DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 575 Dépôt légal : février 1997, Achevé d'imprimer : janvier 1997 Roman, 208 pages, catégorie / prix : 1 ISBN : 2-207-24386-9 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Halte au scandale du gaspillage ! Désormais, la Société Protectrice des Objets veille... Que diriez-vous d'être couplé à une tasse de thé de façon que la moindre fêlure de la porcelaine se décalque aussitôt sur votre propre squelette en une superbe fracture ouverte ? Imaginez le cauchemar... imaginez d'autres couplages. Avec des vêtements, des livres, des disques, une maison... Brussolo invente ici un de ces univers piégés comme il en a le secret. Un univers où la moindre action est génératrice de suspense et dont la charge symbolique donne à réfléchir. Fable écologique ambiguë ? Parabole de notre dépendance des objets ? Des sinistres trouvailles du pouvoir pour nous faire filer droit ? Sans doute tout cela à la fois et plus encore...
Serge Brussolo est désormais reconnu comme un grand maître de l'imaginaire, qu'il œuvre dans le thriller, le fantastique, la science-fiction, le roman historique ou la littérature avec un grand L. Plus soucieux d'ouvrir une à une les portes de l'inconscient que d'obéir strictement aux règles des genres qu'il pratique, il donne corps à des univers fantasmatiques où il est fascinant de se perdre... ou de se retrouver.
Nous voulons coupler l'homme avec la nature ! Coupler des populations entières avec leur site de résidence ! Comprenez-vous réellement l'impact qui se produira sur les mentalités si casser la branche d'un arbre, c'est se casser le bras ! Si écrire des graffiti obscènes sur un mur aboutit à se retrouver tatoué de ces mêmes graffiti ! Si marcher sur une pelouse jusqu'à la rendre aussi pelée qu'un sol de terre battue se traduit en retour par une série de calvities précoces ! Telle est la nouvelle trouvaille brussolienne : avec l'aide de microprocesseurs et d'un effet de biofeedback, la population, couplée aux objets qui l'entourent, doit prendre garde aux déprédations, sous peine de les voir se reproduire sur sa chair... Encore un nouveau tour de magie des fantasmes de l'auteur, acharné à bafouer cette enveloppe charnelle qui est le réceptacle de toutes ses hantises. De plus en plus fort ! Serait-on tenté d'écrire. Car voilà un Brussolo parfait : pas trop long, bourré de trouvailles en chaînes, et qui plus est plein d'un humour sous-jacent qui semblait parfois se perdre dans ses romans précédents.
Un groupe de parias servant de cobayes à ces expériences permet de resserrer la seconde moitié du roman : le héros, couplé à un char d'assaut, voit sa peau se durcir jusqu'à devenir une statue, une fille couplée à ses vêtements se brûle quand elle les repasse, se couvre de plaies quand elle les déchire, etc. Ni cri écologique (respectons la nature ou la nature se vengera), ni réification de l'objet (casser quelque chose à quoi l'on tient, c'est s'amputer soi-même), Les lutteurs immobiles est tout simplement un bel exercice de style, sans doute le meilleur Brussolo du Fleuve, où comme toujours l'auteur se parle à lui-même : si je casse ma machine à écrire, je ne pourrai plus faire du Brussolo.