros » de fortune (ici un architecte) qui prend une place privilégiée, aux côtés des savants, dans la lutte contre la chose, l'intervention de l'armée, naturellement impuissante...
Tout cela fleure donc le souvenir un peu fané, respire une nostalgie de bon aloi. La deuxième partie du livre est un peu plus décevante, qui met en scène des extra-terrestres de la planète Gremchka (déjà présents dans un roman précédent de l'auteur), lesquels viennent débarrasser notre planète de la menace d'outre — ciel. La panique planétaire de la fin est assez pâlotte (comme dans un film de série B, encore : par manque de figuration sans doute...), et on se demande pourquoi la Terre se refroidit, alors que la présence du Cosmozoaire entraîne le système solaire tout entier vers une autre région de l'espace ; ç'aurait été la Terre seule, ç'eût été plus logique...
Dans un avertissement au lecteur, et vers la fin du livre, Robert Clauzel nous prévient que celui-ci est le premier maillon d'une chaîne ou le fragment d'un puzzle, auquel devront s'assembler de multiples autres aventures qui mèneront l'Humanité à « la Connaissance définitive, l'Essence, la Nature, l'Origine, la Raison même de toute Chose ».
Voilà un bien vaste programme, et bien ambitieux, il faudra à Robert Clauzel de la patience et du talent pour le mener à bien dans le cadre du Fleuve, Noir. On est en tout cas assuré que de nombreuses « suites » sont en préparation, qui vont peut-être voir Clauzel quitter le quotidien pour le métaphysique : la chute de son roman, où Germain avoue avoir senti flotter autour du Cosmozoaire « une étrange odeur de soufre », nous fait délibérément entrevoir d'infernales élucidations...
En attendant, résumons-nous en disant que L'horreur tombée du ciel nous a bien amusé. C'est déjà beaucoup !
Denis PHILIPPE
Première parution : 1/10/1971 dans Fiction 214
Mise en ligne le : 28/4/2002