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Les Enfants de l'ombre. Contes étranges et nouvelles

René BARJAVEL



LE PORTULAN (Paris, France)
Dépôt légal : octobre 1946
Première édition
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 110 F
ISBN : néant


Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Monsieur Lery, pages 9 à 31, nouvelle
2 - Monsieur Charton, pages 35 à 52, nouvelle
3 - Le Têtard, pages 55 à 58, nouvelle
4 - Les Enfants de l'ombre, pages 61 à 84, nouvelle
5 - Les Lionnes, pages 87 à 91, nouvelle
6 - Les Mains d'Anicette, pages 95 à 118, nouvelle
7 - Le Papillon, pages 121 à 124, nouvelle
8 - Péniche, pages 127 à 144, nouvelle
9 - La Couleuvre, pages 147 à 153, nouvelle
10 - La Fée et le soldat, pages 157 à 174, nouvelle
11 - Les Loups, pages 177 à 183, nouvelle
12 - L'Homme fort, pages 187 à 211, nouvelle
13 - La Créature, pages 215 à 218, nouvelle
14 - Béni soit l'atome, pages 221 à 251, nouvelle
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition FLAMMARION, Le Portulan (1962)

    Ce recueil de nouvelles fut publié pour la première fois en 1946 et était introuvable. Il ne s'agit pas ici d'une réédition, mais bien plutôt d'une remise en vente : en effet, seule la couverture, portant l'indication des éditions Flammarion, est nouvelle. Le titre intérieur mentionne toujours les éditions du Portulan, et la présentation du texte est très exactement celle de 1946.

    Lorsque ce livre fut publié pour la première fois, le public qu'il pouvait toucher était très limité, et cette réapparition est de ce fait la bienvenue. Car ces nouvelles n'ont guère vieilli – si ce n'est la première, « Monsieur Lery », petite silhouette mélancolique et un peu grotesque, qui rappelle certains personnages de Marcel Aymé, et qui se meurt avec lassitude sur un fond de restrictions et de rationnement. C'est d'ailleurs celle qui se rattache le moins nettement au genre insolite.

    Parler de genre, au singulier, n'a d'ailleurs pas grand sens à propos de ces nouvelles. Tout en gardant un ton dans lequel la poésie s'unit à une ironie souvent amère, René Barjavel passe d'un merveilleux féerique (« Les enfants de l'ombre ») à la science-fiction (« Béni soit l'atome »). Généralement pessimiste, il n'exprime jamais le désespoir, et garde sa confiance en ceux qui ont conservé, malgré les épreuves et les déconvenues, une âme candide ou généreuse. C'est ce qui unit, dans sa sympathie, la petite Anicette dont les mains possèdent un pouvoir merveilleux, le soldat gauche et maladroit que ses compagnons ont surnommé « Péniche » et qui trouve par terre les trois souhaits oubliés par une fée, ou encore Georges Lassoupadie, « L'homme fort » auquel ses contemporains reprochent d'avoir rendu la guerre impossible…

    L'univers dans lequel René Barjavel place ses personnages, ces enfants de l'ombre, est à deux plans, nettement séparés. Il y a, au fond, les menaçants, les fauteurs de guerre et les profiteurs, ceux qui lui sont trop antipathiques pour qu'il attarde sa plume autour d'eux ; et il y a, au premier plan, dans la lumière, les êtres qui ont conservé leur réceptivité à l'égard du merveilleux, ceux auxquels les fées aiment parler et qui inspirent confiance aux animaux. Hélas, ce ne sont pas ceux-ci qui façonnent la terre et la vie des hommes, mais bien les autres, ceux que l'auteur n'aime pas. Il est obligé de tenir compte de leur existence, cependant, mais il ne les fait entrer dans son récit que l'espace d'un instant : l'instant qui les met en rapport avec ceux qui sont dans la lumière.

    Ce manichéisme ne s'exprime donc pas par une lutte, mais bien par une terrible limitation, et c'est de cette dernière que le ton de René Barjavel acquiert son allure un peu mélancolique et résignée. Et c'est le regret de ce qui eût pu être qui lui confère sa tendresse. Assurément, le bonheur est encore possible : sur cette terre, comme pour Anicette, ou simplement au ciel, comme pour la fée Pivette que Dieu transporte, avec le guerrier qu'elle aime, au septième ciel (« La fée et le soldat »). Mais il s'agit là d'exceptions, de cas isolés : par son pouvoir, Anicette a causé bien des infortunes sans le vouloir, et c'est au milieu d'une guerre que Pivette a découvert son héros.

    L'art de René Barjavel consiste à avoir su évoquer ces deux mondes, celui qui est lumineux aussi bien que l'autre, à travers des scènes dont les héros ont sa sympathie. Même si leur situation n'inspire pas beaucoup d'espoir, l'auteur estime qu'il vaut la peine d'en parler, et il raconte leur histoire dans le style qui exprime sa sensibilité à leur égard.

    Tout à fait en dehors de cet univers, voici « Les bêtes ». Il s'agit de six pièces très courtes, dont le genre particulier est d'ailleurs souligné par les caractères typographiques utilisés pour leur composition : des italiques qui tranchent sur les romains des nouvelles proprement dites. Ces petits épisodes réalisent la perfection dans un domaine qu'on peut qualifier d'onirique. Ils se situent en dehors de notre univers, et même en dehors du monde féerique évoqué dans le reste du livre. Comme dans les rêves, on y trouve des détails infimes qui prennent une importance soudaine, et absurde. L'espace y permet des voisinages insolites : il y a des lionnes près d'un café, et un hangar sous lequel on dit la messe lorsqu'on ne projette pas un film. Le temps aussi abolit les lois qu'on lui connaît : on y rencontre des V-2 dans une sorte de moyen âge, et des morts conduisent des troupeaux de loups. Les faits et les images s'y enchaînent comme dans les songes, en défiant la raison et en répondant à quelque aspiration inconsciente de celui qui rêve.

    La poésie, l'ironie et le rêve sont trois domaines auquel touche ici l'art de René Barjavel. Il n'est pas toujours facile de dire où s'arrête chacun d'eux, mais leur juxtaposition possède indubitablement du charme. Les seize années qui ont passé depuis la publication originale du livre n'ont aucunement affaibli l'intérêt de ce dernier, et ceux qui connaissent déjà « Le voyageur imprudent », « Ravage » ou « Le diable l'emporte » auront plaisir à découvrir en ces pages un aspect différent du talent de René Barjavel.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/12/1962
Fiction 109
Mise en ligne le : 26/12/2024

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