Kurt Steiner, l'un des auteurs qui avait fait la joie des lecteurs de la défunte collection Angoisse, fait son entrée dans la collection Gore avec ce titre assez surprenant. Juste retour aux sources de la part de quelqu'un qui nous a laissé tant de chefs-d'œuvre par le passé.
Difficile de ne pas éprouver un pincement au cœur en ouvrant ce livre. Kurt Steiner saura-t-il encore nous émerveiller avec ses récits délirants ? Son talent sera-t-il encore intact après toutes ces années de silence ? Et puis, ne cèdera-t-il pas à son tour à la facilité du gore ? Se laissera-t-il enfermer dans les clichés du genre ? Beaucoup de questions légitimes qui se dissipent dès la lecture des premières pages du livre. Kurt Steiner n'a rien perdu de ses qualités littéraires et son talent de conteur reste intact après ces trop longues années de silence.
L'histoire qu'il nous livre est plus un récit fantastique que du gore conventionnel. Elle se déroule à deux époques différentes, comme un pendule qui oscille entre 1936 et 1988 : 1936, le Front Populaire, la montée du nazisme et des diverses formes d'extrémisme qui agitent l'Europe, et 1988, autre époque troublée. Le Grand-Guignol est une botte dans laquelle se déroulent des spectacles sanguinaires pour spectateurs huppés avides de sensations fortes. Spectacles réels ou factices ? Tout le livre repose sur cette interrogation, cette oscillation entre deux réalités La réponse éclate dans les dernières pages avec la révélation finale qui se termine de manière paradoxale. Difficile d'en dire plus sans dévoiler l'intrigue.
Kurt Steiner nous offre là un livre comme on aimerait en voir davantage dans la collection Gore, c'est-à-dire un livre où la dimension fantastique prend le pas sur les clichés sanguinolents qui finissent par devenir rasoirs (même crissant sur les os) à force de répétition.
Frédéric KURZAWA
Première parution : 1/4/1988 dans Fiction 396
Mise en ligne le : 16/6/2007