Des milliers de pluies auparavant, une grande guerre avait opposé les Mashataans aux Pèlerins des Nuages, laissant ces derniers vainqueurs. Les deux peuples surpuissants (certainement d'origine extra-terrestre) avaient ensuite quitté la Terre pour porter leur lutte à un autre niveau. Les Mashataans avaient fait des Naamans les représentants de leurs pouvoirs maléfiques, alors que les Pèlerins des Nuages avaient légués leurs connaissances bénéfiques au sage peuple du Cush.
Le cycle de romans de Charles R. Saunders se déroule très longtemps après cette guerre surhumaine, dans l'Afrique Centrale, à cette époque du commencement des civilisations humaines, si lointaine que les souvenirs que nous en avons sont presque inexistants... Le cadre choisi à de quoi surprendre : la reconstitution des premières civilisations Africaines, pour partiellement fantaisiste qu'elle soit, est à la fois déroutante et fascinante.
Imaro, premier roman d'une série qui en comprendra quatre, est l'histoire d'un fils-sans-père luttant pour sa reconnaissance au sein de sa tribu maternelle. Les llyassais avaient banni la mère d'Imaro pour avoir donné naissance à l'enfant d'un homme étranger à leur peuple ; ils avaient néanmoins accepté de l'accueillir à nouveau, parce qu'elle était revenue avec la preuve de la félonie du sorcier Chitendu, secrètement au service des Naamans.
La rancœur est cependant tenace, et Imaro dut toute sa jeunesse souffrir de sa différence, qui le met en marge de la tribu. Même son physique n'est pas celui d'un llyassai : nez plat, taille élevée, et musculature impressionnante pour un garçon aussi jeune !
Imaro n'est pas à proprement parler un roman, mais plutôt une suite de cinq novellas, portant toutes sur le forgeage du caractère d'Imaro, et sur les épreuves qu'il aura à surmonter. C'est d'abord sa cérémonie de passage à l'âge adulte qui est truquée par le nouveau sorcier, lui aussi vendu aux Naamans ; puis c'est la confrontation avec Chitendu, le sorcier que la mère d'Imaro avait fait chasser, et que les pouvoirs maléfiques désormais extrêmement étendus ont transformé en monstre. Les pérégrinations d'Imaro le conduiront à sortir de son TamburUré natal (une vaste prairie près du lac Victoria), et à affronter d'autres dangers... Mais aussi à se faire deux amis : le nain Pomphis, venu du Cush, et la belle Tanisha.
Le défaut de ce premier volume est la relative répétitivité des intrigues de ses cinq parties, toutes construites plus ou moins sur le même schéma. Certains lecteurs regretteront aussi un surplus de violence. Malgré tout, Imaro n'est pas Conan : ce n'est pas seulement un gros-barbare-qui-tape-et-réfléchis-ensuite... L'auteur lui a construit une psychologie intéressante, mélange d'immaturité, de fragilité intérieure et de force extérieure...
Le chemin du Cush, deuxième volume, est meilleur, car l'intrigue en est plus variée, et les situations auxquelles Imaro et ses compagnons sont confrontés sont plus complexes, demandant souvent autre chose que de la force pour être résolues : Imaro se trouve en effet confronté à des civilisations urbaines, à des lois et à des cités...
Imaro, Pomphis et Tanisha sont en chemin pour le Cush, ce puissant pays qui lutte contre les manœuvres de plus en plus précises des Mashataans. Ces derniers essayent bien entendu de les supprimer, par tous les moyens étranges qu'ils ont à leur disposition. La psychologie des personnages va en s'affinant (l'étroitesse d'esprit de Tanisha aurait d'ailleurs de quoi rendre misogyne !), le cadre est encore plus fouillé, plus dépaysant, et les batailles sont moins primaires, même s'il s'agit toujours d'une Fantasy très sombre et violente.
Ce cycle d'Imaro s'annonce comme particulièrement original, et donc particulièrement intéressant. Il sait doser avec efficacité les éléments de l'intrigue (rebondissements, batailles, difficultés, moments calmes, etc...) et du décor (aussi bien psychologique — rivalité de Pomphis et de Tanisha, fragilité d'Imaro — que géographique). C'est là de l'Heroic-Fantasy “ hard ” de première catégorie, qui devrait enchanter tous les amateurs du genre.
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/9/1986 dans Fiction 378
Mise en ligne le : 9/10/2005